Consistoire de Paris. Le 26 novembre : des élections vraiment démocratiques ?

Tous les 4 ans, l’ACIP renouvelle la moitié de son Conseil. Or les dirigeants de cette institution religieuse, orthodoxe au sens le plus étriqué du terme, qui glisse de plus en plus vers une forme d’intransigeance, voire de sectarisme ne se contentent plus de gérer le cultuel, mais tentent d’exercer une sorte de main mise sur le politique, le culturel, l’éducatif, le social…

En substance, ce qui est en cause, ce sont les tentatives des dirigeants du Consistoire de s’ériger en représentant des Juifs de France, alors que leur aspiration affichée (notamment dans les colonnes du journal ultraorthodoxe Yated Neeman) consistant à prendre les « Haredim » comme modèles leur fait exclure agnostiques, humanistes, libéraux, massortis et même modern orthodoxes, etc.

Or les dirigeants actuels de l’ACIP fondent la référence de leur intransigeance sur un judaïsme institutionnel qui n’a jamais existé, ni en France, ni en Europe centrale ou orientale, ni en Afrique du Nord. D’ailleurs leur référentiel est à géométrie variable :

  • Pour refuser des évolutions, ils invoquent leur tradition ou leurs coutumes qu’ils ont largement foulées au pied. Leur « harédisme » s’est ainsi peu à peu imposé comme une véritable « tradition de substitution » aux judaïsmes très ouverts de France, d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie, voire d’Egypte.
  • Ils invoquent le modèle des Harédim d’Israël, mais lorsqu’Israël est très en pointe comme dans le cas de l’humanisation des procédures de « guittin » (divorce religieux – guett) avec la nomination des « toanot rabbaniyot » (conseillères halah’iques qui accompagnent les femmes en Israël y compris dans les Tribunaux rabbiniques), ils se rétractent et remettent en 1ère ligne de leurs arguments leur tradition locale, arguant que les autorités israéliennes n’ont pas à leur imposer leur point de vues.

« Qui trop embrasse mal étreint »

A force de vouloir supplanter toutes les institutions juives, telles que le CRIF en suscitant des contestations contre son rôle d’instance représentative centrale des juifs de France, le FSJU, avec une association le Secours Juif, qui serait une émanation du Consistoire, sans l’être vraiment (les deux noms sont parfois accolés « ACIP-Secours Juif », parfois non, laissant un flou assez opaque sur la provenance des fichiers, sur qui engage les dépenses de collecte et qui en récolte les fruits, sur les salariés qui opèrent, etc.,

Il y a longtemps que le Consistoire a renoncé à remplir correctement ce qui est le cœur de sa mission.

Comme nous le disions plus haut, les dirigeants actuels du Consistoire laissent perdurer des situations intenables pour des femmes en attente de leur Guett, sans tenir compte des évolutions remarquables des institutions religieuses d’autres pays, y compris Israël (voir plus haut). Dans cette institution, des comportements inadmissibles sur des chantages au guett ont été cautionnés par des dirigeants qui ont ainsi montré leur totale absence de sensibilité aux situations tragiques des femmes dont la vie est brisée à cause du refus de leur mari de leur délivrer le guett. Les femmes qui voteraient pour des dirigeants qui ont un tel mépris pour leurs droits ressemblent à ces otages atteints du « syndrome de Stockholm » qui prennent fait et cause pour leurs preneurs d’otages.

Depuis 12 ans que Joël Mergui préside les Consistoires de France et de Paris, rien n’a jamais été tenté pour certifier toute une production, ce qui permettrait aux consommateurs de produits Cachers de bénéficier de prix moins onéreux, alors que la production d’un lot spécial de produits coûte évidemment un prix bien plus élevé. Mais la volonté de garder ces consommateurs prisonniers d’un réseau de magasins spécialisés, laisse toujours sur le bord de la route, les familles les plus défavorisées qui n’ont pas les moyens de payer deux ou trois fois plus cher pour un produit Cacher.

Ces considérations suffiraient à elles seules à voter pour les 9 candidats de la liste « Notre Consistoire Demain » conduite par David Revcolevschi et les 3 candidats indépendants, les uns et les autres représentatifs d’un judaïsme ouvert et respectueux du partage des rôles entre institutions juives.

Mais il y a d’autres raisons objectives.

Nous comprenons mal que les responsables de causes prétendument unitaires telles que la collecte du KKL ou l’Appel National Pour la Tsedaka (ANPT) n’aient pas respecté la démocratie au Consistoire. Etait-il nécessaire de mettre en péril l’ANPT en affichant seul aux côtés de ceux du président de l’ANPT, la déclaration et le visage du président partisan de l’ACIP en pleine campagne électorale. Fallait-il que le KKL aille encore plus loin en commettant une publicité partisane. Est-ce pour ce type de communication que des donateurs de toutes sensibilités envoient leurs dons à la Tsedaka ou au KKL ?

Quant à la presse juive, si Actualité juive et les radios de la fréquence juive de Paris ont contribué à faire connaître de manière démocratique et équilibrée, les positions de tous les candidats, certains journaux ont transformé leurs éditoriaux et leurs colonnes en tracts de propagande unilatérale pro-Mergui.

Ce déploiement de moyens disproportionnés destinés à étouffer tout pluralisme ne peut qu’inciter les défenseurs de la démocratie à choisir des causes vraiment unitaires pour leurs dons et à privilégier une presse pluraliste.

Jean-Claude Lalou, Président d’Avenir du Judaïsme.

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A propos d’Avenir du Judaïsme

Avenir du JudaïsmeL’association Avenir du Judaïsme s’est constituée pour promouvoir par tous moyens le débat intellectuel et spirituel, l’éthique, le pluralisme et la démocratie dans la communauté juive. L’équipe d’Avenir du Judaïsme se définit comme engagée dans la communauté juive de France et dans la Cité. Nous avons constitué l’association pour manifester notre souci de la pérennité de notre communauté et de l’avenir des générations montantes qui souhaiteraient continuer à agir en son sein. Cela implique une réflexion en profondeur, des débats d’idées, pour mettre en oeuvre une vision et des projets à l’écoute des besoins et des attentes des membres de notre communauté.

Président et directeur de la publication : Jean-Claude Lalou

Élections sous tension au Consistoire de Paris

Des élections partielles auront lieu dimanche 26 novembre au Consistoire israélite de Paris, un des 16 consistoires régionaux fédérés par le Consistoire israélite central.

Les postes de 13 administrateurs sur 26 sont à renouveler, dans un contexte difficile pour la communauté juive.

Joël Mergui est candidat à sa succession à la présidence du Consistoire d’Île-de-France en janvier.

ZOOM 

Joël Mergui est candidat à sa succession à la présidence du Consistoire d’Île-de-France en janvier. / Christophe Archambault/AFP

Vingt-cinq candidats pour treize places. Tel sera le choix proposé dimanche 26 novembre aux 30 000 électeurs potentiels du Consistoire israélite de Paris, appelés à voter pour le renouvellement par moitié de cette institution napoléonienne. Avec un enjeu principal : le président actuel, Joël Mergui, à la tête de l’institution depuis 2006 – et qui préside aussi le Consistoire central de France depuis 2008 – gardera-t-il la majorité au sein du conseil d’administration (1) ?

Treize des candidats de dimanche, réunis dans une liste intitulée « Osons le judaïsme », revendiquent leur proximité avec la présidence actuelle. Mais les neuf candidats qui se présentent sous l’étiquette « Notre Consistoire demain », ainsi que les trois candidats hors liste (le scrutin est uninominal et non de liste) se placent dans une perspective de changement.

« Actuellement, le Consistoire de Paris administre mais ne rend pas service à la communauté », estime ainsi David Revcolevschi, de la liste Notre Consistoire demain. Pour Évelyne Gougenheim, candidate indépendante, « le Consistoire de Paris a tendance à se rigidifier et n’est plus légitime pour représenter le judaïsme ».

Beaucoup de nouvelles synagogues ont choisi l’indépendance

Fondé en 1808, par Napoléon 1er qui a organisé le culte israélite en France en créant le Consistoire central, organe fédérateur de 16 Consistoires régionaux, le Consistoire de Paris et d’Île-de-France est le plus important du pays, puisque 60 % de la communauté juive française y vit. Mais nombre de juifs n’y adhèrent pas. Et beaucoup de nouvelles synagogues ont elles aussi choisi l’indépendance.

Dans l’Ouest parisien, l’arrivée massive de juifs qui quittent des quartiers sensibles de Seine-Saint-Denis ou de l’Est parisien contribue au foisonnement de ces nouveaux lieux de culte qui se développent loin de toute reconnaissance consistoriale. « Si le Consistoire est l’instance représentative de la communauté juive, il doit accueillir toutes les sensibilités : orthodoxes mais aussi celles qui en sont exclues aujourd’hui comme les libéraux, les massortis ou les loubavitch », estime Moïse Cohen, président d’honneur du Consistoire de Paris, qui regrette cet « éloignement de la base ».

Le développement entre autres de la très active communauté loubavitch, qui fait preuve d’un prosélytisme inventif et a développé son propre système de cacherout (déclaration de conformité d’un aliment avec la loi juive), a une incidence sur la fréquentation des synagogues et le budget du Consistoire – via les revenus liés à la cacherout. Dans ce contexte, le grand projet du Centre européen du judaïsme, d’un coût de 10 millions d’euros, dont la construction est en cours, suscite des réactions contrastées.

Un système de péréquation pour soutenir les communautés les plus éprouvées

Le consistoire actuel estime ainsi répondre aux besoins de la communauté, en ayant choisi le XVIIe arrondissement parisien où la présence juive est en constante progression, pour ce projet d’envergure. Mais certains réclament un système de péréquation pour soutenir les communautés les plus éprouvées, à l’heure où de nombreuses familles ont fait le choix de l’alya (la « montée ») en Israël.

Quant à l’absence supposée de représentativité, elle a été au cœur d’une manifestation de fidèles, le 11 septembre, protestant contre l’invitation par le Consistoire du grand rabbin séfarade de Jérusalem, Schlomo Amar. Quelques jours auparavant, celui-ci avait déclaré que les juifs libéraux étaient « pires que les révisionnistes ».

Un appel à un « nouveau consistoire » incluant « tous les juifs, religieux, femmes, homosexuels, libéraux » avait alors été lancé sur Facebook, demandant que toutes les tendances du judaïsme aient droit de cité au sein de l’organe représentatif de la religion juive. Une demande dont la réponse dépendra du scrutin du 26 novembre.

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Le plus grand consistoire de France

L’Association du Consistoire israélite de Paris (ACIP) salarie près d’un millier de personnes (un peu moins de 300 équivalents temps plein, dont les rabbins). Son budget global atteint 25 millions d’euros. Comparativement, le budget du Consistoire central de France (qui comprend celui du séminaire rabbinique de France), s’élève à 2 millions d’euros.

Environ 30 000 personnes sont à jour de leur cotisation de 2016. Généralement, une seule personne par foyer enregistre son adhésion et par conséquent peut voter aux élections consistoriales.

82 synagogues appartiennent en propre à l’ACIP, sur au moins 450 présentes en Ile-de-France.

Un « projet de modernisation » du Consistoire israélite de France et du Consistoire de Paris, porté par le président des deux institutions Joël Mergui, a été rejeté en 2015 par un vote en assemblée générale. Il visait à fusionner les assemblées générales et les organes directeurs, mais sans fusionner les deux consistoires, comme initialement envisagé.

Clémence Houdaille
AFPGrand rabbin de Paris, Michel Gugenheim
STEPHANE DE SAKUTIN/AFPJoël Mergui, président du Consistoire central, à Sarcelles (Val-d’Oise)
STEPHANE DE SAKUTIN/AFP
 , le 24/11/2017 à 6h21

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Richard Rybinski

Je ne suis donc pas seul a penser comme cet article concernant la caste très fermée, verrouillée de l’ACIP, dont le fonctionnement relève plus du népotisme, du copinage, ou de la cooptation.
Bien loin dans sa gestion, dans ses actions, de ce qui devrait être son unique mission, s’occuper de TOUS les juifs.

Ilan

Le KKL et le l’AUJF attendront quelques années avant que je me décide à leur donner à nouveau de l’argent.

Ce ne sont pas les causes qui manquent:
– en France: Casip-Cojasor, Adiam, OSE, Beth Loubavitch, etc.
– pour Israël: Alliance France-Israël, Libi, Zaka, Magen David Adom, Technion France, UHJ France, Hadassah France, etc.