Les abus fréquents de la mémoire d’Anne Frank

 

Anne Frank est certainement devenue la personnalité juive assassinée durant la Shoah la plus connue. Sa mémoire est aussi l’une des plus malmenées. Cette maltraitance a une longue histoire. De nouveaux exemples surgissent fréquemment. L’un parmi d’autres : en janvier 2018, le club de football italien de la Lazio, en première division, a été sanctionné d’une amende de 50.000 €, après que des supporters aient exhibé des autocollants antisémites d’Anne Frank avant un match en octobre 2017[1].

A la fin des années 1980, le directeur à l’époque de la maison Anne Frank à Amsterdam n’a pas autorisé le cinéaste hollandais, Willy Lindwer, à tourner son film, Les sept derniers mois d’Anne Frank, dans cette maison. Le documentaire traitait de sa souffrance dans les camps de concentration et de sa mort à Bergen-Belsen. Lindwer a expliqué que le directeur lui avait dit : « Anne Frank est un symbole. On ne doit pas montrer les symboles mourir en camp  de concentration »[1].

La Maison Anne Frank à Amsterdam a utilié son nom, il y a des décennies, pour atteindre des objectifs politiques qui n’ont rien à voir avec l’honneur dû à sa mémoire. La journaliste hollandaise, Elma Verhey, a commenté le rôle de la Fondation Anne Frank en 1995 : « Tous les Hollandais ne considèrent pas convenable que la Maison Anne Frank se soit développée au point d’être une des attractions touristiques les plus importantes à Amsterdam.

De nombreux Juifs de Hollande évitent la Maison d’Anne Frank, à cause de certains mythes générés par son journal. En outre, il y a eu des inquiétudes, du fait que la Fondation a, parle passé, accordé plus d’attention à une poignée de néo-Nazis en Allemagne et aux difficultés des Palestiniens qu’à l’antisémitisme parrainé par l’Etat dans l’ancienne union soviétique[2].

D’autres déformations de la mémoire d’Anne Frank proviennent aussi directement des Pays-Bas. A Amsterdam, en février 2007, un graffiti est apparu montrant Anne Frank avec un Keffieh[3]. En 2008, la même image s’est transformée en carte postale publicitaire[4]. Ceci en dépit du fait que le parti majoritaire au cours des seules élections parlementaires palestiniennes jamais menées, en 2006, restevle Hamas, qui a pour objectif le génocide des Juifs. En 2006, un groupe musulman belgo-néerlandais a posté un dessin d’Anne Frank au lit avec Hitler[5].

Le thème d’Anne Frank en Palestinienne revient régulièrement. Il est récemment paru sur des affiches et des flyers à l’Université de Wits à Johannesburg. C’est la campagne de Solidarité avec les Palestiniens qui l’a promu, au cours de la Semaine de l’Apartheid Israélien[6]. En 2017, un guide freelance du Centre Anne Frank de Berlin a comparé la souffrance des Juifs sous les Nazis à celle des Palestiniens sous le contrôle israélien. Le centre a pris ses distances quant à ses déclarations déplacées[7].

Au Pays-Bas, est sorti une nouvelle pièce d’Ilja Pfeiffer, basée sur la vie d’Anne Frank. Cette pièce de théâtre transforme l’une des personnes cachée avec elle, Fritz Pfeffer, de victime en auteur de violence[8]. Il a été assassiné au cours de la Shoah. Cette pièce, dans laquelle la mémoire d’une victime de la Shoah est souillée n’est qu’un exemple de plus de la dégradation partielle de la société néerlandaise, dont le gouvernement ne reconnaîtra pas de quelle façon ses prédécesseurs, en exil durant la Seconde Guerre Mondiale, ont été gravement défaillants envers les Juifs persécutés.

Anne Frank « la Palestinienne » est un processus d’inversion de la Shoah.Une autre déformation majeure de la Shoah concerne sa déjudaïsation[9]. En 1952, une traduction anglaise de son journal a été publiée sur le marché américain. Elle s’intitulait Anne Frank : le Journal Intime d’une Jeune Fille. David Barnouw, un chercheur ayant autrefois travaillé avec l’Institut Néerlandais de Documentation de la Guerre (NIOD), a écrit que la préface àa été rédiée par Eleanor Roosevelt, la veuve du Président de la période de guerre, Franklin Delano Roosevelt. Dans ce texte, les termes « Juif » ou « Persécution » des Juifs n’ont pas du tout été mentionnés[10].

Frances Goodrich et Albert Hackett ont écrit une pièce basée sur le journal, qui a été primée en 1955 à New York. Barnouw écrit : « Evidemment, l’adaptation d’un livre, ou, en ce cas, d’un journal intime [pour en faire une pièce] ne peut pas être entièrement conforme à la vérité de l’original. Mais le fait qu’il ait eu Hitler et le National-Socialisme, ainsi que l’antisémitisme et qu’Anne Frank ait été persécutée en tant que petite fille juive, tout cela a été repoussé en arrière-plan[11]. Une précédente pièce écrite par Meyer Levin avait un contenu bien plus juif, mais elle avait été rejeté par beaucoup de producteurs[12].

L’historien Tim Cole observe : « La leçon contemporaine de tolérance exige  que les mots d’Anne Frank soit réécrits pour intégrer les membres de « telle ou telle minorité » et, pourtant ce n’est jamais qu’une parodie qui se moque de la réalité historique ». Il a joute : « Etant donné son statut mythique, la Shoah risque de devenir un passé populaire utilisé pour servir à toutes sortes de besoins présents. En particulier , les besoins liés aux tendances du libéralisme contemporain de jeter son dévolu sur une légende puissante du passé et de l’universaliser de façon à produire toute une série de leçons universelles ».

Cole conclut : « S’il y a bien une leçon qu’on puisse tirer de la Shoah, c’est précisément que l’optimisme d’Anne Frank était cruellement déplacé[13]« .

Steven Goldstein, le directeur d’une petite organisation américaine qui se fait appeler le Centre Anne Frank pour le Respect Mutuel attaque régulièrement Donald Trump[14]. Il a parfaitement le droit d’avoir ses propres opinions. Mais en le faisant au nom d’un centre qui prend le nom d’Anne Frank, représente cependant une extorsion de la mémoire d’une personne décédée qui ne peut pas se défendre.

Concernant l’instrumentalisation de ce journal comme outil pour promouvoir des idéaux « universalistes », le rôle du père d’Anne, otto Frank, doit aussi être mentionné. Elma Verhey détaille son importance. Elle écrit aussi que le père d’Anne n’a rien fait pour dissiper le mythe selon lequel Anne Frank est morte « tranquillement, avec cette idée que rien de grave ne lui soit arrivé[15]« .

Les exemples ci-dessus ne représentent qu’une infime sélection d’une déformation d’une énorme complexité, concernant cette jeune femme juive assassinée durant la Shoah. Malheureusement, on ne peut qu’être sûr que si cet article est mis à jour, disons, dans un an d’ici, il comprendra un grand nombre de nouvelles illustrations de ces abus de la mémoire d’Anne Frank.

Par Manfred Gerstenfeld

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

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[1] www.bbc.com/sport/football/42816855

[2] Elma Verhey, “Anne Frank and the Dutch Myth,” in Alex Grobman and Joel S. Fishman, Anne Frank  in Historical Perspective: A teaching Guide for Secondary Schools (Los Angeles: Martyrs Memorial and Museum of the Holocaust of the Jewish Federation of Greater Los Angeles, 1995) 23-24.

[3] www.cidi.nl/gezamenlijke-verklaring-van-cidi-en-boomerang-over-anne-frank-kaart/; www.historischnieuwsblad.nl/nl/nieuws/12850/historische-helden-op-een-shirt.html

[4] www.geschiedenis.nl/nieuws/artikel/2888/omstreden-anne-frank-kaart-blijft-in-roulatie

[5] www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3211339,00.html

[6] www.jpost.com/Diaspora/South-African-students-mark-Israel-Apartheid-week-with-Palestinian-Anne-Frank-545221

[7] www.timesofisrael.com/berlin-anne-frank-center-guide-says-holocaust-suffering-like-palestinian-strife/

[8] www.jta.org/2017/11/05/arts-entertainment/a-new-dutch-play-about-anne-frank-doesnt-mention-jews-nazis

[9] http://jcpa.org/book/the-abuse-of-holocaust-memory-distortions-and-responses/ (chapter 5: 79-89)

[10] David Barnouw, Anne Frank: voor beginners en gevorderden (Den Haag: Sdu, 1998).

[11] Ibid, 30.

[12] Ibid, 23-26

[13] Tim Cole, Selling the Holocaust (New York: Routledge, 2000), 42.

[14] www.theatlantic.com/politics/archive/2017/04/anne-frank-center/524055/

[15] Gerrold van der Stroom (ed.) De Vele Gezichten van Anne Frank, visies op een Fenomeen (Amsterdam: de Prom, 2003)..

 

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