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Benalla au «Monde» : sa version et ses incohérences

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Interview d’Alexandre Benalla au «Monde» : sa version et ses incohérences

Par Aurore Coulaud —  (mis à jour à )
Photo d'archives d'Emmanuel Macron avec Alexandre Benalla lord d'un déplacement à Berd'huis, dans l'Orne, le 12 avril.
Photo d’archives d’Emmanuel Macron avec Alexandre Benalla lord d’un déplacement à Berd’huis, dans l’Orne, le 12 avril. Photo Charly Triballeau. AFP

Pour la première fois, le principal protagoniste de l’affaire qui secoue l’exécutif a pris la parole au cours d’un entretien accordé au journal «le Monde».

Alexandre Benalla sort du silence. Neuf jours après l’éclatement de «l’affaire» et son identification sur une vidéo de violences commises le 1er mai à Paris, l’ex-collaborateur de l’Elysée a accordé un entretien au journal le Monde (qui précise ne pas l’avoir fait relire). Voici ses principales déclarations à retenir qui contredisent notamment celles du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb et du directeur de l’ordre public et de la circulation (DOPC) Alain Gibelin en commission.

Sur sa responsabilité

L’ex-collaborateur de l’Elysée admet avoir «commis une faute». «Moi je n’ai pas le sentiment d’avoir trahi le président de la République, j’ai le sentiment d’avoir fait une grosse bêtise. Et d’avoir commis une faute. Mais cette faute, elle est plus d’un point de vue politique : je n’aurais jamais dû aller sur cette manifestation en tant qu’observateur, puis j’aurais peut-être dû rester en retrait», affirme-t-il au sujet des faits de violence envers un manifestant le 1er mai et pour lesquels il est mis en examen.

Sur le port d’armes

L’ex-collaborateur de l’Elysée explique s’être vu refuser une première demande de port d’armes par le ministère de l’Intérieur en 2016, année durant laquelle il est au service du candidat Macron. «Il y a deux cents personnes qui bossent au QG, représentant une « cible molle », comment les protéger de la menace terroriste ou même d’un fou ? Donc on fait la demande d’acquérir et détenir des armes dans le QG.» Une autorisation finalement obtenue par la préfecture de police mais valable «dans le QG uniquement». Une fois à l’Elysée, «considérant que ma fonction est exposée, on m’autorise à acquérir un Glock et à le détenir dans l’exercice de ma mission».

Quant à sa légitimité à porter une arme, maintes fois soulignée par les parlementaires lors des auditions et notamment contestée par Frédéric Auréal, le chef du Service de la protection (SDLP), il argue : «Je suis inscrit dans un club de tir depuis des années et je suis un réserviste de la gendarmerie. Il n’y a pas d’amateurisme là-dedans, au contraire. Et si le préfet de police a accordé l’autorisation, c’est qu’il estimait bien qu’il y avait une menace.»

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Sur son salaire

Jusqu’à présent, le directeur de cabinet du Président, Patrick Strzoda, s’est toujours refusé à dévoiler le salaire d’Alexandre Benalla au prétexte notamment qu’«on touche au cœur de l’organisation». Dans le Monde, l’intéressé, moins frileux, parle d’un «contrat sur toute la durée du mandat, donc cinq ans, rémunéré 6 000 euros net, c’est le salaire de tous les chargés de mission».

Sur son rôle

Lors des auditions, démarrées lundi pour faire la lumière sur les événements survenus à l’occasion de la manifestation parisienne du 1er mai, de nombreux députés et sénateurs ont soulevé l’ambiguïté des fonctions occupées par Alexandre Benalla, souvent décrit comme chef d’orchestre avec des prérogatives de sécurité. Lui précise : «Je dois m’occuper des affaires privées du président de la République, parce qu’il a une vie à côté de ses fonctions, avec Brigitte Macron, celle d’un Français normal. Il va au théâtre, au restaurant, part en vacances… Je suis toujours présent, avec le groupement de sécurité de la présidence de la République (GSPR) et le service privé du Président.»

Sur ses relations avec le GSPR

Alexandre Benalla confirme dans l’interview que ses relations avec les membres du groupement de sécurité de la présidence de la République (GSPR) étaient loin d’être au beau fixe. «Des frictions, oui, mais sous forme de non-dits. Moi, j’ai toujours fait les choses, non pas pour ma personne, mais dans l’intérêt du président. Mais il y a des gens qui sont formatés d’une autre façon. On fait le sale boulot. Et on s’expose forcément.»

Interrogé mardi par la commission d’enquête du Sénat, Yves Lefebvre, le secrétaire général d’Unité-SGP, avait expliqué : «Monsieur Benalla faisait régner la terreur au sein du GSPR. Il allait jusqu’à l’insulte à l’égard des gradés et gardiens de la paix.»

Sur son logement

Alexandre Benalla confirme avoir fait une demande de logement de «80 mètres carrés», et non 300 mètres carrés comme l’avait prétendul’Express, attribué le 8 ou 9 juillet «par nécessité absolue de service».

Sur le bus des Bleus

Au retour de l’équipe de France, après leur victoire en finale de la Coupe du monde, Alexandre Benalla était présent dans le bus qui a parcouru les Champs-Elysées avant de rejoindre l’Elysée. «J’ai monté les réunions préparatoires mais je n’ai pas donné l’ordre d’accélérer le rythme du bus ! Je suis juste là pour informer l’Elysée s’il y a un problème. Et je ne m’occupe pas des bagages des joueurs !» contrairement à ce qu’avait assuré initialement Christophe Castaner.

Sur les règlements de compte

Après avoir souligné les nombreuses rivalités entre services de sécurité du Président, le service de la protection de la personne (SDLP) «qui n’a pas accès aux déplacements du président de la République, c’est leur rêve» et les chargés de mission, Alexandre Benalla explique : «On a essayé de m’atteindre, de me « tuer », et c’était l’opportunité aussi d’atteindre le président de la République. Les faits, je les assume, je ne suis pas dans la théorie du complot, c’est la réalité. Sur ce qui s’est passé après, je suis beaucoup plus réservé. Il y avait en premier une volonté d’atteindre le président de la République, c’est sûr et certain. Et je suis le maillon faible, je le reconnais. Et en même temps, il y a énormément de gens qui se frottent les mains en se disant « ça y est, on s’est débarrassé de lui, il ne va plus nous emmerder, c’est fini ». Les gens qui ont sorti cette information sont d’un niveau important.» Il cible ici l’entourage du ministre de l’Intérieur mais pas Gérard Collomb lui-même.

Sur le 1er mai

Dans l’entretien, Alexandre Benalla assure ne pas avoir demandé à être observateur mais bien d’avoir été «invité» en tant qu’observateur à la manifestation du 1er mai par le chef d’état-major à la préfecture de police, Laurent Simonin. Le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, avait pourtant affirmé lors de son audition qu’Alexandre Benalla lui avait demandé son accord pour aller sur la manifestation. «Contrairement à ce que dit le préfet de police de Paris Michel Delpuech», qui a dénoncé mercredi «des dérives individuelles sur fond de copinage malsain», «je n’ai jamais pris une bière ou mangé au restaurant avec Laurent Simonin», affirme Alexandre Benalla.

Au sujet de son équipement, il détaille : «L’officier de liaison de l’Elysée vient deux jours avant la manifestation avec un sac qu’il me remet, avec un casque, un ceinturon en cuir, un masque à gaz, un brassard police et une cote bleue marquée police et un grade de capitaine dessus. L’équipement reste dans mon bureau. Puis, j’ai un kit oreillette et le porte radio. On me procure ensuite des rangers et une radio. Je n’y connais rien, déjà je suis surpris.» Un matériel que n’est pas censé recevoir un observateur et que Michel Delpuech a affirmé ne pas avoir autorisé. Alexandre Benalla précise que c’est un policier qui lui a ordonné de mettre le brassard.

Sur ses actes : «Ce qui se passe dans ma tête, c’est « si on reste là à rien faire, on va être isolés, et en plus, il faut donner un coup de main, on ne va pas laisser faire des délinquants « , jeter des projectiles sur un CRS, c’est violences volontaires, c’est un délit puni d’emprisonnement, c’est très clair dans ma tête. Et la faute que je commets à ce moment-là, c’est d’y aller. Et de laisser de côté mes fonctions à l’Elysée.» Il minimise : «C’est la faute pour laquelle je suis puni ensuite, ce n’est pas parce que j’ai commis un délit, c’est parce que j’ai fait une faute politique, d’image.»

Une deuxième vidéo, publiée par Libération, révèle pourtant la violence d’Alexandre Benalla envers un manifestant. «Il le saisit, le relève, lui donne plusieurs coups, le jette à terre avant de lui adresser un violent coup de pied», comme le décrit notre journaliste Ismaël Halissat. Lui estime ne porter «aucun coup» et va même plus loin : «Je passe ma main gauche sous son aisselle, et la deuxième au niveau de son cou, et j’essaie de le lever pour l’emmener vers le major Mizerski et un autre policier. C’est exactement le même geste que j’ai fait à Emmanuel Macron quand il a pris un œuf au Salon de l’agriculture : il n’a pas déposé plainte pour violence et il n’a eu mal au cou plus que ça le lendemain !» Le montage vidéo ci-dessous, réalisé par le Huffington Post, permet de relativiser quelque peu la comparaison entre les deux situations.

Sur Gérard Collomb

Au retour de la manifestation du 1er mai, Alexandre Benalla explique être rentré à la salle de commandant où se trouvait le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb qui a toujours assuré lors de ses auditions avoir croisé quelques fois seulement l’ex-collaborateur et ne pas connaître ses fonctions. Il avait pourtant donné une accolade Benalla dans cette fameuse salle : «J’ai sans doute salué, comme j’ai salué tout le monde lorsque je suis arrivé dans ce poste de commandement, cette personne. […] Je ne sais pas si c’est votre habitude mais moi j’ai l’habitude d’être urbain», avait-il rétorqué face aux parlementaires.

Une version mise à mal par Benalla : «Gérard Collomb est présent, avec le préfet de police de Paris, avec le DOPC Alain Gibelin, le cabinet du ministre et celui du préfet. Je me mets dans un coin. Ils sont en train de faire une présentation à Collomb. Quand il sort, il vient me voir et me serre la main : « Ça va ? Qu’est-ce que tu fais là ? »» Et d’enfoncer le clou : «Il sait que je travaille à la présidence de la République. Je peux le croiser deux, trois, quatre fois par semaine sur des déplacements ou quand il vient à la présidence.»

Sur Alain Gibelin

Dans cet entretien, Alexandre Benalla n’épargne pas non plus le directeur de l’ordre public et de la circulation (DOPC), Alain Gibelin. Celui qui a été auditionné lundi par la commission d’enquête de l’Assemblée (et une deuxième fois jeudi 26 juillet par la commission de l’Assemblée), avait assuré être «dans la totale ignorance de la présence de Monsieur Benalla sur le terrain» le 1er mai. Mais Benalla dément : «Ce n’est pas vrai. On a déjeuné quelques jours avant avec le général Bio-Farina. C’était une réunion de travail à propos des policiers qui font la sécurité autour du palais. A la fin de ce déjeuner, il m’a demandé si je venais toujours le 1er mai et si j’avais reçu l’équipement que je devais recevoir.» «Alain Gibelin s’en veut de ne pas avoir prévenu le préfet de police», avance-t-il. «Il y a des gens qui pensent à leur carrière et qui se défaussent», enfonce-t-il.

Sur la vidéo du 1er mai

Vincent Crase et trois hauts gradés de la police soupçonnés d’avoir transmis au conseiller de l’Elysée des images de vidéosurveillance de l’incident ont été mis en examen. Benalla tente de se justifier : «Je ne l’ai pas demandé. Après la publication de l’article du Monde sur Internet, je reçois un appel vers 22 heures de quelqu’un à la préfecture de police, dont je ne citerai pas le nom : « Alexandre, on a la vidéo du gars et de la fille en train de jeter des projectiles sur les CRS, est-ce que tu la veux pour te défendre ? » Bien sûr que ça m’intéresse, si on peut prouver que les gens en face ne sont pas de simples passants mais des casseurs. Je ne sais pas d’où viennent ces images. Je suis en train de dîner dans un restaurant près du Palais et quelqu’un vient me donner un CD. Il n’y a rien écrit dessus, ni « préfecture de police », ni « vidéosurveillance ». Ce CD, je ne le regarde pas et je le remets à l’Elysée à un conseiller communication.»

Aurore Coulaud

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rachel

Toute la cour d’Emmanuel 1er ment dans cette affaire depuis le début en toute connaissance de cause : Benalla sera probablement condamné mais tous les autres s’en sortiront blanc comme neige mais je prie pour que ce ne soit pas ainsi.
C’est une tempête dans un verre d’eau a dit Emmanuel 1er et il continue ainsi à insulter les contre-pouvoirs et les français qui sont écoeurés par cette affaire : ce mioche mal grandi ou pas grandi du tout n’est qu’un sale morveux insolent’ et se conduit comme un dauphin de France capricieux.
Mais ce qu’il oublie, c’est qu’une seule cigarette peut déclencher un grand incendie comme en Grèce actuellement, c’est que ce sont les petits cours d’eau qui font les grands fleuves, c’est que quelques gouttes de parfum empoisonné peut tuer un homme de 80 kgs, méthode autrefois très usitée dans les cours royales dont il a la nostalgie alors un verre d’eau peut déclencher un ouragan : qu’il se méfie.

PS : Pour le parfum, je fais référence au livre « L’allée du roi » de Françoise Chandernagor.

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