L’Australie ferme ses portes aux Juifs. 1945-1948

 

Par Marc-André Charguéraud

 

Le 22 août 1945, le gouvernement australien annonce une politique très restrictive d’accueil des réfugiés juifs. Seuls ceux qui ont des parents proches résidant en Australie peuvent poser leur candidature. Les conditions d’acceptation de leur dossier sont nombreuses et strictes. Ils doivent avoir vécu dans des camps de concentration ou de travail, ou avoir été déportés de leur résidence normale, ou encore avoir dû mener une existence clandestine en Europe. De plus, ils doivent être en bonne santé, adopter un bon comportement, ne faire l’objet d’aucune mention négative à leur égard des services de sécurité britanniques et être pris en charge financièrement par des garants.[1] Ils seront rares à répondre à ces critères.

En 1947, deux années après la victoire, toutes les enquêtes d’opinion, déclarations et articles concernant les réfugiés juifs expriment des réticences qui seraient qualifiées aujourd’hui d’antisémitisme violent. Une enquête révèle que 58% des personnes interrogées estiment que l’Australie ne doit pas offrir de refuge aux Juifs.[2] En janvier 1947, Ken Bolton, président de la Ligue des soldats de retour, s’exclame à propos des Juifs qui arrivent de leur refuge de Shanghai : « Ne battons pas les buissons, ce sont des Juifs allemands de la même espèce que ceux qui sont venus avant… Est-ce que ces réfugiés aident au développement de l’Australie en défrichant la terre, en construisant des routes ou en prenant la pioche et la pelle pour travailler ? Non ! Ils travaillent avec leur tête, pas au profit de l’Australie mais pour eux-mêmes. »[3] C’est le reproche stéréotypé du Juif qui n’est pas un travailleur manuel. Les détracteurs australiens continuent sur la même voie. Une communication de juillet 1947 du gouvernement australien à ses représentants auprès de l’International Refugees Organisation qui est chargée en Europe de trouver des pays d’accueil est significative : « Les immigrants doivent être sélectionnés uniquement sur leurs capacités professionnelles et industrielles et la contribution qu’ils apporteront à la vie en Australie. Leur confession religieuse ne nous concerne en aucune façon. »[4]

Pour Robert Menzies, plusieurs fois Premier ministre, les Juifs sont responsables de l’antisémitisme. Il déclare dans l’Australian Jewish Herald du 21 février 1947 que « le danger de l’antisémitisme et des préjugés raciaux serait augmenté et non diminué, si le public australien estime qu’une trop grande proportion de réfugiés juifs sont recensés dans nos statistiques annuelles d’immigration. Le refus de reconnaître ces faits, c’est décider d’ignorer l’opinion réelle du public. » Il conclut en soulignant que les réfugiés eux-mêmes sont largement responsables des sentiments négatifs à leur égard, car ils contribuent souvent « aux préjugés et à l’incompréhension du fait de leur méconnaissance des habitudes et des standards australiens. »[5] Les Juifs ne doivent pas se plaindre d’ingratitude.

En février 1947, Jack Lang, Premier ministre du New South Wales et éditeur du Century, écrit que l’Australie « ne désire pas importer le terrorisme sioniste ». Il prétend que l’immigration des réfugiés juifs est conduite « par la même organisation internationale… qui récemment exhortait la résistance juive en Palestine. »[6] Lang fait l’amalgame entre les réfugiés et le comportement terroriste de certains mouvements clandestins juifs en Palestine. Les réfugiés juifs ne sont pas bien accueillis en Australie. Non seulement les barrières à leur arrivée sont multiples, mais on fait savoir aux rares qui les franchissent qu’ils ne sont pas bienvenus. Rappelons qu’en 1947 quelques 200 000 Juifs s’entassaient dans les camps de Personnes Déplacées (DP) en Allemagne et en Autriche. Ils cherchaient désespérément un pays d’accueil pour quitter les terres ensanglantées de leurs bourreaux.

Paul Morawetz, un réfugié faisant partie de la communauté juive australienne, dit désabusé à l’Australian Jewish News du 28 janvier 1949 : « Etant donné la réception froide que les immigrants juifs ont reçu ici et le fait qu’Israël a un besoin urgent d’immigrants, les migrants juifs doivent tous aller en Israël… Les talents que les Juifs ont apportés ici et leur contribution à toutes les sphères de la vie australienne et de son économie n’ont pas été appréciés bien que les Juifs se soient démenés dans ce but. »[7] Malheureusement l’accès à la « Terre promise » resta très difficile. Plus de 50 000 DP Juifs qui tentèrent d’y arriver se retrouvèrent internés par les Anglais à Chypre pendant de de longs mois. Ce n’est qu’en mai 1948, après la naissance de l’Etat d’Israël qu’ils furent autorisés à y arriver.

Par ©Marc-André Charguéraud

 

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[1] Blakeney 1965, p. 291. A partir de 1947 tous leurs frais seront supportés par le JOINT et dans une moindre mesure par la communauté juive australienne.

[2] Ibid. p. 292.

[3] Ibid. p. 294. En fait la plupart des Juifs réfugiés à Shanghai sont des Allemands.

[4] Ibid. p. 365.

[5] Ibid. p. 299.

[6] Ibid..

[7] Ibid. p. 311.

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Davies Samuel

Completement d’accord. A propos du Canada le Ministre de l’immigration don’t je ne me souviens plus du nom
(heureusement d’ailleurs) a dit  »One Jew is too many » In monde pourri nous leur devons absolument RIEN.

Elie de Paris

C’est en juste rétribution, même après mea coulpa, maxi (100,en hebreu) que l’Australie a reçu l’immigration asiatique et @rabe,dont on connait l’impact de cette dernière. Finalement, ce comportement fut retrouvé dans la quasi-totalité des nations « occidentales » pendant et après guerre, et elles ont, elles aussi aujourd’hui, le même salaire.
Même pas 1, disait le canada…
Ils auront donc troqué ceux qui ont propulsé le pays d’Israël parmi le peloton de tête des nations modernes, et reçu en retour les assistés du Tiers-Monde, affamés et moyenâgeux…
Nous ne leur devons rien, à part quelques centaines que nous avons nommés Justes… Bien peu en vérité…
Que des embargos et des boycottes…
Bien infames, nos freres humains…