Marc Crapez est politologue et chroniqueur. Il est l’auteur de La gauche réactionnaire (Berg International  Editeurs), Défense du bon sens (Editions du Rocher) et Un  besoin de certitudes (Michalon).

Le journal Atlantico publie des extraits de son livre « Antagonismes français », aux Editions du Cerf.

Source :  L’antisémitisme de gauche, cette matrice parmi d’autres de l’antisémitisme islamiste et « Qu’ils nous épargnent du moins leurs ineptes couplets sur la défense de la liberté contre le fascisme » : quand Orwell démystifiait dès 1945 les mécanismes du terrorisme intellectuel


Depuis la fin du XIXe siècle en France, l’immobilisme est le grand vainqueur des luttes vives qui ont marqué l’histoire de notre pays. Entre opposition de doctrines, combats de personnes mais aussi subversion des mots et captation d’influences, les dérives historiographiques s’avèrent à tel point impertinentes qu’il est urgent de les dénoncer. Car ce n’est rien de moins que la mutilation de l’histoire qui est ici en jeu. Extrait de « Antagonismes français » de Marc Crapez, aux Editions du Cerf .

L’antisémitisme de gauche a été l’une des matrices de l’antisémitisme islamiste. Insultes, intimidations, violences et terrorisme, engendrent un sentiment de vulnérabilité, indéniable et inadmissible. Comme l’explique le journaliste Gideon Kouts : « En Israël aussi, il y a beaucoup d’insécurité mais elle n’est pas du même ordre. Là-bas, les juifs se sentent appartenir à une société qui subit le même sort. En France, les forces armées patrouillent devant les écoles juives –  pas devant les autres18 ».

La thématique générale du racisme est pleine de paradoxes.

En France, nombre d’écrivains classés à gauche sont peu ou prou antisémites, tels Jules Vallès, Georges Darien, Hugo, Zola, Maupassant, Renard, Gide, Duhamel, Genet. Ailleurs, l’étude de Victor Teboul, Mythe et images du Juif au Québec, publiée en 1975, montre dans maints romans québécois des stéréotypes antisémites.

Les choses sont complexes. Les paradoxes abondent. Il n’y a pas toujours de logique d’ensemble, ni de solidarité entre les victimes de discrimination ou, du moins, de groupes plus ou moins lésés à certains moments historiques. Une thèse s’intitule « Retorica de la Misoginia Y El Antisemitismo En la Ficcion Medieval ». Mais cette association ne va pas toujours de soi. Historiquement, on pourrait s’attendre à ce que les fortes personnalités féminines, généralement féministes, se soient opposées au racisme… mais on trouve, en réalité, de très nombreux exemples en sens inverse ! Mentionnons, par ailleurs, Gide et Genet, qu’on pourrait qualifier d’écrivains homosexuels à tendances antisémites.

Outre les changements en cours de route (ainsi Georges Darien, qui a cessé d’être antisémite), on pourrait énumérer des cas de figure qui ne sont pas seulement des exceptions confirmant la règle : des racistes non antisémites (Gobineau) ; des antisémites non racistes (Zola) ; des xénophobes antiracistes (Barrère) ; des racistes théoriques mais pas effectifs (Jules Verne véhicule tous les poncifs antisémites et certains négrophobes, mais prend position contre l’esclavage à l’occasion de la guerre de Sécession et quoiqu’antidreyfusard plaide pour la révision). Sans oublier les racistes effectifs non-théoriciens, voire censément anti-antisémites. Bernard Lewis formule un paradoxe qui, dit-il, peut surprendre, sinon choquer. À savoir qu’il est parfaitement possible de haïr et de persécuter les Juifs sans nécessairement être antisémite.

« Qu’ils nous épargnent du moins leurs ineptes couplets sur la défense de la liberté contre le fascisme » : quand Orwell démystifiait dès 1945 les mécanismes du terrorisme intellectuel

Nul mieux qu’Orwell n’a défini la nature du parti intellectuel ou gauche idéologique. Relatant une réunion du Pen Club où se succédèrent quatre orateurs il écrivit  : « le troisième prononça une attaque contre les lois sur l’obscénité dans la littérature. Le quatrième consacra la majeure partie de son discours à une défense des purges en Russie […] La liberté morale – la liberté de faire imprimer une discussion franche sur les problèmes sexuels  – semblait recevoir une approbation générale, mais personne ne faisait mention de la liberté politique […] Leur cuisine vient de Paris et leurs opinions politiques de Moscou.

Au milieu du patriotisme général de l’Angleterre, ils forment un îlot de dissidence. L’Angleterre est peut-être le seul grand pays où les intellectuels aient toujours honte de leur propre nationalité. Ceux qui fréquentent les milieux de gauche sentent toujours qu’il y a quelque chose d’un peu honteux à être anglais, et que leur devoir est de ricaner devant chaque institution anglaise, depuis les courses de chevaux jusqu’aux “suet puddings”. C’est un fait étrange, mais véridique, que n’importe quel intellectuel anglais aurait plus honte s’il se tenait au garde-à-vous pendant God Save the King que s’il volait la caisse des pauvres ».

Si bien que « l’attaque consciente et délibérée contre l’honnêteté intellectuelle vient des intellectuels eux-mêmes ». Au demeurant, « les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires ». Peut-être est-ce dû à une « envie de détruire le socialisme égalitaire d’ancienne mode et d’installer une société hiérarchique où l’intellectuel puisse enfin s’emparer du fouet ». Aussi Orwell démystifie-t il, dès 1945, les mécanismes du terrorisme intellectuel  : « Ce qu’exige à l’heure actuelle l’orthodoxie en place, c’est une admiration sans réserve pour la Russie. Tout le monde le sait, et presque tout le monde s’y plie ». Car les « intellectuels sont prêts à tolérer non seulement la censure mais la falsification délibérée de l’histoire ». En cas de manquement à la règle  : « On vous avertissait, tant publiquement qu’en privé, que cela “ne se faisait pas”. Ce que vous disiez était peut-être vrai, mais c’était “inopportun” et cela “faisait le jeu” de tel ou tel intérêt réactionnaire ».

Sous-jacent à « l’argument selon lequel il ne faudrait pas dire certaines vérités, car cela “ferait le jeu de” telle ou telle force sinistre est malhonnête […] se trouve habituellement le désir de faire de la propagande pour quelque intérêt partisan, et de museler les critiques en les accusant d’être “objectivement” réactionnaires » En vérité  : « Les intellectuels sont ceux qui protestent avec le plus de bruit contre le fascisme, et néanmoins il y en a une bonne proportion qui sombre dans le défaitisme lorsque la situation devient difficile ». D’où cette conclusion : les intellectuels « ont toutes sortes de motifs à leur lâcheté et à leur malhonnêteté […] Mais qu’ils nous épargnent du moins leurs ineptes couplets sur la défense de la liberté contre le fascisme ».

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Christophe

Le mieux c’est encore de remonter jusqu’à la source première (pléonasme):
http://spot.pagesperso-orange.fr/
(Ce site n’est pas de moi)

Vous noterez que Marcion (un anatolien) a été gnostique, que parmi les gnostiques il y a un courant qui s’appelle les docètes dont la croyance était (et on peut dire est toujours) que le christ ne peut être associé à la matière, qu’il est pur esprit, et que donc… sa crucifixion était une illusion, une apparence (là il faut relire le Coran). Enfin on a retrouvé des textes originaux gnostiques… à Nag Hamadi en Égypte juste en face de l’Arabie.

Bref, l’antijudaisme chrétien commence au temps des grecs et des romains; il s’est répandu comme une traînée de poudre pendant la 2ème révolte juive (il y a eu beaucoup de morts romains aussi), et ses 3 branches sont toujours vivaces (certains courants du catholicisme et du protestantisme, certains courants libre-penseurs de gauche anti-ancien testament, émancipés de, mais descendants des chrétiens, et la troisième: l’islam – c’est à dire les descendants locaux des docètes avec en plus une théorie de la substitution vis à vis des juifs « menteurs » – dans laquelle on sent l’idée de Marcion que les juifs sont associés au mal)

PS: l’église a lutté contre le docétisme et le marcionisme (appelés par elle hérésies) mais malheureusement l’éradication n’a jamais été totale, et donc elle en est toujours partiellement contaminée, et la contamination a touché la gauche révolutionnaire. le cas de l’Islam est à part: il n’a pas été contaminé par l’antijudaisme (c’est à dire touché après son origine), puisque l’antijudaisme est tout simplement son fondement. les vrais juifs (le peuple élu par Dieu) ce sont les musulmans. Point.

jankel

Bravo Christophe! Vous connaissez votre affaire!
On (je) en veut plein comme vous!
L’anti judaisme païen dégénéré in fine en anti sémitisme pseudo scientifique sic. est intrinsèque à l’invention de l’idée abrahamique…Tout le reste en découle!

jankel

Découvrir aujourd’hui ce qui, avant Crapez même! est écrit partout depuis plus d’un demi siècle et Dans l’Histoire depuis presque un millénaire (bandes populaires de pillards antijuifs du Moyen Âge..) relève d’un bon mouvement certes, mais d’un retard culturel-politique éhonté….
Les « paysans catholiques et leurs Féodaux étaient, souvent à tort, censés monopoliser l’antijudaisme…Or cela est faux car les Ashkénazes furent longtemps des employés-alliés protégés des Nobles, et au-delà du Moyen Âge des croisades et post-croisades qui virent les grands propriétaires terriens juifs vendre et se « réfugier » dansd les grandes centres comme « marchands » mobiles et bien moins « saisissables »!, des ruraux et semi-ruraux et artisans…dont les ennemis étaient les Corporations concurrentes petites-bourgeoises et prolétaires justement. Les Notions d’extrême-Droites Terrienne et Catholique en tant qu’essentiellement dangereuses pour lers juifs est récent et partiel car les juifs faisaient vite parti des aisés et riches bourgeois, et médecins des « Grands »…Tout cela est donc complexe voire contradictoire. Rothschild ou le Baron de Hirsch étaient-ils d’extrême Droite et ceux qui les ont annoblis aussi? Lire Léon Poliakov (TOUT!!!)et Bernhard Blumenkranz (Juifs et Chrétiens en Europe Occidentale de 430 à 1096-CNRS 1966 et son Le Juif médiéval au miroir de chrétien
page:https://www.google.fr/search?q=les+juifs+dans+le+miroir+de+l%27icconographie+chr%C3%A9tienne&oq=les+juifs+dans+le+miroir+de+l%27icconographie+chr%C3%A9tienne&aqs=chrome..69i57.15479j1j1&sourceid=chrome&ie=UTF-8

Ratfucker

Tous les poncifs de l’antisémitisme de gauche réunis dans un commentaire, tissu d’ignorance crasseuse de la véritable histoire des Juifs d’Europe, privés par le 4° concile de Latran de 1215 de toute propriété foncière, du simple droit d’exercer le métier de leur choix, du droit d’habiter parmi les Chrétiens et de s’habiller comme eux. Avec en outre une taxation exorbitante pour conserver la lettre de protection nécessaire pour avoir un domicile fixe. Ce qui a permis aux féodaux de les expulser à intervalles réguliers pour les dépouiller, et leur imposer un style de vie identique à celui des Roms. 95% des Juifs ont vécu dans une misère abjecte jusqu’à la Révolution; ce qui autorise les cuistres antisémites à insinuer que ce sont eux qui ont détruit l’Ancien Régime.

jankel

Exact.!
Allez lire un peu plus les ouvrages (dont j’ai donné les références ) et calculez vous-même que jusqu’à 1096 il ne se passe rien en France quant aux juifs Peuple A Part revendiqué par eux-mêmes d’abord!pendant des sicèles alors que tout le monde se bat alors avec tout le monde !!!!!!!et que les juifs déjà peu nombreux alors sont toujours là au foncier en 1225!
Comme le dit Blumenkranz, Il ne s »‘agit pas de ne pas Larmoyer tout le temps et de voir les choses complexes sans simplisme!
Maintenant, s’appeler ratfucker n’évoque rien de bien recherché…

Marc

Je ne voudrais pas casser l’ambiance, mais je tiens à votre disposition un petit récapitulatif d’environ 36 pages sur l’histoire de l’expulsion des Juifs de France, rédigé par Richard Rossin et qui commence bien en 533 :

Des Juifs en Gaule, il y en avait déjà du temps de César et il y en eut de célèbres : ceux exilés par Rome. D’abord Archélaüs, ethnarque de Judée et fils d’Hérode, le roi imposé par César aux judéens, puis son frère Hérode Antipas tétrarque de Galilée. Archélaüs est exilé par Auguste sur les rives du Rhône à Vienne en l’an 6, il y meurt dix ans plus tard. Son frère est exilé à Lyon par Caligula en 39. De ce premier siècle ont été découverts quelques vestiges archéologiques surtout dans la vallée du Rhône . Dès que l’empire devient chrétien les rapports se tendent un peu plus entre les Juifs et le pouvoir, l’édit de Caracalla de 212 reconnaissant la citoyenneté à tous les habitants libres de l’Empire (mais le fiscus judaïcus demeurait) vole en éclat.
Non que le christianisme ait inventé l’antijudaïsme mais il l’a renouvelé : soucieux de se démasquer de leurs aînés en religion, les chrétiens ont d’abord souligné leurs différences puis, représentants de la religion officielle de l’empire avec Constantin, ils se mirent à se méfier de l’influence que pourrait encore exercer le judaïsme sur le christianisme. L’Eglise fit du Juif un corps étranger aux sociétés. Pour les Juifs frémirent alors progressivement les affres d’une histoire nouvelle jusqu’à la folie contemporaine.

533: la première expulsion.

Avec le déclin de l’empire romain, des Francs, un peuple germain qui s’était installé dans la Belgique actuelle, traversent les Ardennes et s’emparent assez rapidement du territoire entre le Rhin et les Pyrénées, à l’ouest du Rhône. C’était un monde barbare et plutôt sanguinaire qu’une foi nouvelle poussait à une piété folle.
En matière d’expulsions, tout commence donc au matin du Moyen-Âge, c’est-à-dire après la chute de l’empire romain. Tous les rois de la famille de Clovis, dynastie mérovingienne, étaient les alliés des évêques qui, eux, n’avaient qu’un souci : christianiser.
En 533 un fils de Clovis : Childebert 1er, roi de Paris et d’Orléans puis de Bourgogne prend contre les Juifs refusant de se convertir au christianisme un arrêté d’expulsion. Les mariages mixtes avec des Juifs avaient déjà été interdits sous peine d’excommunication. Il faut penser que cette mesure de bannissement par le bâtisseur de l’église Saint Germain des Prés ne fut pas trop suivie d’effets puisque le concile d’Orléans de 538 jugera encore utile d’alerter les fidèles chrétiens contre les « superstitions juives », et d’ordonner aux Juifs de s’abstenir de tout déplacement le dimanche. Néanmoins le doigt est bien dans l’engrenage.
Comme le raconte l’évêque Grégoire de Tours dans son histoire des Francs, la vie n’est pas simple à l’époque mérovingienne, c’est une suite de guerres de famille, d’alliances et de trahisons, de meurtres.
Chilpéric 1er, fils de Clotaire, finit par s’emparer de l’essentiel du royaume franc au dépens de ses trois demi-frères; il pousse parfois aux conversions forcées de Juifs comme à Clermont en 576 et en 582 prend un édit ordonnant «à tous les Juifs de Paris d’être baptisés sous peine d’avoir les yeux crevés et de venir présider lui-même à son exécution». On connait néanmoins sa controverse célèbre avec Pricius, un juif à sa cour, raillant la conversion. Priscius est assassiné un shabbat à la sortie de la synagogue de la rue de la juiverie . La période est aux violences, néanmoins la famille de Priscius gagne son procès contre celle de l’assassin, un apostat.

jankel

Je vous renvoie au fait que les juifs sont toujours là en France (et comment riches et opulents en 1225… et que les édits d’expulsion comme vers le 10e 11e siècle les Interdictions de convertir les païens du monde chrétien (employés de maison notamment) voire les voisins chrétiens mêmes, accusés par l’Eglise de « Judaïser »!…( sous Agobard) furent tellement sévères(….) que l’Eglise réitérait ces édits tous les 4 ans……..!!!!!
C’est pourquoi nous avons les yeux bleus et les cheveux blonds!!! et que les Israélites de France ont la gueule de leurs voisins et pas l’air polonais…
J’ai lu aussi pas mal de bouquine en près de 77 ans de vie et je connais la musique!