Attaques chimiques de Douma : le rapport d’évaluation qui justifie les frappes françaises

Attaques chimiques de Douma : le rapport d'évaluation qui justifie les frappes françaises
Emmanuel Macron et le chef d’état major Francois Lecointre, en janvier 2018. (Claude Paris / AFP / Montage OBS)

Dans la foulée des frappes de la coalition en Syrie, le Quai d’Orsay publie un document mêlant analyses et renseignements déclassifiés.

Invité de BFMTV ce samedi matin, quelques heures après les frappes occidentales sur les abords de Damas et Homs, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a indiqué que la France avait « des renseignements fiables » sur la culpabilité des forces armées syriennes dans l’attaque chimique de Douma, survenue le 7 avril sur la dernière poche rebelle de la Ghouta orientale – et que la « ligne rouge » avait donc été de nouveau franchie.

Certes les renseignements français ne sont pas encore en mesure de communiquer sur la nature précise des gaz utilisés à Douma. « L’analyse que nous allons mener permettra d’identifier l’ensemble des éléments », assure Jean-Yves Le Drian.

« Il y a du chlore, c’est certain, sans doute aussi d’autres éléments au vu des symptômes ». 

« Attaques chimiques létales »

Pour asseoir ce discours, le ministère des Affaires étrangères a publié ce samedi matin un document d’une dizaine de pages mêlant « analyses techniques d’informations de sources ouvertes » et « renseignements déclassifiés obtenus par les services français ». Dans cette « évaluation nationale », le Quai d’Orsay conclut au déroulement de « plusieurs attaques létales » menées sur « le quartier de Douma le samedi 7 avril 2018 en fin d’après-midi » :

« Nous estimons avec un haut niveau de confiance qu’elles sont le fait du régime syrien. »

Il n’y a donc pas une, mais une multiplication de « recours à des substances toxiques » qui ont fait l’objet de communications d’ONG « habituellement fiables », écrit le ministère : notamment la « Syrian American Medical Society » (SAMS) et « Union of Medical Care and Relief Organizations » (UOSSM).

« Un afflux massif (au minimum une centaine de personnes) de patients présentant des symptômes d’exposition à un agent chimique dans les centres de soin de la Ghouta orientale a été constaté et documenté en début de soirée. Au total, plusieurs dizaines de personnes, au moins quarante selon plusieurs sources, seraient mortes d’une exposition à une substance chimique. »

Les témoignages, photos et vidéos apparus sur internet et dans la presse ont été épluchés par les services français, qui concluent :

  • « L’examen des vidéos et images montrant des victimes et mises en ligne ont permis de conclure avec un haut degré de confiance que la grande majorité est de facture récente et ne relève pas d’une fabrication.
  • La nature spontanée de la mise en circulation des images sur l’ensemble des réseaux sociaux confirme qu’il ne s’agit pas d’un montage vidéo ou d’images recyclées.
  • « Enfin, une partie des entités ayant publié ces informations est reconnue comme habituellement fiable. »

Parmi les symptômes identifiables sur les images rendues publiques, figurent : suffocation, asphyxie, mentions de fortes odeurs de chlore, hyper salivation et hyper sécrétions, cyanoses (peau devenue bleue), brûlures cutanées et de la cornée. Autant d’éléments caractéristiques d’une exposition à un agent chimique, « notamment des agents suffocants et des agents organophosphorés ou de l’acide cyanhydrique ».

Le rapport d’évaluation publie par ailleurs plusieurs photos « récupérées localement par une source » de victimes de l’attaque du 7 avril, qui présentent plusieurs de ces symptômes. Quant aux accusations de manipulation des images, les services français estiment que les factions présentes dans la Ghouta n’auraient « pas les moyens de mener une manœuvre de communication d’une telle ampleur ».

« La responsabilité du régime engagée »

Quel intérêt aurait Bachar al-Assad à gazer sa propre population, étant donné la supériorité devenue écrasante de ses forces sur le terrain ? Les renseignements français apportent leur analyse : « tactiquement, l’utilisation de telles munitions permet de déloger des combattants ennemis abrités dans des habitations afin d’engager le combat urbain dans les conditions les plus avantageuses pour le régime », souligne le rapport.

« Cette utilisation constitue un accélérateur de conquête et un démultiplicateur d’effet visant à faire tomber au plus vite le dernier bastion des groupes armés ; stratégiquement, l’utilisation d’armes chimiques, notamment au chlore, documentée depuis le début 2018 dans la Ghouta orientale, a notamment pour objectif de punir les populations civiles présentes dans les zones tenues par des combattants opposés au régime, et de provoquer sur elles un effet de terreur et de panique incitant à la reddition ».

 

Les renseignements français ont par ailleurs la certitude que « la Syrie n’a pas déclaré l’intégralité de ses stocks » d’armes chimiques en 2013, et a « omis de déclarer un grand nombre d’activités du Centre syrien d’études et de recherches scientifiques ». Ainsi le site de Jemrayah, ou celui de Barzeh, aux abords de Damas, qui a été touché par les frappes de la coalition cette nuit.

(Extrait du rapport)

Depuis le 4 avril 2017, date de l’attaque au sarin de Khan Cheïkhoun, « les services français ont recensé 44 allégations de recours à des armes chimiques et substances toxiques en Syrie« . Parmi elles, les services français ont rassemblé des éléments au sujet de 11 attaques permettant « de présumer de leur nature chimique ».

« Du chlore aurait été utilisé dans la majorité des cas ; les services soupçonnent également le recours à un neurotoxique le 18 novembre 2017 à Harasta. »

 

« Une multiplication des attaques au chlore depuis le début de l’offensive de la Ghouta orientale a été clairement constatée et établie », écrit le ministère. Le mois dernier, le médecin humanitaire français Raphaël Pitti, cadre de l’UOSSM, s’en émouvait d’ailleurs dans un entretien à « l’Obs ». Avant l’attaque « majeure » du 7 avril, pas moins de huit attaques au chlore auraient été ainsi menées dans la zone, affirme le rapport d’évaluation.

Vendredi, les Etats-Unis affirmaient détenir la « preuve » de l’utilisation d’armes chimiques à Douma par le régime Assad, tandis que la Russie accusait les puissances occidentales de « mise en scène ». Des experts de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) sont attendus dans la journée à Douma pour commencer leur enquête.

T.V.

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