Milice irakienne chiite Liwa Zulfiqar sur la place principale de Busra al-Harir, au nord de Dera’a

Les forces iraniennes et du Hezbollah rejoignent l’offensive sud de la Syrie – contrairement aux engagements de la Russie.

A long terme, ils déstabiliseront les frontières

En violation des garanties offertes par la Russie et les États-Unis, Israël et la Jordanie, les gardiens de la révolution iraniens, les forces chiites et le Hezbollah prennent part à l’offensive de la Syrie pour conquérir Daraa et Quneitra. Des clips vidéo publiés le 26 juin par les réseaux sociaux ont dépeint des membres de la milice irakienne chiite Liwa Zulfiqar sur la place principale de Busra al-Harir, au nord de la ville de Daraa, en train de célébrer leur victoire sur les forces rebelles syriennes. Les sources militaires de DEBKAfile rapportent que ce n’était qu’une question de temps avant que les engagements russes ne s’avèrent totalement creux et que les forces pro-iraniennes et du Hezbollah atteignent les frontières syro-jordanienne et syro-israélienne. La milice Liwa Zulfiqar, venue d’Irak, a été réorganisée pour l’opération, en tant que force mixte comprenant également des combattants du Hezbollah et des milices syriennes.

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, en charge de la politique américaine pour la Syrie, a fait des commentaires sévères devant le sous-comité sénatorial des crédits, le mercredi 27 juin. Il a admis que le président Bashar Assad se sort très bien des sept années de guerre civile syrienne, mais il a aussi désigné la présence de l’Iran dans le pays comme « la plus grande menace. » (pour la stabilité et la paix). Pompeo a accusé le Hezbollah, qui est totalement financé et téléguidé par Téhéran, d’être « actif sur plusieurs fronts et qu’il poursuit les efforts, en cours d’ exécution, pour mener des complots extérieurs, y compris aux États-Unis. »

Toutefois, le Secrétaire d’Etat n’a pas précisé quelle action, le cas échéant, les Etats-Unis allaient prendre pour contrer la présence néfaste de l’Iran et du Hezbollah en Syrie.

L’opération syrienne s’est, quant à elle, rapprochée de la frontière israélienne du Golan, par une attaque aérienne mercredi 27 juin, dans la nuit, contre des positions rebelles autour de Quneitra pour affaiblir leur résistance à l’offensive terrestre à venir.

Adaptation : Marc Brzustowski

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Iranian-Hizballah forces join Syria’s South offensive – contrary to Russian pledges

Combattre pour le sud-ouest de la Syrie

Alors qu’Assad et ses partisans semblent proches de la reconquête du sud-ouest de la Syrie, la stabilité est loin d’être assurée.

Des soldats fidèles aux forces du président syrien Bashar al-Assad sont déployés dans la région d’al-Qadam, près du camp palestinien de Yarmouk, à Damas, en Syrie, le 29 avril 2018. Omar Sanadiki / Reuters

Le régime d’Assad a l’ intention de reprendre le contrôle du sud-ouest de la Syrie, suite à son succès militaire autour de Damas, au cours des derniers mois. Les Etats-Unis ont averti que tout autre mouvement militaire d’Assad vers le sud-ouest de la Syrie – où les rebelles contrôlent des régions- clés – provoquerait des représailles américaines «fermes». L’administration Trump veut geler les combats dans la région, compte tenu de sa proximité avec les alliés des Américains, Israël et la Jordanie. La principale menace, aux yeux des États-Unis et de leurs alliés régionaux, est la présence de forces financées par l’Iran et de forces financées et entraînées par l’Iran dans ce secteur stratégique.

La campagne d’Assad dans le sud est inquiétante. Pourtant, les puissances impliquées dans la zone de cessez-le-feu du sud peuvent convenir d’un accord où le régime d’Assad est autorisé à reprendre la région, tant que le retrait iranien est assuré en échange. Bien que ce scénario puisse être favorable aux puissances impliquées – l’Iran, la Russie, Israël, la Jordanie et les États-Unis -, il est peu probable qu’il produise une stabilité à long terme dans le sud-ouest de la Syrie.

Des rapports récents ont suggéré que la Russie, les États-Unis et la Jordanie s’efforcent de parvenir à un accord sur l’avenir de la zone de cessez-le-feu temporaire dans le sud-ouest de la Syrie, qui a été convenu avec Israël en juillet 2017. L’objectif principal  : éviter toute escalade entre l’Iran et Israël, et éviter ainsi un conflit inter-étatique explosif dans tout le Levant. Alors que la violence avait considérablement diminué dans la région à la suite de l’accord, l’Iran et les milices alignées sur l’Iran continuent de consolider leur présence dans le sud-ouest. L’Iran ne semblait pas intéressé à se soumettre à l’accord trilatéral, aggravant sa menace contre Israël comme on l’a vu lors de la confrontation du 10 février. La Russie, de son côté, n’a pas réussi à (ou pas suffisamment voulu) empêcher les retranchements iraniens dans la région.

Alors qu’Israël n’est pas un ami du régime de Damas, il ne s’opposerait probablement pas aux troupes du régime à ses frontières et leur permettrait de reprendre le sud-ouest, si l’Iran et le Hezbollah cessent de se retrancher si près d’Israël. Le scénario est particulièrement intéressant pour Israël parce que Trump n’a aucun intérêt à augmenter la présence des troupes américaines en Syrie ni à rouvrir l’approvisionnement des rebelles syriens, malgré l’hostilité croissante des Américains envers l’Iran. Cette acceptation israélienne possible d’Assad ne signifie pas qu’Israël arrêtera ses attaques contre les positions iraniennes et du Hezbollah dans d’autres régions de la Syrie.

Cependant, les intentions de Téhéran doivent être claires pour que ce scénario se joue. Bien que l’Iran ait mis en place des infrastructures militaires près de la frontière israélienne, il est extrêmement improbable que le pays ait quelque intérêt à attaquer Israël depuis la Syrie de sitôt. Sa stratégie actuelle dans le sud-ouest semble avoir deux objectifs principaux: 1) localiser sa présence dans le sud-ouest à travers les milices locales, et 2) réaliser la reconnaissance de son statut de puissance influente dans la région.

L’Iran a été occupé ces deux dernières années à construire et former des groupes locaux dans la région du sud. L’investissement de l’Iran dans ces groupes dénote sa véritable approche du sud-ouest : ces groupes sont fidèles à leur mécène, et ils peuvent être mobilisés pour ouvrir un nouveau front de «résistance» contre Israël à l’instigation de Téhéran. Alors qu’Israël promet d’attaquer l’Iran dans d’autres parties de la Syrie, les clients locaux de l’Iran dans le sud-ouest vont probablement entreprendre des représailles à petite échelle contre Israël, compromettant ainsi toute perspective de stabilité dans cette région agitée.

L’Iran cherche clairement l’hégémonie au Moyen-Orient. La République islamique ne veut pas être perçue comme un joueur de second rang en Syrie ni comme muselé et discipliné par les Russes. Téhéran veut que sa valeur liée à son investissement, de sept ans d’argent et de sang versé en Syrie soit reconnue. Il a atteint certains niveaux de domination en Syrie, et il ne veut pas être exclu du tableau général. L’exclusion de l’Iran par la Russie lors de la création de la zone de «désescalade» était en partie la raison de l’échec de la Russie à offrir retrait iranien. L’Iran veut être publiquement – mais peut-être indirectement à travers les Russes – impliqué dans de tels accords. De cette façon, l’Iran peut afficher son poids assertif et frontalier dans ce combat géopolitique.

Alors qu’il semble y avoir de plus en plus d’appels russes à l’Iran pour retirer ses forces du sud-ouest de la Syrie, il devrait être clair que parier sur ce qui est perçu comme un «schisme» entre les deux puissances est une perte de temps. En dépit de leurs différences, la Russie partage des intérêts forts avec l’Iran et le point de basculement pour que Moscou se retourne contre l’Iran est beaucoup plus éloigné que ce que les puissances occidentales peuvent penser. Les deux alliés ont montré qu’ils peuvent contourner leurs différences pour atteindre des objectifs mutuels.

La Jordanie, l’acteur le plus silencieux de ce conflit, est considéré comme un partisan d’un scénario où le régime d’Assad est ramené au pouvoir dans le sud de la Syrie. L’approche d’Amman semble centrée sur les calculs économiques et moins sur la sécurité ou les motivations politiques. À cet égard, les Jordaniens pourraient relancer leur économie stupéfiante si le régime syrien est capable de gérer la frontière et de permettre la réouverture du commerce entre les deux pays.

Dans l’hypothèse où tous les pouvoirs impliqués veulent empêcher l’escalade, le retour des forces d’Assad dans le sud-ouest de la Syrie est une issue probable. La probabilité est qu’une «réconciliation» sera atteinte avec les rebelles abandonnés, en vue de leur réinstallation dans le nord (Idlib). La police militaire russe sera probablement déployée dans les zones proches des hauteurs du Golan, occupées par Israël, pour contenir les forces du régime.

Alors que ce scénario aborde les tensions entre l’Iran et Israël dans le sud-ouest de la Syrie, il ne fournit pas une solution à long terme pour la région. Téhéran et Moscou veulent qu’Assad réaffirme sa souveraineté dans toutes les régions du pays, mais l’autonomisation d’Assad dans le sud entraînerait une nouvelle instabilité.

Le régime Assad a souffert d’une pénurie de main-d’œuvre, depuis au moins trois ans. Le régime d’Assad d’aujourd’hui est radicalement différent de celui d’avant 2011 – en termes de processus de formation et de prise de décision, ce qui a des implications sur sa capacité à maintenir le contrôle dans le sud-ouest. Les forces du régime sont aujourd’hui un kaléidoscope chaotique de groupes pro-Assad ; ces groupes sont non seulement différents l’un de l’autre, selon leur propre idéologie, mais ils sont également distincts selon qui les commande. L’Iran et la Russie se sont associés avec des chefs de guerre et des hommes d’affaires pour créer des forces qui servent leurs intérêts. Ces divisions, le manque de forces indigènes et de commandement centralisé contribueront à l’instabilité à long terme dans les zones contrôlées par le régime d’Assad, et en particulier dans une zone d’un poids stratégique important, comme le sud-ouest de la Syrie.

En outre, le retour du régime d’Assad, qui est perçu localement comme la principale machine à tuer du pays, vers le sud, alimentera le narratif des extrémistes et augmentera leur potentiel de recrutement parmi la population locale. Compte tenu de la nature apparemment sectaire des troupes d’Assad, le régime présente un désavantage démographique qui renforcera probablement la position des extrémistes.

Les Russes entretiennent des relations avec pratiquement tous les acteurs syriens, en dépit d’un rôle proactif dans le conflit, et l’avenir du sud-ouest sera un test de la prétendue capacité de manœuvre de Moscou, supposé savoir gérer entre les complexités de la région. Le retour d’Assad dans le sud de la Syrie est probable, chaque pouvoir concerné cherchant son propre intérêt. Cependant, le retour d’Assad ne promet pas de stabilité et s’avérera, plus tard, coûteux pour la plupart des puissances impliquées – en particulier Israël et la Jordanie. À long terme, les Syriens ordinaires seront les plus grands perdants.

Par 

Abdulrahman al-Masri est un journaliste et analyste qui couvre la politique et la sécurité étrangère au Moyen-Orient. Il est également membre de la Fondation SecDev. Sur Twitter @AbdulrhmanMasri.

14 juin
2018

thecairoreview.com

Adaptation : Marc Brzustowski

Battling for Southwestern Syria

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