INTERVIEW – La Seine-Saint-Denis a perdu 80 % de sa population juive en quinze ans, rappelle l’historien Georges Bensoussan.

LE FIGARO. – En 2002, vous dirigiez Les Territoires perdus de la République , essai qui décrivait notamment l’apparition d’un antisémitisme culturel dans certains quartiers en France. Seize ans plus tard, vous avez signé la «tribune contre le nouvel antisémitisme» publiée par Le Parisien et vous participez au livre publié par Albin Michel sur le sujet. Diriez-vous que le temps du déni est révolu?

Georges BENSOUSSAN. – On aimerait le penser. Pourtant, même s’il est indéniable que quelque chose a bougé depuis plusieurs mois, je crois que les forces du déni demeurent puissantes. Elles tiennent à cette partie de la gauche sociétale qui domine encore largement l’opinion par le biais d’un grand nombre de médias au discours formaté. De ce côté-là, il faudra s’attendre à de nombreuses contorsions. Tout en déplorant l’antisémitisme («plus jamais ça»), on continuera à ne pas nommer la source du péril.

La notion de vivre ensemble n’a cessé d’être invoquée tandis que, dans les faits, les communautés n’ont cessé de se séparer. Comment expliquer ce paradoxe?

La notion de «vivre ensemble» dit, comme un sous-texte, un lent processus d’éclatement de la nation
Dans une société où, pour le pire, le libéralisme économique épouse le libéralisme sociétal, il me semble que ce paradoxe n’est qu’apparent. On invoque d’autant plus le vivre ensemble que nous ne vivons pas ensemble mais à côté les uns des autres.

La notion de «vivre ensemble» dit, comme un sous-texte, un lent processus d’éclatement de la nation. Qui nourrit une insécurité culturelle dont les premières victimes sont les classes populaires et les classes moyennes pour lesquelles la nation demeure ce bien commun, cette forme d’harmonie collective qui leur semble aujourd’hui menacée.

Dans sa doctrine, ses ressorts, ses représentations, en quoi cet antisémitisme est-il nouveau?

L’antisémitisme qui tue aujourd’hui ne vient pas de l’extrême droite même si celui-ci demeure une réalité. Évoquer la France comme un «pays antisémite» était jusqu’à maintenant aberrant tant les préjugés antiJuifs n’avaient cessé de reculer depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est évidemment moins vrai à l’heure actuelle. Dans ce domaine comme en d’autres, la régression française est patente.

L’antisémitisme d’aujourd’hui est nouveau par la source et par le mode opératoire. Par la source d’abord. Cet antisémitisme violent est issu d’une nouvelle frange de la population française. Il puise aux sources coraniques comme à l’histoire moderne des Juifs du Maghreb, une histoire méconnue en France où de nombreux idéologues accréditent la thèse d’une histoire apaisée que le sionisme et la création de l’État d’Israël seraient venus briser.

Qu’il y eut des moments heureux, de convivialité et d’amitié, c’est certain. Que ces Juifs du Maghreb furent longtemps des Juifs de culture arabe, c’est certain aussi. Il n’est pas nécessaire, pour autant, d’idéologiser ce passé ni de confondre l’histoire d’une bourgeoisie juive qui avait peu à faire avec la «rue arabe», avec l’histoire des Juifs de condition populaire, largement majoritaires, qui eux, et eux seuls, eurent à subir une vie marquée au quotidien par l’arbitraire et une forme de précarité sur fond de crainte diffuse. Arrivé en France, cet antisémitisme traditionnel s’y est aggravé tout en se modifiant, nourri par le ressentiment né d’une intégration plus ou moins réussie, comme par le conflit israélo-arabe.
Cet antisémitisme est également nouveau par le mode opératoire: il tue (15 personnes depuis 2006 en y incluant les victimes du Musée juif de Bruxelles assassinées par un Français).      Lire la suite  premium.lefigaro.fr

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Caroline

Merci à Georges bensoussan d’avoir dit cette vérité à savoir cette mémoire différentielle entre bourgeoisie juive et majorité des classes populaires juives. Personnellement ce récit guimauve de certains qui évoquent leur douce tunisie ou Maroc m’a toujours insupporte provenant de populations vivant hors sol dans un esprit expat n’aya Effectivement rien à voir avec ceux qui vivaient un quotidien de dominé laborieux et humiliant. Ceux la même avaient d’ailleurs cet esprit colonialiste avec leurs propres frères juifs de conditions modestes et pour certains n’hésitaient pas à les mépriser et les traiter de façon indigne quand ils étaient leurs domestiques. Ceux la même regrettent aujourd’hui leur « doux Maghreb leur douce France ou l’znrente Communautaire était si belle «  Ce qu’iils regrettent c’est le temps ou rien ne bénirait contrarier leur petit confort personnel. Merci donc à Mr bensoussan d’avo Rétabli cette vérité. Certains ont fortement vécu et ressenti cette réalité.