Ou Kahlon réussira-t-il seulement à être un énième politicien à découvrir à ses dépends que le ministère des Finances peut être fatal à une carrière politique ?

«Nous traversons une grave crise du logement, à grande échelle, et ce n’est pas moi qui l’ai créée», a déclaré le ministre des Finances Moshe Kahlon tout récemment, dans une interview au quotidien économique Globes. «J’en ai hérité, c’est tout. Nous allons y suppléer, nous n’allons pas nous arrêter de construire et finalement ça finira par jouer sur les  prix des habitations. Nous allons construire encore et encore, jusqu’à ce qu’il y ait davantage de logements que d’habitants … Aucun investisseur de ce secteur, a envie que les prix baissent,  les banques non plus. C’est évident. Une fois que le marché sera assaini et que ce programme de blocage des prix sera opérationnel, l’incidence sur le marché se fera sentir. Sinon, je rendrai mon tablier. »

Une envolée des prix historique

En novembre, le Bureau central des statistiques a signalé que « l’indice des prix du logement en Israël a augmenté de 403.5, battant un record historique « , et aura triplé depuis février 1994. Les mises en chantier ont été de 12.163 unités d’avril à juin, soit un tiers de leur pic précédent qui était de 23 491. Les permis de construire, eux aussi, ont été un tiers au-dessus de leur pic précédent.

La bulle du logement se porte bien. Elle gonfle. Mais est-ce bien une bulle? Espérons que non. Une étude du Fonds monétaire international montre que lorsque les bulles immobilières éclatent, c’est-à-dire lorsque les prix des logements s’effondrent brutalement, des crises économiques profondes émergent. Une baisse progressive des prix des logements pour un ‘atterrissage’ en douceur, est plutôt rare. Donc, espérons que Kahlon parviendra à sortir un parachute miracle de son chapeau pour faire descendre les prix sans qu’ils s’effondrent et à les stabiliser. Mais il y a  de plus en plus de raisons d’en douter.

Quand la bulle éclatera

Les Israéliens continuent de considérer l’immobilier comme le nec plus ultra des  investissements et donc fatalement, les prix continuent de grimper.
Le conseiller de la Banque d’Israël, Dr. Kobi Braude, est convaincu que la demande est plus forte que l’offre en matière de logements israéliens, et ce depuis 2007. Et c’est cette demande excédentaire, conjuguée à des taux d’intérêt au plancher, qui a entraîné une flambée des prix. Et maintenant voilà que les taux d’intérêt augmentent; le taux d’intérêt moyen sur les prêts, liés à l’indice du coût de la vie, est de 4%.

Pourquoi alors Kahlon s’est-il mis en tête que la bulle immobilière éclaterait et pourquoi met-il sa carrière politique en péril en tablant là-dessus ? Un effondrement similaire aux États-Unis et en Grande-Bretagne a entraîné des crises économiques majeures. C’est la dernière chose dont nous ayons besoin.

Le Dr Efrat Tolkowsky, du Centre interdisciplinaire de Herzliya, a déclaré au Jerusalem Post en juillet dernier que l’économie consiste à anticiper les évènements. De fait, Kahlon pense peut-être qu’il peut les influencer, et qu’à force de brandir l’épouventail de la bulle et de se lamenter sur «la bulle, la bulle, la bulle», il parviendra à changer le cours des évènements. Mais cela pourrait bien finir par effrayer les investisseurs, et les dissuader de vendre, ou d’acheter. Quoiqu’ils ne sont pas du genre à s’effrayer facilement.

Mais tout de même, brandir l’épouvantail de l’explosion de la bulle immobilière menace de couler la politique autrefois prometteuse de Kahlon et de lui coûter sa carrière, comme ça a déjà failli été le cas pour Yair Lapid, chef de file du parti Yesh Atid.

Lapid et Kahlon dans le même bateau ?

Dans ces même colonnes j’ai publié le 16 juin 2014, un article intitulé « Quand la bulle éclatera » , dans lequel j’informais des intentions du ministre des Finances de l’époque, à savoir Lapid et de sa politique pour faire baisser les prix de l’immobilier, qui prévoyait de privilégier fiscalement les premiers acheteurs, en les exemptant de l’impôt sur la plue-value. Et je disais déjà à l’époque que ce plan revenait à « mettre de l’huile sur le feu », car faire en sorte de stimuler la demande sans augmenter l’offre, contribue à faire grimper les prix et en aucun cas à les fait baisser.

Lapid, un ancien journaliste, n’avait aucune expérience ni en politique, ni dans les affaires, ni  en économie. Sa politique du logement a échoué. Mais ce n’était pas un mauvais ministre des Finances. Il a soutenu un budget d’austérité très impopulaire, qui a réduit notre déficit et il en a payé le prix en mars 2015 à la Knesset, quand son parti Yesh Atid est tombé à 11 sièges à la Knesset alors qu’il en comptait 19 à la Knesset précédente.

On commence à se demander si Kahlon ne prenait pas le même chemin. Si c’était le cas, ce serait tragique. Kahlon n’est pas Lapid. Il est le cinquième de sept enfants, nés de parents juifs de Lybie. Il a lancé une entreprise prospère d’importations de pièces automobiles. Il est devenu membre de la Knesset en 2003 et en 2009 il a été nommé ministre des Communications. Lorsqu’il était à ce poste, il a  initié une véritable révolution dans le pays, en ouvrant le domaine des communications cellulaires à la concurrence, réussissant à réduire drastiquement les factures de téléphone cellulaire. Cela a inspiré le fameux  » Faites comme Kahlon!  » du Premier ministre Benjamin Netanyahou qu’il lançait à l’envie, aux membres de son cabinet.

Le cheval de bataille de Kahlon

Kahlon a démissionné en 2013, pour former un nouveau parti,  » Koulanu « qui a remporté 10 sièges à la Knesset à l’élection de 2015, en ciblant sa campagne sur une promesse : la baisse du logement et du coût de la vie. Koulanu a rejoint la coalition Netanyahou et Kahlon est devenu ministre des Finances.
Kahlon a misé toutes ses cartes politique sur la réalisation de sa promesse électorale. Son ministère, ainsi que celui du ministre de la Construction Yoav Galant, a soutenu des projets  ayant pour but de contrôler l’inflation des logements. Ce projet phare est appelé « Mehir Lamishtaken » (Prix Plafonnés). On connaissait déjà le « Mehir Matara » (Prix Ciblés), initié en amont par l’ancien ministre de la construction Ouri Ariel. Kahlon a d’ailleurs lui aussi, fait une proposition controversée, visant à taxer les propriétaires de trois appartements et plus (plusieurs membres de la Knesset sont dans ce cas).
Voici comment les deux plans Kahlon sont censés fonctionner et pourquoi ils vont probablement échouer.
● Prix Plafonnés :
Les promoteurs proposent, dans le cadre de leurs appels d’offres, de construire des logements au prix coûtant de la construction, pour un prix du mètre carré au plancher, selon des normes définies, en contrepartie de quoi ils bénéficieraient d’une réduction substantielle du prix du terrain, fixé par le gouvernement.

Ceux qui seraient admissibles à l’acquisition de ce type de biens, seraient des premiers acheteurs ou ceux qui auraient l’intention d’améliorer leur habitat actuel. Les logements seraient attribués selon un système de tirage au sort. Quelque 6 000 logements font partie de cette loterie, ou en feront partie bientôt, dans les villes de Kiryat Shmona, Yeroham et Dimona. Incidemment, certaines habitations construites dans le cadre de ce plan présentent déjà de sérieux problèmes, dus à la piètre qualité des logements proposés.

● Taxer les propriétaires de trois appartements ou plus :
Ceux qui investissent dans le logement et possèdent trois appartements ou plus feront l’objet d’une hausse d’impôts afin de contenir leur appétence d’achat et réduire la demande.

Quand un expert prêche dans le désert

Je me suis entretenu de ces politiques avec M. Noam Gruber, chercheur à l’Établissement Shoresh, un think tank avec à sa tête le Dr Dan Ben-David qui propose des analyses impartiales, basées sur des recherches avec preuves à l’appui, concernant l’économie israélienne et la société civile. Gruber vient de publier une nouvelle étude qui porte sur la hausses des prix du logement en Israël et les initiatives politique en matière de logement proposée par Kahlon.

En lisant le rapport de Gruber, il est aisé de saisir les raisons qui sont à l’origine de la pénurie  de logements et de comprendre pourquoi les plans clés de Kahlon pour y remédier, échoueront.

Les prix augmentent lorsque la demande est plus importante que l’offre. De 2008 à 2012,  33.570 unités de logements supplémentaires par an, en moyenne, ont été lancés sur le marché de l’immobilier. Or l’augmentation annuelle de la demande a quasiment doublé, avec la création de 35.240 nouveaux foyers en quête de logement, qui sont présentés comme potentiels acheteurs. Et c’est sans compter la demande des investisseurs qui a porté sur 25.433 unités de logement, soit un total d’une demande de 60.673 unités. L’étude de Gruber démontrent que la demande de logements a plus que doublé, alors que l’offre n’a augmenté que de 6%. Et il est évident que c’est ça qui fait grimper les prix de l’immobilier.

Selon Gruber, le plan de Kahlon ne permettra pas d’augmenter significativement l’offre de logements. Et sans une augmentation notoire de l’offre, les prix vont continuer à s’envoler. En effet, la seule façon de contrôler la pénurie de logement, si la demande des investisseurs reste forte, c’est de stimuler l’offre. Et cela nécessiterait une révolution dans domaine de la construction immobilière, vu la manière dont elle se pratique en Israël.

Jérusalem Post : Kahlon a misé tout son capital politique sur son projet « Prix plafonnés », tout comme Obama a misé pratiquement toutes ses cartes sur l’Obamacare … Mais vous pointez que  » le bénéfice important qui découle de la décote du prix du terrain finira dans les poches des entreprises de construction et des investisseurs. Est-ce que cette crainte tend déjà à se vérifier, dans les premières phases de la mise en place du projet «Prix Plafonnés ? » Pensez-vous que le ministère des Finances sera capable et disposé à tenir compte des preuves que vous produisez, et à réajuster sa politique en fonction de ces évidences, ou bien s’obstinera-t-il dans sa politique à persistera-t-il à nier les faits?

Gruber: À ce stade, les preuves sont anecdotiques. Il semble qu’il y ait beaucoup de mécontentement chez les potentiels acheteurs, concernant la qualité des appartements proposé, qu’ils trouvent trop de grands notemment. De plus, il y a déjà des cas, à Lod et Raanana par exemple, où les appartements dont le prix est plafonné, proposés dans le cadre du projet « Prix Plafonnés », ne sont finalement pas significativement moins chers, que ceux qui se présentent à la vente dans le cadre du libre marché des prix. Je suis préoccupé par le fait que les politiciens pourraient être tentés d’utiliser ce genre de programme uniquement comme poudre au yeux. L’argent serait bien mieux dépensé, s’il servait à mettre sur pied une politique de permis de construire plus rationnelle.

Pour ce qui est de l’impôt qui devrait taxer les investisseurs, Gruber prévient que cela pourrait les inciter à utiliser des prête-noms pour conclure leurs opérations immobilière en faisant appel à des tiers, qu’ils pourraient trouver parmi leurs proches qui ne seraient pas encore propriétaires. Il est prouvé que c’est déjà le cas.

Jerusalem Post : La productivité dans l’industrie de la construction immobilière en Israël est excécrable. Elle nécessite même d’importer encore davantage de main d’oeuvre bon marché de l’étranger. Cela ne contribuera pas à stimuler l’offre. Pouvez-vous nous donnez des détails sur ce que vous suggérez pour augmenter la productivité et moderniser la construction en Israël, qui n’est pas sortie du Moyen Âge ?

Gruber: Ce que vous dites est tout à fait vrai. Comme le témoignent vos collègues du Technion, la construction en Israël se fait principalement en utilisant les mêmes méthodes qu’au tiers monde. Le secteur de la construction en Israël dépend complètement de sa main-d’œuvre bon marché ; les Palestiniens d’abord et les travailleurs étrangers et aujourd’hui, une combinaison des deux.

Lorsque la main-d’œuvre est bon marché, il n’est pas nécessaire d’investir dans des machines ni d’avoir recourt à des procédés industriels. Je suggère d’arrêter l’afflux de main-d’œuvre bon marché et d’encourager les constructeurs à investir dans du matériel de construction adapté. Je pense qu’il est urgent d’adopter une réglementation dans le domaine de la construction, en conformité avec les réglementations et les normes en usage dans l’UE et les États-Unis, et d’ouvrir les chantiers israéliens à des sociétés étrangères du bâtiment hautement qualifiées. Ces entreprises étrangères devraient avoir l’obligation d’employer en priorité des travailleurs israéliens, et ne seraient pas autorisées à importer leur propre main-d’œuvre bon marché.

L’étude de Gruber est soutenue par des chercheurs de la Banque d’Israël. Ils notent, dans les Rapport annuel 2015, que le plan «Prix Plafonnés » n’est qu’un misérable «sparadrap sur une artère ouverte » et ne fera qu’augmenter la demande de logements, sans réduire les prix.

La banque recommande également d’autoriser les sociétés du bâtiment étrangères sur le marché de la construction israélien, afin d’accroître la productivité et de stimuler l’offre de l’immobilier sur le long terme. Les recherches de Gruber indiquent que 90% des terres en Israël appartiennent au gouvernement. C’est le cas dans aucun autre pays au monde. Par conséquent, la plupart des logements privés sont construits sur des terrains qui sont loués au gouvernement. D’où la pénurie de terrains et la délivrance de permis de construire alloués par le gouvernement au compte goutte.

De l’avis de Gruber, baisser artificiellement le prix des terrains qui obtiennent un permis de construire, sans augmenter l’offre, aboutira fatalement à créer une demande exponentielle de logements. Il est convaincu que les entreprises de construction vont s’approprier une part importante des bénéfices, découlant de la réduction des prix du foncier, accordée par l’État.

Le ministère des Finances affirme qu’il veut réserver la vente des logements subventionnés aux premiers acheteurs seulement. Mais la capacité du gouvernement à discerner entre les vrais premiers acheteurs et les prête noms, sera très limitée.

Le ministère des Finances a prouvé plus d’une fois qu’il n’était pas le meilleur tremplin pour assoir une carrière politique, et qu’il était plus facile d’y laisser ses plumes. Les sondages d’opinion en décembre ont indiqué que Koulanu ne remporterait que sept sièges à la Knesset si les élections avaient lieu demain, c’est à dire 10 de moins qu’il en compte aujourd’hui.

Les électeurs ne semblent plus croire que Kahlon pourra tenir ses promesses électorales. En revanche, Lapid, qui se pose en nouveau nouveau leader crédible de l’opposition à la Knesset, revient en force sur le devant de la scène politique israélienne, à la place du fantômatique chef de l’union sioniste Isaac Herzog. Selon les derniers sondages, si les élections avaient lieu demain, le parti Yesh Atid remporterait 25 sièges à la Knesset, autant que le Likoud, avec lequel il serait à égalité. Cela ferait de Lapid le chef de file de l’un des deux plus grands partis uniques, et donc un candidat potentiel, capable de former un prochain gouvernement.

La rapidité avec laquelle les has-been peuvent devenir des héros en Israël n’a d’égale que celle avec laquelle les héros deviennent des has-been ! Avec le gouvernement de coalition actuel, apparemment stable et bien assis, il n’y aura pas d’élections nationales avant deux ou trois ans. Le temps pour Kahlon d’avoir de nouveau le vent en poupe d’ici là. Ce serait une honte qu’un leader politique aussi compétent soit écarté du pouvoir. Il devrait écouter les avis des experts et repenser sa politique du logement. Au point où en sont les choses, elle est condamnée. Et cet échec pourrait s’avérer lourd de conséquences pour nous tous.

Shlomo Maital

Jerusalem Post – version française Kathie Kriegel

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Abraham BRAMI

Immobilier en Israël : Bulle ou pas Bulle ?

Je suis toujours étonné par ceux et celles qui refusent de voir et entendre CE QUI EST.
Je ne sais, n’étant ni prophète ni devin, si, il y aurait une bulle immobilière en Israël, mais ce qui est évident ce sont les deux points suivants :

1/ Les nouvelles constructions répondent plus aux normes internationales qu’israéliennes et leurs entretiens et la sécurisation des lieux est d’un poids financier très important, pour ceux qui habitent. Ce coût financier est d’autant plus élevé pour ceux et celles qui se servent du logement acheté pour maison de vacances ;

2/ Entre le moment la mise en place du nouveau ministère et aujourd’hui la valeur de l’EURO et la livre Sterling ont baissé de 25%, et cela peut continuer.

Voilà les deux causes principales qui pourraient êtres responsables de la BULLE IMMOBILIÈRE en ISRAËL ! Ni le Ministre du logement ni les constructeurs de ce type de logements ne sont responsables.
Par contre les logements construits en dehors de zones sensibles et ayants des normes normales d’habitabilités et de conforts ne seront pas affectés par une éventuelle bulle immobilière !

Jg

On construit comme il y a 50 ans en france , avec une bonne dose de corruption , une qualite plus que mediocre , des delais qui s allongent des indmnites de retard a la tete du client , une main d oeuvre irresponsable comme leurs employeurs .
Ne parlons pas des garanties qui passent aux oubliettes. Il n y a pas d encadrement pour le respect des lois qui n existent pas ou qui restent juste a l appreciation du promoteur . C est la far west ! Quand aux terrains , ils ne manquent pas , l etat ou le KKL peuvent les liberer .
La promotion immobiliere , est un club ferme de maffieux sans vergogne !
Pour la main d oeuvre , on prend les plus dangereux , ce qui obligent les municipalites a payer des gardiens a la sortie des ecoles ( aux frais du contribuable ! Etc…..La liste des griefs est trop longue !