Un historien et journaliste autrichien juif du nom de Stephan Templ doit bientôt purger une peine d’un an dans une prison du gouvernement. Officiellement, il est accusé d’avoir fait de fausses déclarations dans la demande d’indemnisation de sa famille comme victimes du nazisme.

Mais il y a des raisons de craindre qu’il soit puni pour avoir exposé l’échec de l’Autriche à restituer les biens saisis à leurs propriétaires juifs. L’affaire Templ s’empêtre dans l’histoire troublante de l’opposition de l’Autriche à s’acquitter de ses dettes et à restituer des biens.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Autrichiens ont prétendu qu’ils n’étaient pas les partenaires des nazis, mais étaient en fait «les premières victimes du nazisme»

Cette attitude se reflète de manière mémorable dans un différend qui a éclaté pendant le tournage du film « The Sound of Music » à Salzbourg en 1964.

Une partie de l’histoire se déroule après la prise du pouvoir en Autriche par les nazis si bien que les cinéastes voulaient déployer des drapeaux nazis sur les maisons pour ces scènes. Les autorités de Salzbourg ont d’abord refusé de permettre aux drapeaux d’être filmés, de peur que soit révélé que la ville avait volontairement pris le parti des nazis.

Les producteurs ont finalement réussi à les faire céder après les avoir menacés d’utiliser des séquences d’actualités réelles qui montraient les foules en liesse accueillant Hitler et son armée défilant en Autriche en 1938.

En maintenant la fiction «nous-étions-victimes aussi», les Autrichiens ont créé une sorte de vide afin d’éviter de payer les indemnités de restitution. Parce qu’en étant victime, l’Autriche était impuissante à empêcher les nazis de persécuter les Juifs, et ne peut donc pas être tenue légalement ou financièrement responsable de faire amende honorable aujourd’hui.

Les tentatives des organisations juives pour persuader les gouvernements autrichiens d’après-guerre d’envisager de payer les compensations se sont heurtées à un mur d’opposition. Lors d’une réunion en 1953, comme le chancelier autrichien Julius Raab se plaignait de la victimisation présumée de l’Autriche, le président du Congrès juif mondial Nahum Goldmann ironiquement lui fit remarquer, « Oui, Monsieur le Chancelier, c’est pourquoi je suis venu vous demander combien d’argent les Juifs devaient aux Autrichiens. »

En 1962, le gouvernement autrichien a finalement accepté un paiement symbolique de seulement 22 millions $ – à certains survivants de l’Holocauste; mais il a également fourni une indemnisation à certains anciens fonctionnaires nazis. Il aura fallu plus de trente années de pression et de protestations internationales pour amener enfin la création du Fonds national autrichien, qui a fourni depuis 1995 un paiement très modeste et ponctuel de 5700 $ à environ chacun des 28 500 survivants de l’Holocauste nés en Autriche à travers le monde. À partir de 2001, une autre indemnisation de 7000 $ a été versée à environ chacun des 20.000 survivants pour la perte de leurs biens. Inutile de dire que ces sommes étaient dans de nombreux cas, une petite fraction de la valeur de la propriété qui avait été confisquée.

Tout cela nous amène à Stephan Templ, qui, avec sa collègue Tina Walzer en 2001 a co-signé un livre intitulé Unser Wein, ou «Notre Vienne. » Le titre imitant le bulletin officiel de la ville pour les touristes. Le sous-titre du livre: « l’aryanisation à la manière autrichienne. » Dans un chapitre dévastateur sur « la topographie du vol » Templ et Walzer dénombrent des centaines d’entreprises de Vienne qui ont été volées aux Juifs, sans versement de restitution. La liste comprenait un grand nombre des plus célèbres hôtels, cinémas, restaurants, pharmacies, et domaines de la ville. Le livre donnait le nom à la fois des anciens et actuels propriétaires, exposant ainsi un certain nombre d’Autrichiens éminents qui ont vécu sur le compte de propriétés juives soit volées ou achetées d’emblée sous la menace d’une arme pour une somme dérisoire.

Le gouvernement autrichien et les citoyens ont été scandalisés par le livre. Templ a été largement accusé de vouloir « saper l’Autriche. » La vérité, bien sûr, est qu’il avait rendu un grand service en exposant ceux qui profitaient du vol. Mais bientôt Templ allait lui-même devenir une victime. En 2005, Templ a déposé une demande de restitution relative à un hôpital dont sa mère âgée était l’héritière légitime. A cause d’une longue querelle entre sa mère et sa sœur, Templ n’a pas indiqué le nom de sa sœur dans sa demande. La question sans aucun doute aurait pu être résolue par les membres de la famille devant un tribunal civil. Au lieu de cela, le gouvernement autrichien a choisi de poursuivre Templ pour « fraude criminelle. » Reconnu coupable et condamné à une peine d’emprisonnement d’un an, et après épuisement de tous ses recours, Temple se retrouve avec une peine de prison qui devrait débuter sous peu.

Certains des partisans de Templ disent qu’il est victime de responsables gouvernementaux qui veulent le punir pour ce qu’il a écrit. D’autres croient qu’il a tout simplement été pris dans la bureaucratie complexe et sans cœur qui régit le système autrichien de restitution. Quoi qu’il en soit, un dénonciateur courageux est sur le point de passer la prochaine année de sa vie derrière les barreaux.

 Image à la Une : Monument Queen Maria Theresia à Vienne, Autriche. Photo: Wikimedia Commons.

 

Traduction Europe Israël

Source : The Algemeiner – 22 septembre 2015 – Par Rafael Medoff / JNS.org

Dr. Rafael Medoff est directeur fondateur de l’Institut David S. Wyman pour les études sur l’Holocauste et auteur de 15 livres sur l’histoire juive et l’Holocauste.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Disraeli

Pas étonnant de la part des Autrichiens. Ils veulent faire oublier qu’ils ont voté à une immense majorité pour l’Anschluss, ont fait un accueil triomphant à Hitler. de nombreux dirigeants nazis (Hitler, A. Brünner..) étaient autrichiens.
Ils ont fait les pires difficultés pour rendre les tableaux volés et encore..
Ont élu le nazi Kurt Waldheim comme président de l’Etat, encensé H. von Karajan qui a prix DEUX fois sa carte du parti nazi (l’autrichien et l’allemand).
Ils sont capables d’évoquer les Juifs « déïcides » comme je l’ai lu il y a longtemps dans un journal local sous la plume du maire de Graz.
La liste est longue..