Alexandre Benalla le 27 juillet dernier, sur le plateau du 20-heures de TF1. (AFP PHOTO / TF1 )

A chaque président, ses affaires. Aucun n’y aura échappé. Giscard et les diamants de BokassaChirac et les HLM de ParisSarkozy et l’argent de Kadhafi.

La première affaire d’un quinquennat marque, bien souvent, un tournant, la fin d’un état de grâce, d’un bienveillant attentisme.

Qu’on se souvienne du séisme provoqué par l’affaire Cahuzac sous Hollande. La déflagration Alexandre Benalla est de cette dimension-là.

L’importance d’une affaire est rarement proportionnelle à sa gravité juridique. Tous pourris, les politiques ? La conclusion est tentante. Elle est, à l’évidence, erronée.

Il n’y a aucune similitude entre les soupçons qui pèsent sur Nicolas Sarkozy, triple mis en examen dans les dossiers Libye, Bygmalion et Bismuth, et la tâche morale subie par François Hollande par la faute de Cahuzac.

Emmanuel Macron aurait pourtant tort de prendre à la légère le typhon Benalla, de n’y voir qu’une « tempête dans un verre d’eau » agitée par une opposition mauvaise perdante.

Tempête qui serait vouée à disparaître de l’inconscient collectif une fois la folie médiatique retombée. Il y a même fort à parier que l’inverse va arriver.

Une promesse non tenue

Le retentissement d’une affaire est lié à l’existence d’une promesse non tenue, à la déception engendrée par la personne portée au pouvoir. Ce n’est pas la gravité pénale que l’opinion publique évalue, mais la faille dans la carapace. Les affaires marquent d’autant plus qu’elles révèlent la nature profonde ou cachée du pouvoir en place.

Prenons le précédent quinquennat. Que retiendra-t-on ? Que les socialistes, qu’ils s’appellent Jérôme Cahuzac, Thomas Thévenoud ou Aquilino Morelle, n’étaient pas si indifférents aux sirènes de l’argent que le discours du Bourget l’avait laissé penser à leurs électeurs.

Est-il juste de traiter sur le même plan les impôts non payés de Thomas Thévenoud, le compte en Suisse de Jérôme Cahuzac et les mocassins cirés d’Aquilino Morelle, jamais poursuivi ?

Assurément non. Mais chacun à sa manière a incarné une seule et même trahison à la parole donnée qui n’a pas été pardonnée au camp socialiste.

Dans la légende initiale de la « start-up nation » promue par Macron, un homme, ou une femme, peut avoir montré, dès son plus jeune âge, des aptitudes hors du commun, qui l’ont poussé à griller les étapes suivantes. C’est l’histoire personnelle d’Emmanuel Macron. Mais c’est aussi, d’une certaine manière, celle de l’ascension éclair du jeune Benalla, au nez et à la barbe des membres du Groupe de protection des personnalités, traditionnellement chargé d’organiser la sécurité du président. De ce point de vue, Jean-Pierre Raffarin a sans doute tort de dire, dans « le Monde », que cette affaire « est plus un accident qu’une rupture ». Le soupçon que les fidèles du tout-puissant président soient autorisés, par le mérite qu’il leur accorde, à déroger aux règles communes va s’inscrire dans l’inconscient collectif.

Les autres affaires

Les autres affaires – Alexis KohlerMuriel Pénicaud et, dans une moindre mesure, Richard Ferrand – ont toutes en commun de relever, à des degrés divers, du conflit d’intérêts.

« L’ancien monde » était composé de professionnels de la politique qui ne connaissaient rien à la vie réelle. La promesse d’Emmanuel Macron à ses électeurs est de faire émerger une nouvelle génération de responsables politiques qui aura développé des compétences supplémentaires en s’étant frotté au monde du travail. C’est l’un des fondements du macronisme.

Un cas inédit dans la Ve République qui n’est pas outillée pour réclamer la transparence nécessaire.

Au cœur même du pouvoir macronien, le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, se voit reprocher par l’association Anticor un manque de clarté à propos de ses liens familiaux avec les richissimes actionnaires du groupe de croisière MSC.

Le pouvoir en place aurait tort de ne pas mesurer l’impact de ces révélations sur l’opinion. Ce n’est pas parce que le conflit d’intérêts n’est pas un délit pénal qu’il ne dit rien. En l’occurrence, la proximité ontologique de la macronie avec les « riches ».

Caroline Michel-Aguirre

www.nouvelobs.com

Caroline Michel-Aguirre

Journaliste

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