Plan de cessez-le-feu de Gaza : beaucoup de bruit pour rien
Analyse : Les familles Goldin et Shaul auraient pu être épargnées par l’échange de coups avec le cercle rapproché du Premier ministre si elles avaient su que l’envoyé spécial des Nations Unies, Mladenov, qui avait orchestré l’accord de cessez-le-feu, avait fait ses valises et pris ses vacances annuelles. Israël sait que le plan ambitieux de Mladenov n’a aucune chance d’aboutir. Désormais, Jérusalem espère juste pouvoir remonter le temps et revenir aux jours précédant la campagne de la «Marche du retour».

Si quelqu’un avait dit aux familles Goldin et Shaul que l’Envoyé spécial de l’ ONU Nickolay Mladenov, l’homme derrière la proposiyion d’accord de cessez- le -feu entre Israël et le Hamas, avait déjà quitté la région week – end dernier, pour ses congés annuels, ils auraient été épargnés d’un nouvel échange de coups avec le bureau du Premier ministre et les membres anonymes du Cabinet, qui les ont accusés de chantage affectif.

Parce que si Mladenov a décidé de faire ses valises et de partir, les chances de parvenir à un accord sont inexistantes. L’homme ne se serait tout simplement pas levé pour quitter le travail d’une vie et partir en vacances, s’il pensait un seul instant que le plan sur lequel il travaille depuis si longtemps allait se réaliser.

La situation des parents endeuillés a, de nouveau, servi de toile de fond au spectacle que les gouvernements israéliens organisent de temps en temps, dont le but est de présenter Israël comme un pays aux prises à l’angoisse, réfléchissant face à des décisions douloureuses à prendre, pour offrir des concessions humanitaires au Hamas, juste afin d’assurer la tranquillité aux résidents de la frontière de Gaza.

Réunion du gouvernement israélien (Photo: Alex Kolomoisky)

Réunion du gouvernement israélien (Photo: Alex Kolomoisky)

C’est ainsi que le gouvernement fait d’une seule pierre deux coups : mettre de son côté les frontaliers de Gaza tout en rendant les Palestiniens responsables de l’échec. Après tout, ce n’est pas nous qui rejetons les efforts de l’ONU, des États-Unis et de l’Égypte pour parvenir à un accord. Au contraire, Israël jette même de temps en temps un os à ronger à la bande de Gaza en signe de bonne volonté. Nous sommes d’accord, ce sont les Palestiniens qui ne s’entendent pas et qui torpillent toutes les opportunités pour un accord à long terme.

Dès que le plan égyptien a été mis sur la table, personne, au sein de l’appareil de défense israélien ne lui a accordé la moindre chance. Le plan de Mladenov, axé sur un investissement de 600 millions de dollars dans la bande de Gaza, avec un ajout de 30 millions de dollars la semaine dernière, ne peut être mis en œuvre sans la coopération de l’Autorité palestinienne à Ramallah et sans l’engagement du Hamas de restituer les dépouilles des soldats disparus et les 2 otages civils, dans le cadre d’un marché global. Même tout cet argent n’est pas suffisant pour réduire le fossé entre le Hamas et l’AP. Il n’est donc pas étonnant que le gouvernement israélien ait gardé secrètes les discussions sur le sujet, y compris les ministres « contrariants » (pour Netanyahu) qui ont réalisé qu’il valait mieux se taire et laisser les Palestiniens échouer d’eux-mêmes, comme à leur habitude.

Les dirigeants du Hamas manifestent en mars à la frontière de Gaza

Les dirigeants du Hamas manifestent en mars à la frontière de Gaza

La visite de la direction du Hamas à Gaza, menée par le numéro 2 de l’organisation, Saleh al-Arouri, et la convocation du Conseil de la Shura dimanche, ont donné l’impression que le Hamas allait prendre une décision importante sur un cessez-le-feu à long terme avec Israël. Le Hamas l’a voulu et a essentiellement accepté le plan de réconciliation avec l’AP en cinq clauses, mais comme l’a déclaré Jibril Rajoub du Fatah, la semaine dernière, on a besoin de deux mains pour applaudir.

Mahmoud Abbas, de son côté, n’a même pas envisagé d’accepter le plan égyptien, car selon lui, c’est lui qui est censé nettoyer la crasse des rues de Gaza, alors que le Hamas obtient toute la gloire en tant que défenseur acharné du peuple palestinien. Si nous sommes responsables de la bande, a t-il expliqué à son peuple, et que le Hamas tire des roquettes sur Israël, qui les Israéliens vont-ils attaquer? À qui le monde va-t-il reprocher le dérapage de la situation? A nous.

Saleh al-Arouri et Ismail Haniyeh se rencontrent à Gaza (Photo: EPA)

Saleh al-Arouri et Ismail Haniyeh se rencontrent à Gaza (Photo: EPA)

Israël ne croit pas ce que peut bien raconter le Hamas. Ni à propos d’une trêve à court terme ni à long terme. Jérusalem ne veut pas non plus d’un gouvernement d’unité palestinien, d’un port maritime palestinien ni d’autres fantasmes. Israël veut revenir au 29 mars, avant le début des manifestations de la « Marche du retour » à la frontière de Gaza, et c’est probablement ce qui va se passer. Mais pour y revenir, nous devons convaincre Abbas de payer les salaires dans la bande de Gaza. Cette mesure de base offrira au Hamas un soulagement économique et réduira le niveau de mécontentement dans la rue de Gaza. Israël a déjà été en mesure de convaincre l’Autorité palestinienne de débloquer certains salaires à Gaza, et il fera certainement des efforts à cet égard, également.

Israël ne peut pas forcer les Egyptiens à ouvrir le passage frontalier de Rafah, mais il ouvrira les points de passage à Kerem Shalom et à Erez dans le même format qu’ils ont été ouverts avant les affrontements de la « marche du retour ».

En contrepartie, le Hamas est censé reprendre sa conduite d’avant le 29 mars. Mais même si cela n’est pas possible, nous devrons nous préparer à une éventuelle guerre dans la bande de Gaza.

Alex Fishman | Publié: 08.06.18, 23:50

Première publication: 08.06.18, 23:50

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