Trois événements récents démontrent, s’il en était besoin, la présence turque sur plusieurs fronts extérieurs.
Samedi 10 février, les forces armées turques engagées en Syrie contre les combattants kurdes ont subi de lourdes pertes. Le Président Erdogan veut affaiblir les Kurdes, tant en Turquie qu’à l’extérieur, et empêcher la création d’un Etat kurde à ses frontières.
Le Président Erdogan cherche aussi à renforcer son influence en Syrie quelque peu écornée après l’amélioration de la situation de son ennemi Bachar El Assad grâce au soutien russe.
Il n’avait pas hésité à s’en prendre aux Russes avant de se réconcilier avec le Président poutine, par réalisme politique.
Le 20 janvier, il a lancé son armée dans la région d’Afrin, dans une opération militaire qui devait être de courte durée. Trois semaines plus tard, il enregistre un sérieux revers avec la mort de 11 militaires, des blessés et la chute d’un hélicoptère. Les difficultés turques s’expliquent certes par le courage et la combativité des kurdes, mais peut être aussi par les faiblesses des armées turques. Erdogan est peut-être confronté aux mêmes problèmes que Staline en 1941 après l’invasion allemande ; la multiplication des purges dans les rangs militaires a fini par affaiblir l’institution.
La tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016 a entraîné plusieurs centaines de morts, des milliers de blessés. Les fonctionnaires, les enseignants, les universitaires, les gouverneurs, les militaires, les policiers, les gendarmes, les magistrats, les juges, les conseillers d’Etat, les membres de la Cour constitutionnelle…sont arrêtés, placés en détention, gardés à vue, voire licenciés. 60 000 personnes ont été concernées.
Après le différend consécutif aux restrictions américaines sur les visas pour les Turcs, cette initiative contre les Kurdes complique les relations avec les Etats-Unis qui ont repris leur aide aux groupes kurdes, mais le Président Erdogan poursuit sa stratégie d’affirmation nationaliste.
Les ambitions turques se manifestent aussi dans le domaine de l’exploitation pétrolière dans l’est méditerranéen :
  • Avec Israël, régulièrement les autorités turques contestent la souveraineté israélienne sur le champ « Léviathan », et les sujets de friction sont nombreux avec l’Etat juif compte tenu du soutien turc au Hamas
  • Avec Chypre. Dimanche 11 février, la Turquie a bloqué un navire du groupe international italien ENI, car il partait explorer les ressources gazières de l’île méditerranéenne dans sa zone économique exclusive (ZEE).
En n’hésitant pas à créer de tels incidents, le Président Erdogan envoie un signal clair que la réunification de l’île de Chypre, coupée en deux depuis 1974 ne constitue pas un objectif pour lui, et encore moins une priorité. Cette politique est confirmée par d’autres éléments, comme les conditions posées à une éventuelle réunification, avec notamment le maintien d’une base militaire turque et ses 30 à 40 000 soldats, ou les initiatives récurrentes de colonisation, voire de « turquisation » du sud de l’île.
Mais les ambitions turques ne se limitent pas au seul Proche Orient. Nous assistons depuis 2 000, à une véritable offensive turque en Afrique sub-saharienne. Les échanges entre le pays et le continent sont passés en un peu moins de 20 ans de 100 M$ à plus de 20 Md$, et l’objectif est d’atteindre dans les 5 ans les 100 Md$. Lundi 12 février, était organisée à Ankara la deuxième conférence ministérielle de suivi des relations entre la Turquie et l’Union africaine.
L’influence turque concerne de nombreux secteurs comme l’électronique, le textile, le bâtiment, la santé, mais ne se se limite pas à l’économie ; cette stratégie d’entrisme concerne :
  • Le secteur militaire avec une base en Somalie
  • L’éducation avec le financement de bourses à des étudiants ou de madrasas pour propager une forme d’islamisme radical
  • L’action humanitaire dans la corne de l’Afrique.
Je n’insisterai pas sur l’attitude du président Erdogan à l’égard des migrants et l’utilisation de ce sujet qui met la Turquie dans une position privilégiée avec l’Europe.
Le Président Erdogan poursuit sa voie de remise en cause du kémalisme, comme je vous l’avais présentée dans ma chronique du 2 août 2016, de reconquête nationaliste, et de retrouvaille d’une gloire passée. Il n’hésite pas à brimer les oppositions, à créer des conflits, voire des guerres. Il peut mener cette stratégie offensive, voire impérialiste, car le pays est porté par une croissance économique de plus de 6 % en 2017, après les 3,3 % de 2016 et les 5,9 % de 2015 ; elle est dopée par les exportations et des mesures fiscales importantes en faveur de la consommation et de l’emploi. Elle devrait être proche de 5 % en 2018 malgré une inflation de près de 10 %, un chômage supérieur à 11 % et des comptes extérieurs déficitaires d’environ 4 % du PIB.
L’avenir nous dira si le Président Erdogan ne préjuge pas des forces de son pays ou si la Turquie est en train de redevenir un pays avec lequel il faut compter.
Dov ZERAH

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MANITOU

La turquie « TIGRE DE PAPIER  » comme l’iraq 4 ème puissance militaire du monde MOUAAAARF.