‘Histoire tronquée » : L’ancien chef de l’ADL, Abraham Foxman, fustige le discours du président polonais lors de la commémoration du soulèvement du ghetto de Varsovie

 

Le président polonais Andrzej Duda lors de la commémoration du 75e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, le 19 avril 2018. Photo: Reuters / Kacper Pempel.

L’un des militants américains contre l’antisémitisme et la haine raciale les plus connus a fustigé le président polonais Andrzej Duda, jeudi, pour avoir adopté une « version tronquée de histoire », après que le leader polonais a déclaré – dans un discours en l’honneur du 75e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie – que les combattants juifs ghetto étaient morts « pour la Pologne ».

« La Pologne a besoin d’un gouvernement démocratique décent et le président Duda a souvent assumé ce rôle », a déclaré Abraham Foxman, directeur national émérite de l’Anti-Defamation League et responsable d’un programme d’étude sur l’antisémitisme au Musée du patrimoine juif – un Musée vivant sur la Shoah dans la ville de New York, a déclaré The Algemeiner . « Le discours d’aujourd’hui constitue un revers majeur. »

Lors d’une cérémonie de commémoration officielle au Monument des héros du ghetto à Varsovie jeudi, Duda a rendu hommage aux centaines de combattants juifs qui, dans la nuit du 19 avril 1943, ont pris les armes contre les troupes allemandes, qui avaient reçu l’ordre de raser le ghetto et d’expulser tous ses habitants restants vers les camps de la mort nazis. Après avoir subi plus de 300 morts et blessés à la suite de la résistance féroce des combattants juifs pendant près d’un mois, les Allemands ont fini par liquider le ghetto de Varsovie le 16 mai.

Duda a loué la résistance juive pour avoir démontré «aux Allemands que les Juifs ne seraient pas vaincus si facilement et piétinés». Mais le président polonais a suscité la colère en affirmant que les combattants du ghetto étaient «morts pour la dignité, pour la liberté, mais aussi pour la Pologne, parce qu’ils étaient citoyens polonais. « 

«Les Juifs polonais ont été isolés en tant que Juifs, ils ont été persécutés en tant que Juifs, ils se sont battus et sont morts en tant que Juifs – non pas en tant que Polonais mais en tant que Juifs», a tenu à affirmer Foxman, sauvé par sa nounou catholique polonaise des griffes des nazis, avant d’être réuni avec ses parents en 1944. « Aucun volume de déformation appliquée à ce récit ne pourra rien changer à cela. »

Mordecai Paldiel, éminent érudit juif américain sur la Shoah, a également remis en question l’affirmation de Duda selon laquelle les combattants du ghetto étaient morts « pour la Pologne ».

« La plupart des personnes qui ont mené le soulèvement appartenaient à des organisations de jeunesse sionistes« , a déclaré le Dr. Paldiel, auteur de plusieurs livres sur la période nazie, qui a servi pendant plus de 20 ans comme directeur du département des « Justes parmi les Nations » à Yad. Vashem, mémorial officiel sur al Shoah en Israël, rendant hommage aux milliers de non-juifs qui ont sauvé les Juifs des nazis et de leurs collaborateurs locaux.

« Leur but était de sortir de Pologne, d’une façon ou d’une autre, et de se rendre en Eretz Israël », a déclaré Paldiel. « Je ne pense pas qu’ils se voyaient mourir pour la Pologne. »

Environ 750 combattants juifs ont pris part au soulèvement, qui combinait les efforts de deux groupes de résistance mal armés – l’Organisation Juive de Combat, de gauche (ZOB) et l’Union militaire juive, pro-révisionniste -le Bétar- (ZZW). Les historiens de la période nazie ont vivement débattu de la question de savoir si l’armée de l’Ombre polonais e (A.K) aurait pu faire plus pour aider les Juifs du ghetto [tentatives de faire sauter le mur et combats sporadiques à l’intérieur du ghetto, aux côtés des insurgés juifs, résistants de l’AK, Eugeniusz Morawski, dit Młodek et Józef Wilk, dit Orlik, morts pendant le soulèvement du Ghetto, au 12 rue Bonifraterska].

Le discours de Duda commémorant le soulèvement a mis en lumière l’amendement récemment adopté à la loi de L’INP [l’Institut National Polonais] – la loi du pays régissant la commémoration de la Seconde Guerre mondiale – qui criminalise le débat public sur la collusion polonaise avec les autorités nazies jusqu’à trois ans d’emprisonnement.

« Il y avait des Polonais qui aidaient les Juifs, les traitant comme des frères, comme des concitoyens », a déclaré Duda. « Et c’est pourquoi je suis sûr que chaque fois que quelqu’un parle de la responsabilité ou de la coresponsabilité de l’Etat polonais pour l’Holocauste, cette personne blesse les sentiments des Polonais mais aussi les sentiments des Juifs polonais. Non seulement c’est une calomnie, mais elle brouille aussi la responsabilité des vrais bourreaux, les nazis allemands. « 

Foxman a décrié ce point de vue comme « insultant la mémoire des combattants héroïques du soulèvement de Ghetto de Varsovie. »

« L’équivalence morale est choquante, et continue à déformer l’histoire horrible de la Shoah », a  souligné Foxman. « Oui, les Polonais étaient des victimes – mais ils étaient aussi des agresseurs. »

Foxman se souvient :  » j’ai été sauvé par des Polonais, mais certaines de mes tantes et certains de mes oncles ont, aussi, été tués par des Polonais ou vendus par des Polonais. Aucune loi ne couvrira cela, et aucun discours d’histoire déformée ne pourra changer ces faits.

Alors que les autorités allemandes étaient responsables de la construction et de l’exploitation des camps de concentration, des fabriques d’esclaves et des crématoriums à Auschwitz, Treblinka et dans d’autres localités en Pologne, la propagande antisémite et la violence étaient des faits établis pour les 3 millions de Juifs du pays, durant les deux décennies d’indépendance du pays, avant l’invasion allemande en 1939. « Il n’y avait pas de collaboration politique entre les Polonais et les Allemands, parce que les nazis voulaient seulement intégrer la Pologne en tant que simple province allemande », explique le Dr. Paldiel. « Mais quand il s’agissait de tuer des Juifs, c’était une toute autre histoire. »

La réflexion de Paldiel s’appuie sur son expérience : durant ses 24 ans passés à Yad Vashem à Jérusalem, 15 000 noms ont été ajoutés à la liste des Justes parmi les Nations. « Plusieurs milliers d’entre eux étaient des Polonais », dit-il. « A mon avis, les Polonais qui ont risqué leur vie et sauvé les Juifs ont fait face à des risques beaucoup plus grands que ceux qui ont fait de même dans les autres pays occupés par les nazis – mais ces risques (de dénonciation, d’arrestation) venaient aussi bien des (autres) Polonais que des Allemands. »

De nombreux habitants de Varsovie portaient des jonquilles épinglées à leurs vêtements jeudi, honorant une tradition commencée il y a cinq ans par le musée POLIN de la capitale polonaise, qui commémore l’histoire des Juifs polonais.

Les jonquilles constituent un hommage au regretté Marek Edelman – l’un des commandants militaires du soulèvement du ghetto de Varsovie – qui a reçu, chaque année, un bouquet de fleurs d’un expéditeur anonyme à l’occasion de l’anniversaire, qu’il déposait ensuite au monument des combattants du ghetto .

avatarpar Ben Cohen

algemeiner.com

Adaptation : Marc Brzustowski

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Pierre

La Pologne un pays antisemite qui cherche à oublier son passé antisémite