La force du régime réside dans son indifférence envers l’intérêt de son propre peuple. C’est ce qui le rend imprévisible et insaisissable.

Le mouvement de révolte de début janvier a effectivement mis en évidence l’impopularité profonde de la République islamique et le clivage qui sépare le peuple iranien des ayatollahs au pouvoir. Pourtant, une fois de plus, l’étouffement rapide des contestataires par les forces de l’ordre a démontré la capacité des ayatollahs à régner par la peur.

Le président réformateur, l’ayatollah Hassan Rohani, qui avait déjà largement déçu son électorat par son incapacité à introduire la moindre ouverture sur la scène politique, s’est solidarisé avec les durs du régime pour réprimer les opposants. Cinq ans après son arrivée au pouvoir, son bilan est déplorable.

Au moment où le nouvel ultimatum du président Trump sur la fin de la suspension des sanctions économiques contre l’Iran menace le régime, le programme balistique de l’armée révolutionnaire (Pasdaran) est en train de provoquer une nouvelle crise internationale. Au sein de la République islamique, les crises font des ravages. Le pays est dévasté par la corruption de ses dirigeants, la sécheresse et la pollution paralysent la population, et la répression de l’État asphyxie la société.

Sur les 100 milliards de dollars débloqués à la suite de l’accord nucléaire de 2015, rien n’a été investi dans des projets nationaux et, jusqu’à présent, aucune mesure n’a été prise pour relancer l’économie exsangue du pays. Dorénavant, l’espoir d’améliorer la République des ayatollahs moyennant des réformes internes n’enchante plus personne.

Ces événements récents auraient pu introduire une certaine ouverture dans la politique nationale et/ou internationale de Téhéran. Rien de tel ne s’est produit.

Les manifestations populaires ont été rapidement écrasées et aucune réponse n’a été donnée aux demandes des opposants. Parallèlement, l’ultimatum de la Maison-Blanche sur les sanctions contre l’Iran a été accueilli sans ciller. Téhéran a déclaré qu’il ne reviendrait pas sur l’accord de 2015 et que son programme balistique, destiné à des fins défensives, n’était pas négociable.

Ces événements récents auraient pu introduire une certaine ouverture dans la politique nationale et/ou internationale de Téhéran. Rien de tel ne s’est produit. Les ayatollahs narguent tout le monde et font leur loi: qu’il s’agisse des menaces américaines, de l’incertitude sur les sanctions économiques contre l’Iran, du fléau de la sécheresse et de la pollution, des troubles politiques et sociaux au sein de la République islamique… rien ne semble déstabiliser leur pouvoir.

Mais comment les dirigeants iraniens peuvent-ils se montrer intransigeants sur tous les fronts, refusant tout compromis ou négociation, sans craindre les conséquences?

Force est de constater que la République islamique n’est pas un État comme les autres. Plus son pouvoir s’accroît, plus sa politique étrangère et sa politique intérieure s’alignent l’une sur l’autre et toutes deux deviennent les supports d’une idéologie du pouvoir qui aspire à conquérir le monde. Les ambitions des ayatollahs ne s’arrêtent pas aux frontières iraniennes.

Depuis le XIXe siècle, le clergé shi’ite se croit en mesure de dépasser le clivage shi’ite/sunnite et de régner sur l’ensemble du monde musulman. Contrairement aux oulémas sunnites, les ayatollahs ont toujours cherché à concilier le shi’isme et le sunnisme en vue de régner sur un monde musulman uni, indépendamment de toute appartenance culturelle, régionale ou nationale.

Les ambitions expansionnistes de l’Iran islamique le rendent menaçant, à la fois pour les Iraniens et pour le reste du monde. Et cela d’autant plus que les ayatollahs de Téhéran, contrairement aux radicaux islamistes –Daech, Talibans…– sont loin d’être des musulmans naïfs. Ils savent déjouer les principes sur lesquels repose le monde moderne et s’y opposent tout en les observant.

Les différentes crises avec la communauté internationale n’affaiblissent pas les ayatollahs. Elles leur donnent plutôt un faux air de puissance qui séduit particulièrement les peuples opprimés du monde, aux dépens des Iraniens. Dès son arrivée en Iran, l’ayatollah Khomeyni a parlé des intérêts de l’islam, mais jamais de ceux de l’Iran. « L’islam a besoin de sang », disait-il.

La République des ayatollahs conduit sa politique étrangère à partir de l’hypothèse que le monde lui appartient. Face à une logique aussi différente de la leur, les nations démocratiques sont emportées par l’étonnement.

À court terme, la force du régime islamique réside dans son indifférence envers l’intérêt de son propre peuple.

C’est elle qui le rend imprévisible et insaisissable, lui donnant la possibilité d’étendre son emprise dans la région, d’investir ses pétrodollars dans les guerres par procuration en Syrie, en Irak et au Yémen, et de rester stoïque face aux menaces américaines. Les quatre décennies de l’existence de la République islamique montrent que ses dirigeants font tout pour atteindre leurs objectifs.

Ils croient pouvoir tout résoudre par la ruse. Appel à la terreur ou à l’amitié des civilisations, déclaration de guerre ou de paix, l’accord nucléaire ou la menace de l’enrichissement de l’uranium, et autres méthodes d’intimidation ou de persuasion, tous les moyens semblent légitimes pour plier le monde aux exigences des ayatollahs.

Suprême dédain des conséquences immédiates, négligence des intérêts nationaux, mépris des considérations d’ordre utilitaire, attachement à un monde musulman illusoire, tout cela donne à la République islamique un caractère hautement imprévisible, plus troublant que n’aurait pu l’être l’agressivité pure et simple.

Le point décisif est que la République des ayatollahs conduit sa politique étrangère à partir de l’hypothèse que le monde lui appartient. Face à une logique aussi différente de la leur, les nations démocratiques sont emportées par l’étonnement et oublient qu’elles sont en face d’un État écartant toute considération d’intérêt économique et national, en faveur d’un mouvement islamique pour la conquête mondiale; un État qui a pour ambition de refaire l’ordre du monde selon les lois de l’islam, la charia, dans on ne sait quel avenir lointain et indéfini.

Pourtant, la profondeur des mécontentements des Iraniens envers le régime, la persistance des problèmes qui exaspèrent les gens et l’ampleur des dégâts laissent croire qu’un jour ou l’autre la politique destructrice des ayatollahs entraînera la chute de leur régime, libérant la société iranienne de l’emprise de l’islam. L’inconnu, maintenant, est de savoir quelle sera la position de la communauté internationale envers un État qui règne en terrorisant son peuple.

Mahnaz Shirali Sociologue politiste, Enseignante à Science-Po Paris

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Tibor Krausz

L’étonnement du monde démocratique?
pur fiction, c’est la peur le laxisme la soumission l’aveuglement le silence assourdissant devant
les réalités. sournoisement ils comptent sur le seul état réellement démocratique qui constitue
un rempart efficace face à l’invasion et les guerres par procuration de l’Iran quitte à dénigrer
calomnier et condamner Israel à la moindre occasion.
Nous en Israel préférons les condamnations aux…….condoléances

amsallem

Cela est trés juste , mais je pense que l’Iran pays corrompu tient surtout car c’est une dictature militaire et que les mollahs ne seraient rien sans elle , ils ne pourront pas tenir indefiniment .