Le présent ouvrage, rédigé par un philosophe germaniste et hébraïsant, connaissant tant la philosophie juive du Moyen que de l’époque moderne, expose l’émergence d’un Emmanuel Levinas dans son entièreté, et dont l’idée centrale consiste à présenter le judaïsme, non pas comme une confession, mais comme une authentique catégorie de l’universel.

 

Cette ligne directrice traverse le tout premier recueil d’articles que Levinas destinait au grand public cultivé de son temps, Difficile liberté (Albin Michel, 1963). Moins de vingt ans après la fin de la guerre, on y trouve en germe toutes les idées que ce philosophe-herméneute développera au cours de son existence.

Levinas a favorisé les sources talmudiques, notamment le Midrash dont il donne de lumineuses interprétations éthico-philosophiques. Il ne s’est pas inspiré des méthodes de la Science du judaïsme qui avait connu son heure de gloire outre-Rhin ; il n’a pas plus repris les enseignements des philosophes judéo-allemands du XIXe siècle qui avaient pourtant jeté les fondements du judaïsme moderne et contemporain.

Il s’est placé dans le sillage et sous la tutelle bienveillante du penseur qui a réinséré Dieu au cœur même de la spéculation philosophique, Franz Rosenzweig ; victime d’une maladie grave qui l’emporta avant l’âge de quarante-cinq ans, l’auteur de l’Etoile de la rédemption (1921) a exercé sur Levinas une influence décisive.

Le départ de sa Lituanie natale, l’arrivée à Strasbourg, La découverte de la phénoménologie d’Edmund Husserl à Fribourg, la rencontre (manquée) avec Martin Heidegger, l’amitié durable avec le philosophe protestant Paul Ricœur, la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, et, dès les premières années de l’après-guerre, la découverte de la littérature talmudique sous la férule de ce mystérieux «Monsieur Chouchani», tous ces éléments ont donné naissance à un penseur qui a dépassé le cadre de la philosophie traditionnelle où la critique de la théorie de la connaissance prenait constamment le pas sur la Raison pratique…

Levinas rétablit l’éthique dans tous ses droits, comme philosophie première, et réinsère Dieu au centre même la spéculation philosophique. C’est le Nouveau Penser.

La Bible, si injustement écartée des débats, refait surface dans sa philosophie et finira par s’imposer comme un incontournable massif, une source indispensable de la pensée universelle. La Bible et ses enseignements redeviennent l’alter ego du logos grec…

L’apport considérable de ce philosophe-herméneute à la pensée de son temps a transcendé les frontières confessionnelles, linguistiques et géographiques. Sa thèse de doctorat Totalité et Infini a elle-même fait l’objet de thèses soutenues dans différents pays.

Le présent ouvrage permet de prendre connaissance de la nécessaire existence d’un ordre éthique universel fondé en raison. Ni philosophe juif ni Juif philosophe mais simplement penseur universel attaché au logos, Levinas pourrait bien résumer le résultat de toutes ses spéculations par cette brève phrase, si récurrente sous sa plume : Le bien est antérieur à l’être…

Maurice-Ruben HAYOUN est philosophe, germaniste, hébraïsant et bibliste. Il a publié de nombreux ouvrages sur des personnages bibliques (Abraham, le roi David, Joseph, le jeune Hébreu devenu vice-roi d’Egypte), sur Moïse Maimonide et sur le renouveau de la philosophie juive en Allemagne aux XIX-XXe siècles (Salomon Maimon, Hermann Cohen, Martin Buber, Léo Baeck, Franz Rosenzweig, Martin Buber, Gershom Scholem). Il s’intéresse aussi aux relations entre l’identité juive et la culture européenne.

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Haïm-Vidal SEPHIHA

LÉVINAS

En 1963,enseignant l’espagnol à l’E.N.I.O.,le directeur,Emmanuel Lévinas,
à osé me convoquer pour m’interdire de parler d’Auschwitz à mes élèves.
Indigné, j’ai refusé, et lui ai rappelé que toutecsa famille de Lithuanie y avait été assassinée et moi, survivant de ce camp j’avais le devoir d’en
parler.
En outre que s’il me renvoyait le monde entier apprendrait le motif invraisemblable de mon renvoi.
Je suis resté ai n’ai jamais cessé de témoigner.