A l’heure où le Proche-Orient connait un grand mouvement de recomposition avec depuis quelques années un rapprochement entre Israël et certains pays arabes, il serait utile de revenir sur un événement spectaculaire qui a eu lieu il y a plus de 40 ans: la visite du président égyptien Anouar El  Sadate à Jérusalem (1977) et la signature des accords de Camp David un an plus tard. 

 

La Guerre de Kippour change la donne internationale

En 1973, six ans après la victoire militaire et stratégique israélienne lors de la Guerre des Six-Jours,  éclate la guerre de Kippour (6-25 octobre 1973). Cette fois les dirigeants israéliens renoncent à une attaque préventive en raison des réactions internationales prévisibles. 

Du 6 octobre au 25 octobre 1973, la guerre opposa Israël à une coalition menée par l’Égypte et la Syrie. Le jour-même du jeûne de Yom Kippour « Grand Pardon » pour les juifs, Égyptiens et Syriens attaquèrent par surprise simultanément dans la péninsule du Sinaï et sur le plateau du Golan, territoires respectivement égyptien et syrien qui ont été conquis par Israël depuis la guerre des Six Jours.

 Le canal de Suez fut franchi par les Égyptiens et leurs nouveaux missiles antichars soviétiques firent des ravages parmi les blindés israéliens.

Israël futt durement touché et le ministre de la défense Moshé Dayan, persuadé que la survie d’Israël était en jeu, demanda au premier ministre l’autorisation d’engager les préparatifs pour une « démonstration » de la capacité nucléaire d’Israël.

Après 24 à 48 heures d’avancée des armées arabes, la tendance s’inversa en faveur de l’armée israélienne qui finit par repousser les Syriens hors du plateau du Golan au bout de 2 semaines et marchait au-delà du canal de Suez dans le territoire égyptien lorsque le cessez-le-feu demandé par les Nations unies fut appliqué.

Kissinger obtint d’Israël de ne pas écraser la troisième armée égyptienne encerclée par les troupes du Général Sharon. Ce spectaculaire renversement de situation était notamment dû aux aides militaires américaines.

Washington avait établi en fait un pont aérien d’acheminements d’armes à Israël le 14 octobre pour contrer le pont aérien et maritime soviétique en place depuis le 9 octobre.

Le Conseil de sécurité des Nations unies en coopération avec les deux superpuissances par l’intermédiaire du Royaume-Uni demanda un cessez-le-feu accepté par tous y compris la Syrie, pour laisser place aux négociations.

Malgré son incontestable victoire militaire, Israël connut une grave crise morale: pertes en vies humaines élevées ( 2300), critiques de la gestion des opérations militaires, isolement accru du pays dans un monde menacé par le chantage pétrolier des pays arabes.

Paradoxalement la guerre de 1973 redora  aussi considérablement l’image de l’armée égyptienne. Ainsi Sadate put se lancer dans une initiative diplomatique en faveur d’accords de paix avec l’Etat d’Israël.

Une conséquence majeure de cette guerre fut aussi le choc pétrolier de 1973, quand les pays de l’OPEP, s’en servirent de prétexte, pour décider l’augmentation immédiate de 70% du prix du baril de pétrole ( puis le quadruplement)  ainsi que de réduire leur production.

La Guerre de Kippour a éclaté dans le contexte de la politique internationale de Détente menée par l’Amérique « embourbée » dans la Guerre du Vietnam.

 

La nouvelle diplomatie américaine

Durant la Guerre de Kippour, le président Nixon conduisait les destinées des USA, quatre ans plus tard, l’avènement de Carter va infléchir la politique internationale des USA.

Durant les années 1970, la diplomatie américaine était dirigée par le secrétaire d’Etat américain,Henry Kissinger (1), qui avait lancé la diplomatie « des petits pas », ce qui conduisit le secrétaire d’État à privilégier les contacts bilatéraux, et à multiplier les « va-et-vient » entre les capitales du monde arabe et Jérusalem.

Le projet américain était de sécuriser l’environnement géopolitique et stratégique d’Israël. Le problème comprenait deux paramètres : les États arabes, unis et toujours hostiles à l’existence de l’État hébreu, et le peuple palestinien, sans État, représenté par la nouvelle Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat.

En revanche, la diplomatie américaine parvint à fissurer le « front arabe du refus » en dissociant l’Égypte de l’alliance antiisraélienne, et en l’amenant à conclure un traité de paix et de reconnaissance mutuelle avec Israël.

Ainsi il y eut d’abord les accords du Sinaï I et II, en mars et septembre 1975, qui marquèrent le succès de la « diplomatie Kissinger », puis quatre ans plus tard, sous l’Administration Carter, ceux de Camp David signés en mars 1979 qui fixèrent « le cadre de paix au Proche-Orient » et posent le principe de la « pleine autonomie de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ».

Séisme politique en Israël aux élections de 1977

L’incapacité des services secrets israéliens à détecter les signaux de la guerre et le recours israélien à la ruse eut pour conséquence un séisme politique et notamment la démission du premier ministre Golda Meir (Avril 1974).

En mai 1977, des élections anticipées aboutirent à la victoire du Likoud dirigé par M Begin, la première fois dans son histoire, le parti travailliste usé, divisé et marqué par certains scandales financiers perdit le pouvoir.

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Dans son programme Begin préconisa l’approfondissement de l’amitié américaine, la renaissance de l’alliance avec la France, une normalisation des rapports avec l’URSS, une négociation immédiate avec les gouvernements arabes; Enfin il affirma les droits du peuple juif à sa terre, à l’intégralité d’Eretz Israël.

 

La visite de Sadate à Jérusalem en 1977

Sadate prit alors cette courageuse décision de changer complètement l’orientation de son pays. Il expulsa les conseillers soviétiques,et  se tourna vers les Etats Unis et se prépara à conclure la paix avec Israël. Quels étaient les calculs de Sadate?

C’était un choix mûrement réfléchi et solide. Il était devenu possible car les succès initiaux de l’armée Égyptienne qui avait réussi à surprendre Israël en Octobre 1973  étaient considérés comme restituant l’honneur de l’Egypte, émoussé par la guerre des Six Jours en 1967, et permettaient a Sadate d’entrer en négociation avec Israël.

Il partit à Jérusalem le 19 Novembre 1977 pour réaliser son projet. En se rendant directement a Jérusalem il voulut causer un choc – positif – auprès des  Israéliens, et les persuader ainsi qu’il voulait vraiment la paix.

En novembre 1977, Sadate devint ainsi le premier dirigeant arabe en visite officielle en Israël, où il rencontra le premier ministre Menahem Begin, et prit la parole devant la Knesset à Jérusalem.

 

Il effectua cette visite après avoir été invité par Begin et rechercha un accord de paix permanent. Beaucoup d’autorités du monde arabe réagirent très défavorablement à cette visite, du fait qu’Israël était considéré comme un état voyou et un symbole de l’impérialisme.

En même temps il n’avait pas négligé les Palestiniens. Lors de son  discours devant la Knesset à Jérusalem, il a dit notamment qu’il n’y aura pas de paix tant que les Palestiniens n’auraient pas leur Etat. Dans les conversations qui ont suivi et surtout dans les très difficiles négociations à Camp David, le problème palestinien était au cœur  des tractations.

Le Président égyptien Anouar el-Sadate reconnut l’Etat d’Israël dans une allocution prononcée à la Knesset (Parlement israélien) et demanda en échange le retrait israélien des territoires conquis en 1967 ainsi que la reconnaissance des droits des Palestiniens, c’est-à-dire de leurs droits fondamentaux, notamment le droit à l’autodétermination et la mise en place d’un Etat indépendant.

 

Les accords de Camp David

Après un moment d’embarras, l’initiative de Sadate fut saluée par la diplomatie américaine, et le président Carter décida d’accompagner l’Egypte et Israël dans leur volonté de paix.

Le président Carter convia alors Sadate et Begin à Camp David, résidence d’été des présidents américains, du 5 au 17 septembre 1978.

Ces accords furent signés le 17 Septembre 1978 par le Premier ministre Menahem Begin et le Président Anouar Sadate en présence du Président Carter.

Les négociations furent difficiles mais aboutirent finalement le 17 septembre par la signature du président égyptien et du Premier ministre israélien de deux documents dont la référence fut le texte de la résolution 242 : un traité portant sur le « cadre de paix au Proche-Orient » et l’autre sur la « conclusion d’un traité de paix » entre Israël et l’Egypte.

Le premier traité prévoyait la « pleine autonomie administrative » de Gaza et de la Cisjordanie pour cinq ans, période pendant laquelle la présence militaire d’Israël serait maintenue.

Ce n’était pas encore la paix, mais des bases solides venaient d’être posées.

Ce traité ouvrit également la voie à une redéfinition de la place stratégique d’Israël dans la politique américaine au Moyen-Orient.

Du côté arabe, les réactions furent vives. Les accords de Camp David furent condamnés lors du IXème congrès arabe qui se tint à Bagdad du 2 au 5 novembre 1978.

Les pays arabes et l’OLP qui représentaient les Palestiniens déclarèrent aussitôt leur opposition à ces accords et menacèrent de boycotter l’Egypte si Sadate persévérait dans cette voie et signait la paix avec Israël.

Sadate pourtant ne se  laissa décourager et sous l’égide des Américains il  mena une rude négociation à la suite de laquelle un accord de paix fut signé le 26 mars 1979 entre Israël et l’Egypte, sur la pelouse de la Maison Blanche  et en présence du Président Carter.

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Ce fut  un événement de dimensions historiques – la paix signé entre Israël et le pays le plus important et le plus puissant du monde arabe.

En Israël ce fut un moment de grande émotion, un espoir que cette paix servirait de pont pour le monde arabe. On a cru que les autres pays du Moyen-Orient allaient suivre et avaient absorbé et compris les dimensions de cet événement historique.

Mais la haine et le fanatisme ont eu le dessus. Les pays arabes ont décidé de boycotter l’Egypte, le plus grand d’entre eux. L’Egypte a été expulsée de la Ligue arabe et les bureaux de la Ligue ont été transférés du Caire à Tunis.

L’Union Soviétique, elle aussi, n’était pas satisfaite de cet accord qui allait diminuer son influence dans la région.

Elle a annoncé qu’elle mettrait son veto  au Conseil de sécurité à la demande de l’Amérique, Israël et l’Egypte de créer une force de paix internationale pour superviser la démilitarisation de la péninsule de Sinaï comme prévu dans l’accord. Cette démilitarisation était vitale pour le succès de l’accord.

L’Amérique prit la décision de s’en charger et créa une force multinationale dont 90% des soldats étaient Américains mais dix autres pays – européens et asiatiques s’y joignirent.

Cette force fonctionna toujours et l’Egypte et Israël appliquèrent à la lettre les clauses concernant ce pan de l’accord.

L’accord de paix entra en vigueur le 25 avril 1982 après qu’Israël eut évacué toute la péninsule de Sinaï qui est repassée sous  la souveraineté Égyptienne.

« J’étais ce jour là en Egypte et j’ai été témoin de l’explosion de joie des Egyptiens. Le  Sinaï  redevenait Égyptien et une chanson fut  composée pour célébrer l’événement, il n’y avait plus de guerre à l’horizon, c’était la paix avec de bonnes perspectives d’un rapide développement économique.

C’était  l’époque où les chauffeurs de taxi cairotes, quand ils identifiaient leur passager comme Israélien, criaient vive Sadate, vive Begin et arrêtaient parfois leur véhicule pour nous inviter à boire un coca ou un café.

C’est ainsi que la paix a été tissée, et tels étaient les calculs de Sadate. Bien qu’elle ait été mal reçue par le monde arabe, les Égyptiens restaient optimistes pour l’avenir. Les gens du peuple avaient perdu confiance dans les leaders arabes, et se désintéressaient du problème palestinien. Ils ne voulaient plus mourir pour les slogans creux des dictateurs arabes et les manœuvres de Yasser Arafat qui ne menaient nulle  part.

Les négociations sur l’autonomie palestinienne ont commencé immédiatement. L’autonomie aurait permis aux Palestiniens de bâtir leurs institutions nationales et de se préparer à l’indépendance 15 ans avant les accords d’Oslo. Elle devait être le corridor menant vers L’Etat. Malheureusement l’OLP a boycotté ces négociations et elles ont été abandonnées au bout d’un an. C’est ainsi que les Palestiniens ont perdu encore une occasion de créer leur Etat. » Zvi Mazel 

« L’assassinat de Sadate en Octobre 1981 allait compliquer les problèmes. Le peuple égyptien dans son ensemble avait accueilli la paix avec l’espoir qu’elle déboucherait sur un meilleur avenir, mais les élites intellectuelles formées au nationalisme pan arabe de Nasser ont maintenu leur opposition. Elles continuaient à rêver d’une grande nation arabe unie excluant les non Arabes, donc Israël, alors que le pan arabisme était déjà mort, et que les 22 pays arabes allaient chacun de leur côté selon ses intérêts propres. L’opposition à la paix venait aussi des cercles islamiques, et surtout du mouvement extrémiste des frères musulmans dont l’idéologie contient une bonne part d’antisémitisme. »Zvi Mazel 

 

Le contexte géostratégique de la région est brutalement bouleversé en 1979 par deux événements majeurs : la révolution iranienne conduite par l’ayatollah Khomeyni et l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Les Américains perdent en peu de temps deux positions stratégiques essentielles.

(1) Henry Kissinger, le secrétaire d’Etat américain,  expliquait que bien que juif lui-même, il n’allait pas en tant que chef de la diplomatie américaine trahir les propres intérêts des États-Unis. Certaines organisations juives  du monde entier l’accusèrent  d’être un traître ou un juif antisémite.

Dossier réalisé par JG

Sources principales:  jcpa.lecape.org

beit milken

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David Belhassen

Et la cravate à crois gammées de Sadate et son passé de nazi, et la lettre d’admiration qu’il écrivit à Hitler ? Ce n’est pas encore le moment de diffuser de telles infos sur ce salaud qui a roulé dans la farine Bégin et tous les abrutis du gouvernement israélien ?

Marc

Au contraire, c’est un sacré retournement à 180° qu’il a dû faire et cela lui a coûté la vie, de la part de ses coreligionnaires FM
« Mon cher Hitler,

Je vous félicite du fond du cœur. Même s’il vous semble que vous avez été battu, en réalité vous êtes le vainqueur. Vous avez réussi en créant des dissensions entre le vieux Churchill et ses alliés, les fils de Satan. L’Allemagne vaincra car son existence est nécessaire à l’équilibre mondial. Elle renaîtra en dépit des puissances de l’Ouest et de l’Est. Il n’y aura pas de paix sans que l’Allemagne redevienne ce qu’elle a été. L’Ouest aussi bien que l’Est paieront pour cette réhabilitation, qu’ils le veuillent ou non. Les deux camps y consacreront beaucoup d’argent et d’efforts, dans le but d’avoir l’Allemagne de leur côté, ce qui bénéficiera grandement à celle-ci, aussi bien aujourd’hui qu’à l’avenir.

Pour le passé, je pense que vous avez commis quelques fautes, comme d’ouvrir trop de fronts et [de ne pas avoir su parer à] l’imprévoyance de Ribbentrop face à l’experte diplomatie britannique. Mais ayez confiance en votre pays, et votre peuple réparera ces faux pas. Vous pouvez être fier d’être devenu immortel en Allemagne. Nous ne serions pas surpris si vous y apparaissiez de nouveau ou si un nouvel Hitler se levait dans votre sillage. »

Lettre reproduite par Jean-Pierre Péroncel-Hugoz dans «Le radeau de Mahomet», Lieu Commun, 1983, réédité chez Flammarion en 1984. L’auteur décrit l’expansion de l’intégrisme diffusé par les Frères musulmans, qui «au train où il va risque fort d’être bientôt à l’islam ce que Staline fut au socialisme et le nazisme au nationalisme.»

Il y a plus de 30 ans, ce journaliste du Monde observe avec une exceptionnelle lucidité, depuis son observatoire du Caire, ce qui se trame dans le monde musulman avec la dramatique complaisance des Occidentaux. Un préambule dont nous récoltons aujourd’hui les fruits. Voici en bonus quelques citations de Péroncel-Hugoz (p. 73-80) centrées sur Sadate et l’antisémitisme.

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Le raïs a soigneusement choisi sa cravate pour son arrivée historique en Israël le 19 novembre 1977.

«De même qu’il (Sadate) ignore totalement, dans ce texte, les millions de martyrs juifs européens du «cher Hitler» (ces martyrs dont il devait cependant honorer le souvenir par une visite à leur mémorial, en 1977), on ne connaît pas la moindre intervention de Sadate en faveur de ses compatriotes israélites lorsque ceux-ci, sous Nasser, furent en toute impunité dépouillés, abaissés, incarcérés, chassés(…) Quelque temps avant la guerre d’octobre 1973, le raïs insista encore publiquement sur la «perfidie congénitale des juifs, reconnue par le Coran».

« (…) L’éducation musulmane traditionnelle que reçut le jeune Anouar mettant l’accent sur les sourates anti juives du Coran – et Dieu sait si elles sont nombreuses et définitives! – son admiration sans bornes d’officier nationaliste pour l’Allemagne, y compris dans ses errements nazis, le rude choc de la défaite arabe de 1948 devant cette nation israélite que l’Islam n’autorisait plus à porter les armes depuis quatorze siècles, la confusion entretenue par la propagande nassérienne entre sionisme, judaïsme et Israël sont des éléments plus que suffisants pour avoir prédisposé Sadate à être tout autant judéophobe qu’israélophobe. »

« Le raïs avait senti de longue date que les Frères musulmans et consorts étaient les seuls qui pourraient sérieusement tenter un jour de remettre en cause son entreprise de paix. Aussi, dès l’origine, a-t-il veillé à nourrir son dossier de justifications coraniques. Des théologiens d’El-Azhar, il obtenait en novembre 1978 une fatoua (avis) en faveur de la paix. Cela ne fut pas facile, non pas tant parce que quelques cheikhs se faisaient tirer l’oreille pour produire une sentence exactement contraire à celle que Nasser, jadis, leur avait fait prononcer pour «interdire aux musulmans de conclure la paix avec ceux des juifs qui ont spolié la terre de Palestine et agressé ses habitants », mais pour la simple raison que le Coran, si prodigue en justifications de la guerre, si riche en imprécations contre les juifs, n’aborde que fort peu la question de la paix. »

« Il faut quand même savoir que les Gens du Livre –israélites et chrétiens– malgré leur statut de «protégés» (dhimmi); malgré leur tribu spécial à payer au pouvoir islamique (la jizya) jusqu’au XIXe siècle -en 1855 pour l’Égypte- mais dont les Frères musulmans exigent aujourd’hui la restauration; malgré leurs droits politiques limités; malgré l’obligation qui leur fut souvent faite de porter un signe les distinguant des musulmans (…) étaient privilégiés dans la société musulmane hier, par rapport aux «idolâtres» (les tenants de toutes les autres croyances) qui n’avaient le choix qu’entre la conversion ou la mort.»

«Dans maintes mosquées d’Égypte, d’Algérie, de Tunisie, de Syrie (pour l’Iran, c’est déjà fait), on réclame maintenant chaque vendredi le rétablissement officiel de cette pyramide à trois étages–les païens, les Gens du Livre, l’Islam –qui pour être d’origine religieuse, n’en rappelle pas moins, qu’on le veuille ou non, d’autres hiérarchies, plus sinistres encore.»

« Et cela en dépit du vieux fond d’antijudaïsme de routine, exprimé par un vocabulaire péjoratif du Maroc à la Mésopotamie, en passant par le Soudan et le Yémen. Kadhafi ne choque que peu de ses coreligionnaires en lançant, alors que Sadate vient de tomber: «Il a vécu en juif, il est mort en juif!» En juin 1965, dans Les Temps modernes, un Marocain inconnu, Saïd Ghallab, avait eu le courage, inédit en la matière pour un musulman, de raconter: «La pire insulte qu’un Marocain puisse faire à un autre, c’est de le traiter de juif. Mes amis d’enfance sont demeurés antijuifs. Ils voilent leur antisémitisme virulent en soutenant que l’Etat d’Israël a été la création de l’impérialisme occidental. Mes camarades communistes eux-mêmes sont tombés dans ce piège. Pas un numéro de la presse communiste ne dénonce l’antisémitisme des Marocains. Et tout un mythe hitlérien est cultivé parmi les couches populaires. On exalte (et on s’en extasie) le massacre des juifs fait par Hitler. On croit même que Hitler n’est pas mort. Et on attend son arrivée pour délivrer les Arabes d’Israël.»

« En novembre 1978, EI-Doua, mensuel des Frères musulmans égyptiens, estimait que «tout mahométan qui veut vivre en accord avec sa foi doit refuser de pactiser avec les juifs et d’établir des relations diplomatiques, économiques et culturelles avec eux, car les juifs sont des usurpateurs et des agresseurs. On ne peut rien attendre d’eux. Il ne peut y avoir de paix avec eux, mais seulement la guerre sainte. Ils doivent vivre en tant que minorité au sein du monde arabe.»

«En avril 1980, la même publication dressait tout simplement la liste des «douze vices juifs» : opportunisme, schizophrénie, racisme aveugle, désir de détruire le monde, égoïsme, pillage, sadisme, amour de l’argent, extorsion, non-respect des engagements, fourberie, art de semer la discorde.

« La même année encore, dans son supplément d’octobre pour les jeunes, intitulé «Les Lionceaux de la prédication», El-Daoua s’employait, dossier à l’appui, à enseigner aux enfants musulmans comment reconnaître un juif. Rien n’y manquait, pas même le nez crochu, les ongles dégoulinant de sang, l’étoile de David sur la houppelande… «O lionceau musulman, anéantis leur existence, car les juifs ne t’aiment pas, toi qui révères Dieu.»