Le septième jour de Pessa‘h, nous fêtons et lisons la traversée miraculeuse de la mer Rouge par nos ancêtres.

 

Quelques jours auparavant, après une année de merveilles, les Égyptiens laissèrent partir les Hébreux, se soumettant à toutes leurs exigences, leur offrant même des animaux pour que le peuple juif ait suffisamment de bêtes à sacrifier dans le désert.

Rien dans ces événements ne laissait prévoir un tel retournement de situation, un nouvel affrontement avec les Égyptiens. Ces derniers avaient déjà reçu tant de plaies qu’ils ne songeaient qu’à panser leurs blessures et reprendre une vie normale. Leur moral ne les incitait pas du tout à reprendre le combat.

Mais voici que Dieu donne l’ordre au peuple qui fuyait l’Égypte de faire demi-tour ! Pharaon croit alors que Dieu a abandonné son peuple, que le moment est déjà venu de prendre la revanche. Les Égyptiens reprennent courage, se mettent à la poursuite du peuple juif que Dieu bizarrement accule à la mer…

Ce sera une nouvelle occasion pour Dieu de manifester Sa Puissance. Ce sont les Égyptiens qui seront engloutis par les flots après avoir donné aux Enfants d’Israël.

Au risque de paraître sacrilège, on pourrait comparer le Tout-Puissant à un homme qui jette son prochain à l’eau, puis plonge pour le sauver et demande ensuite d’être reconnu comme un sauveur ! Mais cette interrogation est légitime.

En effet, Maïmonide explique que Dieu ne fait pas de miracles sans qu’il y ait nécessité absolue[1]. Quelle est donc la raison d’être du miracle de la mer Rouge ?

Les Sages d’Israël, dans la Haggada, lèvent partiellement le voile : ils enseignent que les miracles de la mer Rouge, œuvre de la « main[2] » de Dieu, étaient cinq fois plus importants que ceux de la sortie d’Égypte, qui ne sont attribués dans le texte qu’au « doigt[3] » d’Hachem.

La Thora insiste à plusieurs reprises sur le fait que les dix plaies n’avaient pas seulement pour but de faire sortir nos ancêtres d’Égypte, mais qu’elles devaient prouver que c’était Dieu le Créateur, qu’Il s’occupait du monde et que Sa Puissance était sans limites.

La traversée de la mer Rouge était une preuve supplémentaire, vécue activement par l’ensemble du peuple que les lois fondamentales qui régissent l’univers sont toutes l’expression d’une Volonté.

Ceci ne serait qu’une différence de degré par rapport aux miracles d’Égypte. Il semble pourtant que les Sages d’Israël aient compris qu’il y avait une différence de nature entre la signification de ces miracles.

Un nom qui apparaît avec insistance dans la lecture de la Thora du septième jour de Pessah’, mais qui est complètement absent du texte de la Haggada, donne des indications très précieuses sur le sens particulier de la traversée de la mer Rouge. Ce nom, c’est Moïse.

Les Sages de la Haggada insistent sur le fait que ce n’est pas Moïse qui sortit les Hébreux d’Égypte mais que c’est Dieu Lui-même, sans l’intermédiaire de quiconque, ni d’un ange ni d’un messager, qui les libéra. Pourtant, lors de la traversée de la mer Rouge, le texte affirme :

« Ils eurent foi en Dieu et en Moïse Son Serviteur[4]. »

Lorsque Dieu demanda à Moïse de sortir d’Égypte les Enfants d’Israël, il refusa jusqu’à ce que Dieu accepte de lui adjoindre Aharon. C’est alors que Dieu dit à Moïse cette phrase étonnante :

« Voici le signe que c’est Moi qui t’ai envoyé ; lorsque tu sortiras ce peuple d’Égypte, il Me servira sur cette montagne[5]. »

Quelle est la valeur d’un signe qui ne se produira que plus tard ? De plus, peut-on imaginer que Moïse doutait et qu’il avait besoin de signes ? Certainement pas.

On peut comprendre ainsi le dialogue entre Dieu et Moïse Son Serviteur : la vocation de Moïse est de recevoir et transmettre la loi, la Thora ; c’est lui qui étudiera quarante jours et quarante nuits sans boire ni manger jusqu’à ce qu’il comprenne tout ce que Dieu avait autorisé à l’homme de comprendre.

C’est par amour pour son peuple qu’il refusait de les libérer, car il ne voulait pas qu’ils soient sauvés par l’homme de la Loi qu’il était : car il ne voulait pas que leur libération soit conditionnée par leur acceptation de la Loi. Dieu, Lui, voulait inscrire dans l’Histoire que la libération des Hébreux est liée au respect des commandements. Dieu céda en partie.

C’est Lui-même, Dieu, le Charitable, qui fit sortir les Enfants d’Israël, Moïse n’était alors que son bras. Que les Hébreux soient ou non méritants, la grâce divine et les promesses contractées envers les Patriarches imposaient leur libération.

Mais ceci n’était qu’une apparence, qui ne dura qu’un laps de temps très court, celui de la sortie d’Égypte proprement dite ; cependant l’intermédiaire choisi était quand même Moïse, le législateur que Dieu avait désigné.

Non ! Le monde n’est pas régi seulement par la charité, la punition terrible qui s’abattit sur les Égyptiens en est la preuve. Il n’est pas suffisant de sauver les Enfants d’Israël, il faut que ceux qui noyèrent des enfants juifs périssent à leur tour par cette mort horrible qu’ils avaient infligée à leurs semblables.

Lors de la sortie d’Égypte, les Hébreux bénéficièrent de la Bonté divine ; ils crurent alors en Dieu. Mais c’est lorsqu’Il fit périr les Égyptiens qu’ils crurent en Moïse Son serviteur.

Ils étaient alors mûrs pour recevoir la Thora, où Dieu leur manifestera Sa bonté infinie en leur dévoilant Sa loi.

Guitel Benishay

Extrait de l’ouvrage du Rav Shaoul David Botschko ”A la table de Shabbat”

Pour se procurer l’ouvrage:

hesder2@gmail.com
029972023

[1] Maïmonide, Lois sur les fondements de la Thora, 8, 1.

[2] Exode xiv, 31.

[3] Exode viii, 15.

[4] Exode xiv, 31.

[5] Exode iii, 12.

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