LA RUSSIE FACE A LA COMPETITION INTERNATIONALE©

La presse européenne et américaine voit le président Poutine comme un matamore assoiffé de  pouvoir, qui ne tolère la contestation, ni chez lui, ni chez les anciens membres de la défunte URSS. Chacun voit midi à sa porte. Il nous semble qu’il convient d’analyser la situation de la Russie et par conséquent celle de Poutine, de manière moins émotive et idéologique pour comprendre les défis auxquels est confronté le président russe et les voies qu’il a trouvées pour les relever.

Par Michel Rozenblum

TROISIEME ET DERNIERE PARTIE 

(pour lire les deux premières partie :La Russie face à la compétition internationale © et La Russie face à la compétition internationale-II ©)

Une contre-attaque politique sur le front européen

Les pays Baltes ont réclamé une protection de l’OTAN contre les ambitions russes dont ils craignent les effets. Des avions des différents pays de l’OTAN, dont la France, effectuent des séjours de quelques mois sur les bases baltes pour montrer leur solidarité.

Cette menace russe n’est pas purement imaginaire. Le renforcement de l’enclave russe au Nord de la Pologne, l’attaque informatique contre un des pays baltes confirment le pouvoir de nuisance de la Russie.

A l’approche à base d’intimidation, Poutine ajoute une politque de séduction vis-à-vis de nouveaux venus de l’Union européenne, comme la Hongrie. Le « virus » démocratique a du mal à s’implanter dans les anciens pays de l’Est et la tentation d’un régime autocratique est très forte.

La Hongrie, qui bénéficie pourtant de la plus forte aide de l’union européenne connaît une dérive politique qui la pousserait davantage encore vers son ex « grand-frère » russe, si l’appât des subventions européenne ne la retenait pas, par intérêt, dans l’Union Européenne.

Face à la faiblesse économique de la Russie, le « hard power » met à mal le « soft power ».

La Chine, bénéficie d’un poids économique qu’elle a acquis, par sa politique d’ouverture au commerce privé et les facilités apportées à ses entrepreneurs. L’aide et à la naïveté des Occidentaux, lui ont permis d’obtenir le savoir-faire et de construire des usines.

Cette puissance économique moderne, dans laquelle les Occidentaux sont devenus des demandeurs, facilite la mise en place d’une politique de « soft power », influence « douce » : beaucoup d’Etats ont besoin maintenant de la Chine et lui font les yeux doux pour obtenir, qui  le financement de la dette nationale, via l’achat d’obligations d’Etat,  qui des investissements de l’industrie chinoise dans leur pays, qui l’ouverture du marché chinois aux produits nationaux…). Dans cette situation déséquilibrée, la Chine est en mesure d’imposer ses règles.

La Russie a, du fait de sa faiblesse industrielle, peu de choses à offrir alors même que les Etats qui constituaient l’URSS sont convoités par l’Occident et la Chine.

L’intangibilité des frontières est l’obsession des politiciens russes en général et de Poutine en particulier.

Poutine, selon la revue Diplomatie n°40 Août Septembre 2017, fut motivé par l’indépendance du Kosovo, résultat de la pression des Occidentaux. L’éclatement de l’ex Yougoslavie a pu aussi le faire réfléchir et la tentative d’indépendance de la Géorgie, nouvelle étape dans le dépècement de l’ex Union Soviétique, a modifié de manière spectaculaire sa pensée. Plus question de favoriser l’intangibilité des frontières, sauf quand cela sert les intérêts de la Russie. La Géorgie en a fait la première les frais, la Russie favorisant militairement et politiquement l’indépendance de deux provinces de la Géorgie, l’Abkhazie et l’Ossétie qui accueillent maintenant des bases de l’armée russe. La faible réaction des Occidentaux à l’intervention russe n’a pu qu’encourager Poutine à mettre en œuvre la même politique sous d’autres cieux. En témoignent les interventions en Crimée, lieu d’importance stratégique primordial en raison de son port militaire, qui n’a été rattachée à l’Ukraine qu’après Staline. A l’époque de cette décision, les dirigeants soviétiques étaient loin d’imaginer qu’un jour l’Ukraine souhaiterait s’éloigner de la Russie.

Les bases américaines en Ouzbékistan ont été fermées, mais pas tant en raison de la pression russe que parce que les Américains avaient

condamné le massacre d’Andijan. Il reste des bases américaines au Kirghizstan dont l’avenir n’est pas assuré.

Malgré un agacement croissant des chancelleries occidentales, l’indépendance de la Crimée ayant succédé à celles des deux provinces géorgiennes, Poutine, devant le risque de passage à l’Ouest de l’Ukraine, a poursuivi sa politique de « containment » pour reprendre une expression utilisée à l’époque par les Etats-Unis contre l’expansionnisme de l’Union Soviétique. A l’appui des nationalistes russes minoritaires en Ukraine se sont adjoints des «volontaires russes», en fait des soldats Russes, avec leurs équipements.

L’intervention russe en Syrie permet à la Russie de disposer de bases navales et aériennes pour surveiller la Mer Méditerranée et les opérations des forces de l’OTAN. Elle complète le rôle du port de Sébastopol en Crimée, qui pourrait être bloqué par le détroit des Dardanelles en cas de conflit.

La Russie essaie, comme la Chine d’ailleurs, de nouer des partenariats auprès de pays en conflit pour acquérir une visibilité et une influence. Son objectif serait de pouvoir servir de médiateur dans les grands conflits actuels : conflit israélo-arabe, pays du Golfe et Qatar…

Pour répondre à la nouvelle stratégie de Poutine, les dépenses militaires russes sont passées de 3,3% du PIB en 2008 à 5,3 % en 2016 représentant respectivement 10 et 15,5% du budget fédéral.

La Russie est encore en retard pour le déploiement d’avions sans pilotes, domaine où la Chine s’engage résolument. En revanche, des avions SU-34 et SU-35 entrent actuellement dans son armée de l’air et un nouvel avion polyvalent, le T-50 PAK FA est en cours de développement. Un nouveau char, le T-14 Armata, est en début de déploiement pour remplacer les T-90.

La stratégie actuelle de Poutine est dans une certaine logique qui tient compte des réalités

La question que l’on est en droit de se poser est celle-ci : Poutine, ou tout autre dirigeant, peut-il retrouver la puissance de la Russie par une approche pacifique et commerciale, du moins le temps de redevenir une puissance majeure du point de vue tant économique que militaire ?

Le caractère de l’homme s’y oppose. Il soigne son image d’homme viril en se montrant dans diverses activités sportives et sa formation de fonctionnaire ne le prédispose pas à la compréhension des mécanismes de l’économie de marché.

Mais en dehors de cet aspect personnel, qui n’est pas négligeable, il faut considérer la situation de la Russie. La Perestroïka a constaté la faillite d’un système mais aussi accéléré le délabrement de l’ancienne URSS. Elle a permis à des ambitions régionales, dans les anciennes républiques soviétiques de s’exprimer et il sera difficile de revenir sur ces quasi indépendances.

Et l’hécatombe, qui a d’abord porté sur les pays satellites d’Europe de l’Est menaçait de s’étendre à l’Ukraine et pourquoi pas à d’autres membres de la Fédération.

Parallèlement, la modernisation du pays, par l’injection de capitaux et le transfert de technologies était freinée par les lourdeurs de l’administration et la corruption.

A ce niveau de déliquescence, qui menaçait de frapper la Russie elle-même, la tentation était grande de reprendre la main par un régime personnel, éliminant toute contestation et ensuite de mener une politique d’intimidation et de reconquête.

La faiblesse relative de la Russie oblige Poutine a avancer par petits bons, pour repousser progressivement, sans la franchir, la ligne jaune qui entraînerait une réaction trop brutale des Occidentaux.

Cette stratégie a pour l’instant réussi mais se paie au prix fort d’un assèchement des ressources financières de la Russie. Les ressources pétrolières et gazières peuvent financer pour un temps l’effort d’armement mais ce qui est investi dans l’armement ne le sera pas dans les industries civiles de pointe qui conditionnent la puissance à long terme de la Russie.

En fait, Poutine se trouve en face d’une alternative dont chaque côté est porteur de risques. Poursuivre sa politique de reconquête et renforcer une alliance anti-russe tout en épuisant les ressources du pays ; faire machine arrière sur ses avancées, en Ukraine notamment, et voir le délitement de la Russe reprendre de plus belle, sans garantie d’obtenir des avantages économiques lui permettent de gagner en puissance par la méthode la plus douce.

Il a agi dans l’urgence en choisissant l’approche qui lui ressemblait le plus.

 

Michel Rozenblum

Institut de Stratégie Internationale et de Simulation (I.S.I.S.)

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