LA RUSSIE FACE A LA COMPETITION INTERNATIONALE©

La presse européenne et américaine voit le président Poutine comme un matamore assoiffé de  pouvoir, qui ne tolère la contestation, ni chez lui, ni chez les anciens membres de la défunte URSS. Chacun voit midi à sa porte. Il nous semble qu’il convient d’analyser la situation de la Russie et par conséquent celle de Poutine, de manière moins émotive et idéologique pour comprendre les défis auxquels est confronté le président russe et les voies qu’il a trouvées pour les relever.

Par Michel Rozenblum

DEUXIEME PARTIE (pour lire la première partie :La Russie face à la compétition internationale ©)

 

Un marché intérieur insuffisant.

Autant la Chine a réussi à se constituer une infrastructure industrielle de pointe et une trésorerie conséquente, autant la Russie n’y est pas parvenue. La Chine, grâce à l’élévation du niveau de revenu de ses habitants et à ses ressources industrielles propres, a pu profiter de son développement à l’international pour booster son marché intérieur avec une population considérable qui lui permet d’amortir les coûts de production.

L’UEE (union Economique Eurasiatique) créée par la Russie ne représente que 3,2% du PIB mondial. L’UEE essaie de signer des traités de libre-échange avec d’autres pays, le premier en date étant conclu en mai 2015 avec le Vietnam, mais de tels traités n’auront d’effets positifs que lorsque l’UEE aura d’autres produits finis à haute valeur ajoutée à vendre, en sus des armements.

Le potentiel de l’UEE dans la Communauté des Etats Indépendants fait pâle figure face au marché intérieur chinois.

Un déséquilibre des échanges entre la Chine et la Russie.

La Russie fait figure de partenaire faible face au géant chinois.

Officiellement les échanges sino-russes ont représenté en 2014 sont florissants. Mais l’examen de détail est moins favorable qu’il n’y paraît pour la Russie : 77% des exportations russes concernaient des hydro-carbures alors que cette part ne représentait que 10% en 2001.

Plus grave, sa position de partenaire dominant permet à la Chine d’imposer à la Russie à la fois l’entrée de ses produits manufacturés qui mettent en danger le développement d’une production locale mais aussi le transfert de matériels militaires de haute technologie avec leur savoir-faire. La vente récente de missiles très perfectionnés S-400 pour 3 milliards de dollars en constitue un exemple.

Il y a certes quelques co-exploitations spectaculaires, comme le développement d’un avion de transport long courrier ou le train à grande vitesse, mais ces initiatives restent marginales et sont sous la direction de Pékin.

Les banques chinoises sont réticentes à financer les projets russes.

Une politique inconséquente des Etats-Unis et de l’Europe vis-à-vis de la Russie et de la Chine.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Teng Xiao Ping, les Occidentaux ont construit des usines nombreuses en Chine, espérant obtenir une partie du marché chinois et améliorer leurs marges pour leurs ventes dans le monde avec des produits moins onéreux. Sur des industries sensibles, les Chinois ont exigé des transferts de technologie. Ces transferts ont touché aussi bien l’industrie civile que militaire. Et lorsqu’ils n’obtenaient pas de licence, ils copiaient tout simplement, sans vergogne. Les industriels imprudents se trouvaient démunis face à des tribunaux chinois qui ne protégeaient pas le droit de propriété, tout en profitant de ce même droit dans les pays dont ils pillaient le savoir-faire.

Et cela, sans réaction, ou avec des réactions modérées des occidentaux qui continuaient à se bousculer pour pouvoir s’implanter en Chine et y faire fabriquer leurs produits.

Des usines occidentales en difficulté étaient rachetées par les Chinois désireux de récupérer à bon compte licences, savoir-faire et équipement, parfois par des sociétés propriétés partielles d’institutions, comme l’armée. Le secteur micro-informatique d’IBM, des usines de construction automobile, notamment, sont passées sous le giron chinois. Dès que l’investissement trouve un intérêt auprès des autorités nationales ou régionales chinoises, l’acquisition est facilitée par ces autorités via des subventions ou l’accès dans des conditions très favorables à des lieux d’exploitation.

Des investissements occidentaux ont bien eu lieu en Russie, entre autres dans l’automobile, mais dans des proportions bien moindres. Les conditions locales sont bien moins satisfaisantes qu’en Chine et les aléas de la politique ont rendu ces investissements plus rares et plus risqués. Certains secteurs sont considérés par la Russie comme stratégiques et de ce fait fermés à la participation étrangère, comme l’extraction pétrolière.

La montée en puissance de l’Etat via la montée en puissance et en diversité de son économie était pourtant la voie plus sûre pour arriver à long terme à la parité avec les pays Occidentaux et pour devenir enfin un partenaire crédible à ses anciens « clients ».

La décomposition de l’URSS et les attaques indirectes des pays occidentaux pour détacher ses satellites de la Russie en ont décidé autrement. Poutine fait face à l’urgence.

Pourtant, lors d’un vote le 7 avril 2017 aux Pays Bas les pays européens ont rejeté à 64% l’idée d’un accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne.

Indirectement, en privant la Russie d’un développement à la chinoise et en la privant, morceau par morceau, de son domaine réservé, les Occidentaux poussent ce pays vers la Chine, dans une position de demandeur. Alors qu’une nation dynamique aurait pu, par sa concurrence avec la Chine, servir de contrepoids vis-à-vis de son voisin asiatique.

(A suivre)

Michel Rozenblum

Institut de Stratégie Internationale et de Simulation (I.S.I.S.)

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