À 13000 km de Paris, dans l’océan Indien, une petite communauté juive fait peu à peu sa place au sein d’une population dont le métissage ethnique, culturel et religieux se poursuit aussi naturellement que par le passé.

La Réunion, région ultrapériphérique de l’Union européenne de près de 800 000 habitants, s’est peuplée par vagues d’immigrants venus, librement ou sous la contrainte, de différents pays et continents. 90 % des Réunionnais sont catholiques (Blancs, Noirs, hindous, métis et métropolitains), et 10 % sont musulmans, bouddhistes, protestants, malgaches, juifs. Cette mosaïque culturelle en fait une île à part.

« Ces flux de populations n’ont jamais cessé. Tous ces peuples ont enrichi l’identité et la culture réunionnaises. Nous sommes collectivement héritiers des plus anciennes comme des plus jeunes civilisations » affirme Nassimah Dindar, présidente du Conseil général. « Aucune classification fondée sur l’ancienneté d’une communauté n’a lieu d’être. L’île accueille avec amitié et fraternité ceux qui s’y installent. Les Juifs s’y insèrent sereinement dans leur vie personnelle, professionnelle et spirituelle. »

2001 : création de la CJR

Les juifs sont revenus plus tard, la première synagogue a été installée en 1974 dans une maison créole de Saint Denis. Depuis, les juifs de la Réunion s’organisent, la synaguogue est aujourd’hui rue Jean Cocteau à Sainte-Clotilde et une deuxième a été ouverte à Saint-Pierre.

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La communauté juive de la Réunion (CJR) est une organisation crée en 2001 et qui les représente.

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Essentiellement sépharade, « notre communauté a commencé à s’organiser il y a vingt-cinq ans à l’arrivée de Charles, Maurice et Alain Benattar », raconte Isaac Benchetrit, le doyen.

En 1974, ces marchands de « trousseaux » installent l’unique synagogue dans une maison créole de la rue de l’Est à Saint- Denis, capitale régionale. Arrivé en 1987, Léon Benhamou, malgré un planning chargé avec l’ouverture du service des grands brûlés de l’hôpital Félix-Guyon, s’attelle à la tâche.

Trésorier en 1988, il succède aux Benattar à la présidence en 1990 : « C’était difficile. Financièrement, les gens progressaient facilement, puis repartaient. Ils ne s’installaient pas avec un choix de vie et un projet professionnel durables les liant à une vie communautaire. ». En 2001, le docteur Léon Benhamou laisse sa place à Bernard Boutboul.

Avec l’aide de son épouse Corinne, trésorière, de Jean-Pierre Allouche, secrétaire, et de Mickaël Nabet, ministre officiant en charge du culte et de la culture, le président organise la Communauté juive de La Réunion (CJR) en association loi 1901 pour les cent quatre-vingts familles recensées.
« Chacun pratique la religion selon sa foi, mais toute la communauté se réunit lors des moments importants comme Yom Kippour ou Rosh Hachana », confie Bernard Boutboul.

Une nouvelle synagogue

L’insuffisance de la capacité d’accueil de la synagogue oblige la CJR à louer des salles pour ses grandes célébrations lors desquelles officient les rabbins Korsia et Partouche. Le 16 septembre 2002, jour de Yom Kippour, des travaux sur le terrain mitoyen font s’effondrer la déjà branlante synagogue. Pour la reconstruire, Bernard Boutboul fait appel aux Juifs de Métropole et d’outre-mer. Début 2003, malgré une aide insignifiante, la CJR réinstalle sa synagogue rue Jean-Cocteau, à Saint-Denis.

Distance et fermeture des routes en période cyclonique ont poussé la famille Amiel à installer un second lieu de culte à Saint-Pierre, dans leur propre maison.

« Pour mieux se souder autour de valeurs communes, toute communauté religieuse doit avoir son lieu de culte, assure madame Dindar. Une collectivité peut y contribuer. Je me suis engagée devant la communauté juive à trouver une solution avec elle. Nous cherchons le moyen pour que chacun ait un lieu d’expression dans un cadre juridique applicable, en coopération avec la commune d’accueil.
Nous ferons aboutir ce projet de synagogue qui me tient personnellement à cœur. Je suis musulmane, mais mes convictions et ma proximité naturelle avec les musulmans n’interfèrent pas dans mes fonctions. Ils jugent normal l’attention que je porte aux Juifs réunionnais. Mon initiative entre dans l’esprit du dialogue interreligieux, une des facettes du “vivre ensemble” réunionnais. »

Attentifs à la situation en Métropole

À l’inverse des produits halal, la casherout n’est pas tout à fait au point. Légumes et poisson font encore l’essentiel du quotidien. Corinne Boutboul répond aux besoins de la casherout par un approvisionnement depuis la Métropole:
« Nous avons équipé une pièce, attenante à la salle du culte de la synagogue, d’étagères et de congélateurs pour stocker les produits. Mais nous sommes conscients de leurs coûts élevés. Nous travaillons à une meilleure solution».

Inquiets pour leurs frères de Métropole, les Juifs reconnaissent qu’ils vivent en sécurité à La Réunion. Mais, pour Mickaël Nabet, il faut malgré tout, à travers l’école, continuer d’informer. À l’instar de tous les Juifs, ils poursuivent leur devoir de mémoire : après la commémoration de la libération des camps en 2005, le 1er février 2006, Alain Bénard, maire de Saint-Paul, a dévoilé une stèle dédiée aux Juifs disparus pendant la Shoah, en présence du GDIR.

Conforter le lien entre la communauté juive de Métropole et celle de La Réunion

Nassimah Dindar insiste : « Le département est actif pour l’éducation à la citoyenneté et l’enseignement des connaissances historiques. Nos initiatives participent à la sauvegarde des “mémoires blessées” comme à celles qui renvoient aux pages moins sombres. Mais ces légitimes recherches ne doivent pas obérer le sens collectif. » La présidente du conseil régional espère qu’un jour l’harmonie réunionnaise atteindra la Métropole, pour que des actes comme le meurtre d’Ilan Halimi ne se reproduisent pas.

Même éloignée, la CJR reste solidaire : une commémoration en l’honneur d’Ilan a eu lieu le 23 février. Invitée le 19 mars dernier par Cyrille Hamilcaro, maire de Saint-Louis, dans le cadre du soixantième anniversaire de la départementalisation, Simone Veil a été saluée à la fois pour son engagement envers les femmes et pour son travail de mémoire. Sa visite conforte le lien entre la communauté juive de Métropole et celle de La Réunion, dont la présence participe à l’identité réunionnaise.

 En juillet 2017, Albert Benabou, vice-président de la communauté juive de La Réunion, lance au appel à la solidarité de tous après l’accident survenu au bâtiment qui abritait la synagogue de Saint-Denis au 8 de la rue de l’Est.

Les bureaux de la communauté ont été évacués : « Nous sommes littéralement à la rue. Les fêtes de Yom Kippour reprennent aujourd’hui et nous recherchons désespérément un local qui serait mis gracieusement à notre disposition, à Saint-Denis ou ailleurs ».

Albert Benabou tient à faire savoir que « la communauté juive est toute petite — 150 familles — et très pauvre. En outre, nous ne sommes pas du tout aidés ni même vraiment pris en compte par les autorités. Nous avions adressé un courrier à la nouvelle municipalité il y a deux ans et elle répond seulement maintenant. C’est dommage que nous soyons délaissés dans le paysage cultuel réunionnais parce que nous participons toujours aux travaux interreligieux. »

Le vice-président des juifs de l’île rappelle aussi qu’il avait fait venir un bureau de contrôle avant l’accident provoqué par les travaux sur le terrain mitoyen et que les conclusions des experts avaient décidé la communauté juive à célébrer l’office du Kippour à l’hôtel « Le Saint-Denis ». « Si nous n’avions pas changé de lieu, il y aurait eu 250 personnes dans la synagogue et elle se serait certainement écroulée ».

Adaptation par JG

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blum

Le début de votre article donnait à entendre que des familles juives étaient parties
se métisser à la Réunion, où il y a des Noirs, des Hindous, etc…
Or la suite de l’article montre que, pas du tout: lesdites familles sont parties vivre
entre elles, de manière communautariste, à La Réunion, où, apparemment, jusqu’à
présent, il n’y a pas d’antisémitisme.
Ces familles se disent « pauvres ».
La pauvreté, je la vois, à Paris, chaque jour, en manquant de marcher sur des
SDF dormant sur les trottoirs, sans même un carton ou une couverture pour
les protéger du froid, de la pluie.

Thierry Michaud-Nérard

À moins de 10 000 km de Paris, soyez précis !