L’amour étroitement joint de cette langue et ses utilisateurs lui a donné bien des petits ! L’hébreu, une langue vivante aimée et parlée au point de passer des 7000 mots de l’hébreu biblique à plus de 33.000, un minimum en évolution exponentielle pour un usage courant de la langue renaissante.

Comme tout pays qui se respecte et s‘honore de bien parler, Israël s’est offert un petit nid douillet dans l’un des bosquets du campus Givat Ram de l’Université hébraïque pour y « cocooner » de petits bâtiments dans lesquels les organismes compétents de cette institution suprême se mettent entièrement au service de la défense de la langue du peuple juif: l’hébreu

Aucune concurrence avec la Knesset à redouter malgré qu’elles ne se trouvent, qu’à quelques encablures l’une de l’autre : L’autorité législative revient de droit à la nouvelle académie !

Penser que l’on n’y voit que des vieilles chouettes parmi des brochures fanées ou quelques rats de bibliothèques farfouillant dans des monceaux de vieux papiers, serait une grave erreur !

Le « successeur » d’Eliezer Ben Yéhouda

Même si le Dr Gabriel Birnbaum est entouré d’archives, de dictionnaires quelque peu poussiéreux, de manuscrits plus anciens encore, c’est un homme dont l’enthousiasme est contagieux qui se met à vous déclamer toute son admiration pour son maître :  Ben-Yehouda.*

« Dire que l’on doive la renaissance de notre langue nationale à un homme et un seul parait proprement incroyable. Un homme face à des détracteurs moqueurs qui s’acharnaient mais n’ont pas réussi à l’abattre » nous explique le Dr. « Pour ce faire Ben-Yehouda contraignit femme et enfants à ne parler que l’hébreu » !

Il est vrai que ce ne devait pas être facile, encore moins agréable de ne pouvoir communiquer avec personne, exceptés les juifs religieux en prière. Des hommes et femmes qui depuis toujours ne rataient pas une occasion de discuter avec Dieu.

L’hébreu et les mots nouveaux

Ainsi, conclut G. Birnbaum,  « nous continuons l’esprit de pionnier, clé de la renaissance de l’ hébreu moderne ! Comme aurait dit Eliezer Ben-Yehouda soi-même. Et si nous sommes responsables, dit encore notre interlocuteur, de l’acquit des mots, nous le sommes tout autant quant à l’invention des petits nouveaux et leur diffusion.

La loi de 1953 le stipule précisément  : Toutes institutions étatiques et gouvernementales israéliennes se doivent d’être en accord avec les décisions  adoptées par l’académie.

Bien sûr, depuis le temps de Ben-Yehouda de l’eau a coulé dans les gouttes à gouttes des cultures qui ont envahi les déserts, et l’académie a publié d’innombrables dictionnaires de nouveaux mots dans différents domaines plus ou moins techniques, y compris dans le domaine de l’informatique….

Un dernier regard dans la direction de ce « chercheur, responsable principal du Dictionnaire de l’Académie.

Et, alors que le projet, initié par Ben-Yehuda , comprenait cinq volumes au moment de sa mort en 1922, ils ne sont pas moins de seize volumes à occuper une place d’honneur dans le bureau du chercheur.

Bely Landerer


*Né Eliezer Yitzhak Perelman à Luzhky, en Lituanie, en 1858, Ben-Yehuda est arrivé en Palestine en 1881, dirigé et concentré sur la renaissance de la langue hébraïque.

 

Eliezer Ben-Yéhouda: la renaissance de l’hébreu

Le Yahrzeit d’Eliezer Ben-Yéhouda, décédé le deuxième jour de Hannoukah 5683 (1922), il y a tout juste 95 ans, est l’occasion de revenir sur la figure exceptionnelle du père de l’hébreu moderne.

En Israël, l’anniversaire de Ben-Yéhouda est devenu aujourd’hui le « Yom ha-Safa ha-ivrit », le Jour de la Langue hébraïque.

En France, l’œuvre de Ben-Yéhouda est malheureusement un peu oubliée, aussi je voudrais attirer l’attention du lecteur sur un livre paru il y a quelques années et passé quelque peu inaperçu. Il s’agit de la traduction de l’autobiographie de Ben-Yéhouda et d’autres textes essentiels par Maurice Adad, publiée aux éditions L’Harmattan en 2004.

Je suis tombé sur ce livre un peu « par hasard », il y a quelques années, lorsque Georges Bensoussan m’a proposé de traduire en français « Le rêve et sa réalisation », l’autobiographie de Ben-Yéhouda, dont une partie avait déjà été publiée il y a plus de vingt ans dans une traduction de Gérard Haddad (malheureusement accompagnée d’une longue introduction psychanalytique qui orientait la lecture du texte d’une manière très réductrice, et disons-le, assez insupportable).

Cette traduction partielle a été depuis rééditée, en 1998, aux éditions Desclée de Brouwer.

Mais c’est Maurice Adad, juif algérien et enseignant d’arabe, d’abord au Maroc puis en France, qui prit l’initiative louable de traduire l’intégralité de l’autobiographie de Ben-Yéhouda, publiée en hébreu par l’institut Bialik en 1978 avec d’autres textes importants et une préface du linguiste israélien Réuven Sivan.

Cette traduction est parue en français en 2004 aux éditions L’Harmattan, avec l’aide de la fille de Maurice Adad, Anne-Marie Adad, qui relate les circonstances de cette publication dans sa présentation de l’ouvrage.

Ben-Yehouda-Eliezer-Le-Reve-Et-Sa-Realisation-La-Renaissance-De-L-hebreu-Parle-Livre-87426730_ML.jpgIl est un peu regrettable qu’un livre aussi important pour le public francophone ait été publié chez L’Harmattan et pas chez un éditeur plus prestigieux et mieux diffusé… On aurait pu imaginer par exemple que Ben-Yéhouda figure dans la collection Présence du Judaïsme d’Albin Michel, aux côtés de Ben Gourion. Mais les livres les plus importants ne sont pas toujours publiés chez les plus grands éditeurs, comme j’en ai fait l’expérience en publiant L’Histoire de ma vie de Jabotinsky).

 Plutôt que d’évoquer la vie de Ben-Yéhouda, que l’on trouvera aisément sur Internet, je voudrais reproduire quelques extraits significatifs de son fameux texte « Une question importante », article paru en 1879 dans la revue hébraïque Ha-Shahar, qui expose les conceptions du jeune Ben-Yéhouda (alors âgé de 21 ans seulement!) et permet surtout de comprendre comment la renaissance de l’hébreu s’articule avec la renaissance de la Nation juive.

 « Cependant, s’il est vrai que chaque peuple ou nation a le droit de défendre et de protéger son caractère spécifique afin que son nom survive et se perpétue sous les cieux, n’aurions nous pas, nous aussi, les Hébreux, selon une saine logique, le même droit ? Car pourquoi notre part serait-elle moins belle que celle des autres peuples ? En quoi leur sommes-nous inférieurs ?

Hélas ! Ce qui est juste selon le simple bon sens ne l’est pas aux yeux de la philosophie et, cette fois encore, touchant cette question, nous sommes condamnés à la voir s’opposer au sens commun. « Les Hébreux ont cessé d’être un peuple », affirme-t-elle par la voix de ses grands maîtres, « la nation juive n’est plus, seuls la religion juive et ses adeptes survivent, c’est pourquoi seule l’assimilation assurera dans l’avenir le bonheur des fidèles de cette religion ».

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Cette doctrine détestable et perverse a déjà été combattue par Smolenskine (P.I.L le rédacteur du journal Ha-Shahar) dans ses inestimables ouvrages et c’est en des termes brûlants d’un amour ardent pour son peuple qu’il montra, de la façon la plus claire, le mal qu’elle nous a fait en Allemagne, pays de celui qui en fut le père (P.I.L Eliezer Ben-Yéhouda fait ici apparemment allusion au philosophe Moïse Mendelsohn), et le mal qu’elle continuera à nous faire, si nous ne lui barrons pas la route…

 …Pourtant nous avons un grand avantage, nous les Hébreux, car nous avons une langue dans laquelle nous pouvons écrire dès maintenant tout ce qui vient à l’esprit et dont nous pourrions nous servir même pour parler, si seulement nous en avions le désir. Et si beaucoup d’entre nous dédaignent la langue de ‘Ever, si nombre d’entre les fils de notre peuple ne savent même pas lire l’hébreu, à qui la faute ?

Certes, ce n’est la première fois que notre peuple vit dans l’exil… Déjà à Babylone, nombreux étaient ceux – qui se plaisaient pourtant dans leur terre d’exil – qui s’écriaient « Nos os sont desséchés, notre espoir est perdu, tout est fini » (Ezéchiel, 37-11). Mais les prophètes d’Israël, comme le Second Esaïe et Ezéchiel, portés par une inspiration puissante et un ardent amour pour leur pays et leur peuple, lancèrent ces paroles pleines de flammes : ces ossements connaîtront à nouveau la vie, Israël, à nouveau, reviendra et il fleurira comme le lis ! »

(…)

eliezer ben yehouda,hébreu,sionismeSi nous accomplissons notre tâche et si nous savons tenir bon, alors le salut d’Israël ne tardera pas à poindre. Eretz-Israël sera le centre vital du peuple tout entier, et ceux-là mêmes qui resteront en dehors du pays sauront que « leur peuple » vit sur sa terre et qu’il y possède une langue et une littérature ; une langue qui, elle aussi, fleurira et une littérature qui verra naître une foule d’écrivains, parce que, dans ce pays, la littérature saura honorer ceux qui la servent et devenir un art dans leurs mains, comme cela se voit partout dans le monde ».

On ne peut lire ces dernières lignes sans émotion, en percevant le caractère prémonitoire et quasiment prophétique du programme annoncé par Ben-Yéhouda, âgé de seulement vingt ans, à l’aube de sa vie et de sa carrière d’écrivain, de linguiste et de rénovateur de l’hébreu. A l’instar de Herzl, « Hozé ha-Médina » (le Visionnaire de l’Etat), Ben-Yéhouda fut bien « Hozé ha-Safa ha-Ivrit », le Visionnaire de la renaissance de l’hébreu, qui fut le préalable et l’instrument de la renaissance nationale juive en Terre d’Israël. יהיה זכרו בּרוך Que sa mémoire soit bénie !

Pierre I. Lurçat

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David Belhassen

La mal nommée « Académie de la langue hébraïque » est le croque-mort de la langue hébraïque. Le nombre de mots et de locutions étrangères avec lesquels ils ont pollués l’hébreu, est incalculable. Tout comme l’invention de mots factices pour faire du remplissage de vocabulaire, au lieu de faire usage naturel de méthatèses des racines hébraïques. Ce sont des nuls ! Et tout linguiste de l’hébreu, le sait pertinemment, mais n’ose l’avouer.