Jérusalem : la raison du plus grand nombre n’est pas la meilleure

Lors du repas shabbatique de ce 22 décembre 2017, ma fille Yael (âgée de 11 ans) a relaté les propos tenus par son professeur concernant les sujets d’actualité contemporains. Parmi les thèmes abordés, figurait la reconnaissance, par le Président Trump, de Jérusalem comme capitale d’Israël (le 6 décembre 2017). Le responsable pédagogique l’a alors critiquée avant d’expliquer à son jeune auditoire (conquis), que la seule capitale d’Israël était Tel Aviv (sic). Les élèves de la classe ont alors pu repartir chez eux, convaincus qu’Israël était, depuis 1967, un occupant sans droit ni titre de la Ville Sainte, pour les trois religions monothéistes. Manifestement, le courant de pensée dominant n’entend pas froisser la sensibilité des populations musulmanes. Pour autant, la raison du plus grand nombre n’est pas forcément la meilleure.

La capitale d’un pays, est la ville qui accueille le siège des pouvoirs de la nation (dans les pays démocratiques) et le centre des décisions politiques (dans les régimes dictatoriaux, religieux ou militaires). Or, le principe de souveraineté étatique permet à chaque pays de décider de l’endroit où se trouve sa capitale. Aucun pays ne saurait contester le choix d’un autre, s’agissant du lieu d’établissement de sa capitale: les organisations politiques doivent juste en prendre acte, a fortiori, pour ce qu’il en est de l’Organisation des Nations Unies, cette institution internationale que le Général de Gaulle qualifiait de « machin ».

Lors du cessez le feu consécutif à la première guerre israélo arabe 1948-1949, Israël a choisi d’établir sa capitale dans la partie occidentale de Jérusalem, passée sous souveraineté juive. Les frontières en ont été modifiées en 1967, lors de l’annexion de Jérusalem Est (antérieurement sous souveraineté jordanienne depuis le 24 avril 1950), avant que le principe n’en soit consacré par la Loi du 30 juillet 1980 qui a fait de Jérusalem, réunifiée, la capitale de l’Etat hébreu. Si l’annexion de Jérusalem Est n’a jamais été reconnue par les nations Unies, c’est pourtant à Jérusalem que se trouvent la Knesset (l’instance législative), la Présidence et le gouvernement (l’instance exécutive), et la Cour Suprême (l’instance juridictionnelle supérieure).

En réalité, les Nations Unies sont passablement ennuyées :  le 29 novembre 1947, elles ont décidé du plan de partage de la Palestine mandataire entre un Etat juif et un Etat arabe avec la résolution 181n et l’établissement d’un corpus séparatum pour Jérusalem supposée placée sous contrôle international. Or, l’inconvénient résulte de ce que l’Onu n’a jamais condamné l’annexion de Jérusalem Est par la Transjordanie (le 24 avril 1950) ni la destruction de nombreuses synagogues et autres sites religieux juifs s’y trouvant. Elle n’est donc pas encline à critiquer la souveraineté juive sur Jérusalem, a fortiori depuis le 31 juillet 1988, date à laquelle la Jordanie a renoncé à toute souveraineté sur la ville sainte.
Autrement dit, dans la période postérieure à 1967, seule la Jordanie (qui était souveraine sur Jérusalem) était en droit de contester l’annexion israélienne de Jérusalem Est. Toutefois, depuis le 31 juillet 1988, non seulement elle n’est plus en mesure de le faire mais en outre, la Jordanie a fait la paix avec Israël en 1994.

La situation de Jérusalem est donc originale : elle est la capitale de l’Etat juif dans sa partie occidentale depuis 1949, partie intégrante d’Israël depuis l’annexion de sa partie orientale en 1967 (avec toutefois des prérogatives jordano israéliennes temporaires sur la partie orientale), et sous contrôle exclusif juif, depuis la renonciation par la Jordanie à la Cisjordanie le 31 juillet 1988.

En Droit international, la communauté internationale pouvait ne pas reconnaître l’annexion israélienne de Jérusalem-Est en 1967, mais ne saurer contester le choix par Israël de faire de Jérusalem sa capitale, d’autant que ce choix date de 1949 et qu’il n’y a plus aucune souveraineté concurrente sur Jérusalem. A tout le moins, elle peut juste le déplorer sans nécessairement s’obstiner dans son déni de la réalité. Pire, le vote, par l’Onu, d’une résolution condamnant la reconnaissance par le Président Trump du caractère de Jérusalem (le 21 décembre 2017), l’enferme dans l’absurdité de son raisonnement.

La réponse du Président Emmanuel Macon au Président de l’Autorité Palestinienne qui lui a demandé de reconnaître l’Etat de Palestine est également surprenante (le 22 décembre 2017). Il a indiqué que les américains étaient marginalisés par la reconnaissance unilatérale de Donald Trump mais qu’il ne voulait pas en faire de même, en reconnaissant unilatéralement un Etat palestinien. Il a même ajouté qu’il le ferait le moment opportun et non sous la pression dans un souci d’efficacité.

Bien évidemment, les deux situations ne sont pas comparables. Le Président Trump a admis une réalité (comme d’autres vont le faire prochainement) alors que la reconnaissance par la France de la Palestine n’a pas beaucoup de sens. La Palestine a déjà été reconnue par l’Onu comme Etat observateur non membre, le 29 novembre 2012. Toutefois, l’Etat de Palestine ne s’est pas vue affectée de territoires particuliers.

L’on voit mal, dans ces conditions, comment la France pourrait, unilatéralement, reconnaître l’Etat de Palestine (déjà reconnue par l’Onu), et décider de ses frontières (comme au bon vieux temps des colonies, lorsque la France se partageait le monde avec la grande Bretagne, les Pays bas la Belgique et l’Allemagne). Bien évidemment, il en serait différemment si les palestiniens acceptaient la réalité géopolitique et décidaient de créer l’Etat palestinien de Cisjordanie sur la zone A (20% du territoire, sur laquelle ils exercent toutes les prérogatives étatiques en vertu des accords israélo palestiniens d’Oslo) avec Ramallah comme capitale. De même, ils pourraient décider de créer un autre Etat palestinien dans la bande de Gaza avec la ville de Gaza comme capitale, ce que personne ne pourrait contester. Le sort de la zone B de Cisjordanie (20% du territoire sous juridiction civile palestinienne et militaire israélienne) et la zone C de Cisjordanie (sous contrôle exclusif civil et miliaire israélien en vertu des accords israélo palestinien d’Oslo) feraient alors l’objet de négociations ultérieures : Israël pourrait même retirer sa présence militaire de la zone B contre renonciation à la lutte armée. L’Onu leur en donnerait acte.

Le problème de fond est ailleurs : admettre que Jérusalem est la capitale d’Israël n’est pas envisageable pour le monde de Islam et ses nombreux adeptes : les musulmans sont obligés de répéter 17 fois par jour la prière « al fatiha » par laquelle il est demandé à « Allah le miséricordieux », de les « guider dans la voie droite et non celle de ceux qui ont encouru ta colère (les juifs) et ceux qui se sont égarés (les chrétiens)». Or, la prière Al Fatiha se réfère à la Sourate 2 verset 61 : « Ils (les Juifs) furent frappés d’humiliation et d’indigence. Ils ont encouru la colère d’Allah pour n’avoir pas voulu croire à ses signes et pour avoir tué injustement ses prophètes. Telles furent les suites de leur transgression et de leur désobéissance ».

Ainsi, pour les musulmans, dont le nombre d’adeptes s’élève à 1.8 milliard (ils devraient devenir la première religion en 2050), accepter l’idée que leur troisième Lieu Saint (l’Esplanade des Mosquées) se trouve sur le Mont du temple (c’est-à-dire sous souveraineté juive), est juste insupportable. Ce serait pourtant une extraordinaire leçon d’humilité.

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

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BOUDA

SIMPLEMENT MERVEILLEUX.COMME QUOI RIEN NE SERT DE COURIR, IL FAUT PARTIR A POINT.

alexandra

Bravo pour cet article très éclairant (une fois de plus) et qui remet les pendules à l’heure sur le « droit international ».