Mark Zuckerberg au salon Vivatech à Paris, le 24 mai 2018 (VIVA TECH-JOLY/VIVA TECHNOLOGY/SIPA )

Le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, essuie un feu nourri de critiques pour son refus de bannir les négationistes du réseau social.

“Je suis juif et il y a des personnes qui nient l’existence de l’Holocauste. Je trouve cela très choquant. Mais au bout du compte, je ne crois pas que notre plateforme doive supprimer ce genre de propos parce que je pense qu’il y a des choses sur lesquelles certaines personnes se trompent”, a-t-il déclaré dans un entretien accordé au site spécialisé Recode.

“Le négationnisme est une stratégie de longue date, délibérée et obstinée des antisémites qui est incontestablement haineuse, dangereuse et constitue une menace pour les juifs”, a réagi Jonathan Greenblatt, directeur de l’Anti-Defamation League, l’une des grandes organisations de lutte contre l’antisémitisme. “Facebook a l’obligation morale et éthique de ne pas permettre sa propagation”, a-t-il ajouté.

Aux États-Unis, révisionnisme et négationnisme ne sont pas interdits par la loi et la jurisprudence tend à les placer sous la protection du premier amendement de la Constitution, qui garantit la liberté d’expression. Dans de nombreux États européens en revanche, des propos révisionnistes ou négationnistes sont passibles de poursuites pénales.

Katty Scott 

 

 

 

Lorsqu’il est passé, en avril, en audition devant les parlementaires américains, Mark Zuckerberg a assuré que Facebook éliminerait les discours haineux de son réseau social, d’ici cinq à dix ans, avec les technologies d’intelligence artificielle auxquelles travaille l’entreprise.

Mais quelle définition le PDG donne-t-il des discours haineux ? Interviewé par Recode pendant 90 minutes, Zuckerberg a expliqué que les négationnistes rejetant l’existence de la Shoah, de même que les conspirationnistes qui prétendent que la tuerie scolaire de Sandy Hook (26 morts en 2012) est bidon (comme le site InfoWars d’Alex Jones, qui déclare que les parents des enfants tués sont des acteurs), ne seraient pas sujets à un blocage.

Seules des attaques ciblées seraient retirées

Kara Swisher, la journaliste de Recode, interroge le PDG sur la censure et les accusations de biais politique dans son réseau social. Il explique, dans le cas des contenus prétendant que Sandy Hook était une affaire fabriquée, qu’il croit que cette affirmation est fausse, mais que seules des attaques directes contre les victimes de cette fusillade seront retirées.

« Liberté d’expression »

Mardi 17 juillet, des membres de la Chambre des représentants ont justement interrogé des représentants de Facebook, Twitter et YouTube sur leurs politiques de modération des contenus, rapporte le site d’actualités Mother Jones.

Un député a demandé à YouTube pourquoi il ne supprimait pas InfoWars, qui diffuse de nombreuses théories du complot sur Sandy Hook et plus récemment sur Parkland (la fusillade scolaire de février en Floride, où 17 personnes ont été assassinées).

La directrice de la politique de contenus de Facebook Monika Bickert (elle était venue à Paris en mai pour exposer la politique de modération du réseau social) a déclaré à la commission parlementaire que Facebook retirerait des pages comme InfoWars « si elles postent suffisamment de contenus qui violent nos limites », mais sans préciser ce que sont ces limites.

La semaine dernière, Facebook a répondu à d’autres questions sur les contenus conspirationnistes d’InfoWars, en affirmant que cela relève de la liberté d’expression.

Un documentaire d’un journaliste infiltré

Cette très modérée modération de Facebook a fait l’objet d’un documentaire diffusé le 17 juillet sur la chaîne anglaise Channel 4. Pour filmer « Inside Facebook : Secrets of the Social Network « , un journaliste s’est fait recruter incognito par CPL Resources, une entreprise sous-traitante du réseau social.

Selon lui, les pages de groupes d’extrême droite avec beaucoup d’abonnés ont droit à un traitement de faveur et sont maintenues malgré des violations des critères internes.

Il relève aussi que des discours haineux contre des immigrants, visant leur ethnie ou leur religion, sont tolérés, et que les modérateurs se voient dire d’ignorer des contenus racistes.

Le journaliste infiltré rapporte que dans les pages les plus populaires, les messages ne peuvent pas être effacés par les modérateurs du sous-traitant ; ils sont transférés pour examen à Facebook même.

L’ancien dirigeant du mouvement d’extrême droite English Defence League (actuellement emprisonné) Tommy Robinson, dont la page a plus de 900.000 abonnés, bénéficie ainsi du même statut à part que des gouvernements et des entreprises de presse.

Beaucoup d’abonnés : un traitement de faveur

Un modérateur a déclaré au reporter que les pages du parti d’extrême droite Britain First étaient maintenues, malgré de nombreuses violations des règles de Facebook, parce qu’elles ont beaucoup d’abonnés et engendrent beaucoup de revenus pour le réseau social.

En mars 2018, la page Facebook de ce groupe a finalement été supprimée après l’arrestation de sa dirigeante numéro 2, Jayda Fransen.

Le documentaire n’épargne pas la modération sous d’autres angles. Il souligne notamment :

  • des milliers de messages signalés sont restés en ligne pendant que le journaliste filmait, au-delà du délai de 24 heures affiché comme objectif par Facebook, y compris des messages liés à des menaces de suicide et d’auto-mutilation.
  • Des contenus avec un mineur manifestement de moins de 13 ans (limite d’âge théorique du réseau social) ont été maintenus sur ordre, même dans des cas où ils montrent des souffrances auto-infligées…
  • Le documentaire anglais insinue aussi que Facebook laisse délibérément de tels contenus, et des fake news présentées comme réelles, parce qu’elles entraînent un temps plus long de connexion et amènent des revenus publicitaires.

T. N.

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alexandra

Logique implacable de l’ultra-libéralisme : faire son beurre avec la haine.