ANALYSE – Les Français connaissent très mal les Allemands, ce qui est lourd de conséquences, explique Guillaume Perrault, grand reporter à FigaroVox et au Figaro.

Source : Le Figaro 


Guillaume Perrault est grand reporter à FigaroVox et au Figaro. Maître de conférences à Sciences Po, il enseigne l’histoire politique française et les institutions politiques. Son nouvel ouvrage, «Conservateurs, soyez fiers!», vient de paraître chez Plon.


Élevé dans la langue française, Charles Quint, élu à 19 ans empereur du Saint Empire romain germanique, éprouva une grande perplexité envers les Allemands. L’arrière-petit-fils de Charles le Téméraire eut du mal à apprendre leur langue. Lorsque Luther, convoqué par lui, comparaît devant la Diète de Worms en 1521, le souverain a le sentiment d’avoir affaire à un exalté. Charles Quint est stupéfait de la ferveur religieuse et nationale soulevée en Allemagne par le petit moine. «Que veulent les Allemands?», s’interroge l’empereur dans sa correspondance.

En décembre 1528, dans une lettre à son frère Ferdinand, Charles Quint livre sa conviction: «Plus la nation allemande se réunira seule, sans témoins extérieurs, plus elle tendra à commettre des erreurs.»

Le nazisme jette un soupçon rétroactif et vertigineux sur les pages anciennes et honorables de l’histoire allemande, accusées de représenter la préhistoire de l’hitlérisme.

Six siècles plus tard, la perplexité des Français à l’égard de leurs encombrants voisins fait songer à celle éprouvée jadis par Charles Quint. La coalition qui va gouverner à Berlin nourrit les interrogations de l’Élysée. La prise de contrôle de ce qui reste d’Alstom par Siemens est un crève-cœur pour les Français. Hormis nos concitoyens qui ont appris leur langue dans le secondaire, l’opinion française, au reste, connaît très mal nos voisins d’outre-Rhin. L’enseignement supérieur ne l’y aide guère. Si l’on parcourt les rayonnages de la bibliothèque de Sciences Po, par exemple, on est frappé par le faible nombre d’ouvrages de fond consacrés à l’Allemagne d’aujourd’hui, alors que qui souhaiterait se plonger dans des livres nourrissants sur l’Italie ou la Grande-Bretagne n’aurait pas à chercher longtemps pour trouver. Aussi est-il légitime de convoquer l’histoire, la littérature et l’expérience personnelle pour s’éclairer.

L’Allemagne de 1945 est un pays mis au ban des nations, écrasé par un sentiment de culpabilité sans précédent et comme amputé de tout son passé. Le nazisme jette un soupçon rétroactif et vertigineux sur les pages anciennes et honorables de l’histoire nationale, accusées de représenter la préhistoire de l’hitlérisme. En RDA, les dirigeants communistes, revenus en Prusse-Orientale dans les fourgons de l’Armée rouge, se considèrent comme «une petite aristocratie innocente du crime national» et imposent «un catéchisme politique de pénitence», selon l’expression de François Furet.

En RFA, les mots de patrie (Vaterland) et, jusqu’à tout récemment, de peuple (Volk) furent frappés d’interdit en raison de l’utilisation qu’en avait fait le nazisme. D’où la stupeur des Allemands, le 8 mai 1995, lorsque François Mitterrand, à Berlin, a rendu, en termes choisis, un demi-hommage aux soldats allemands tombés en 1939-1945.

Les Allemands conservent un sens aigu de la communauté.

La fierté nationale allemande, privée de débouché politique, s’est investie dans l’ordre économique. Aucune volonté d’hégémonie de la part de nos voisins, mais la défense déterminée de leurs intérêts, comme il est naturel. Ici interviennent les tempéraments nationaux. Il n’est pas de peuple animé de meilleures intentions que les Allemands, attachés à la séparation des pouvoirs, respectueux des droits fondamentaux, soucieux d’écologie, exemplaires en matière d’aide au développement et volontiers bobos. Mais ces sentiments coexistent avec un sens aigu de la communauté: au plan national, ainsi que l’a souligné le grand sociologue Philippe d’Iribarne, de même qu’au plan régional et local, comme l’illustre le vif attachement aux petites patries que représentent les 16 Länder (dont 3 villes-États: Berlin, Hambourg et Brême) composant le pays, dotées chacune d’un gouvernement et d’une Constitution.

Outre-Rhin, le patriotisme économique n’a pas besoin d’être prôné : il est vécu comme une évidence.

Ce sens de la communauté a des conséquences. Outre-Rhin, le patriotisme économique n’a pas besoin d’être prôné: il est vécu comme une évidence. Même engagée dans la compétition internationale, une entreprise allemande juge tout naturel de s’adresser à des fournisseurs allemands, perçus, consciemment ou non, comme meilleurs que leurs concurrents étrangers, puisqu’ils sont allemands. Nos voisins, très ouverts sur l’étranger, demeurent aussi, de façon moins visible et plus subtile, enracinés dans une collectivité qui a le souci d’elle-même.

La pression collective pour respecter les règles, très forte en Allemagne, est une autre illustration du tempérament national. «L’Allemand est, de tous les peuples civilisés, celui qui est le plus facilement et le plus constamment gouvernable», écrivait déjà Kant dans Anthropologie du point de vue pragmatique (1798).

Dénoncer une infraction est perçu comme un devoir civique. Un Allemand qui a la règle pour lui ne doute pas de son bon droit. Aussi les Allemands sont-ils choqués que leurs partenaires éludent les contraintes qui découlent des traités consentis par eux. En bonne logique, la vie politique allemande est aussi sérieuse et sans fantaisie qu’un conseil d’administration. Et Berlin voit dans l’Union européenne la projection de son modèle.

Renan nous avait avertis dans sa Lettre à M. Strauss, écrite en août 1870 et destinée à paraître dans la Gazette d’Augsbourg et le Journal des débats : «Le grand malheur du monde est que la France ne comprend pas l’Allemagne et que l’Allemagne ne comprend pas la France: ce malentendu ne fera que s’aggraver.»

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madeleine

Merkel est irresponsable et dangereuse. Elle a réussi où d’autres avaient échoué : vider l’Europe de ses Juifs. Cette femme a plus sa place dans un hôpital psychiatrique qu’au sommet du pouvoir allemand. Le fait de faire envahir l’Europe par des Africains, Maghrébins, Pakistanais, Syriens, etc…. est une folie. Partout où passent les musulmans, c’est la guerre, le feu et le sang assurés. Après leur passage, ils laissent des déserts arides où plus rien de pousse. Tous ces gens qui nous envahissent sont musulmans, et leur but est d’islamiser tous les peuples, avec l’islam du 7ème siècle. Je pense que nous allons vivre une immense catastrophe où toute l’Europe sera plongée. Des millions de morts. Cela marquera l’Histoire pendant des siècles. Les islamo-collabos qui se sont succédés au pouvoir depuis plus de 50 ans devraient passer devant un peloton d’exécution. Ainsi meurent les traîtres, de tous temps.

Raph

Si l’ Allemagne était aussi  » respectueuse  » des traites européens elle accepterait que son budget en surplus soit frappé d’ une sanction comme le prevoit le traité de l’ UE . Mais l’ Allemagne ne veut pas être pénalisé de son succés et les autres ( France en tête ) s’ ecrasent . L’ Allemagne régne au sein de l’ UE comme  » Primus inter Pares  » . Mme Merkel se retire d’ un jour a l’ autre de la filiere nucleaire apres Fukushima . La France et Areva baissent la tete . Mme Merkel céde au chantage d’ Erdogan sur les réfugiés syriens et ce sont un million et demi de refugies de toutes provenances ( Iran Iraq Afghanistan Pakistan ) plus les africains qui déferlent sur l’ europe . L’ UE s’ ecrase mollement , elle offre même une rallonge de 3 milliards /an a Erdogan et ce n’ est que le début …Le probléme est bien plus la mollesse française que l’ hegemonie allemande .