Au poste d’envoyé spécial américain contre l’antisémitisme

 

Manfred Gerstenfeld et René van Praag s’entretiennent avec Ira N. Forman

« Je ne sais pas du tout ce qui va se produire en Europe. Pourtant, je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent que les Juifs d’Europe n’ont aucun avenir. Les Etats-Unis et la communauté juive américaine devraient s’assurer de contribuer à faire en sorte que les Juifs puissent forger leur propre décision pour savoir si leur propre communauté doitou non continuer d’exister.

« Nous devrions dire que les Juifs devraient être en mesure de vivre dans une Europe Démocratique au titre de citoyens de première classe, sans avoir à s’inquiéter pour leur sécurité. Ce n’est, cependant, pas notre rôle que de dire : « Vous feriez mieux de partir en Israël » ou, au contraire : « Vous feriez mieux de rester en Europe ». L’Europe ne serait plus l’Europe si les communautés juives ne peuvent se sentir en sécurité et sentent qu’ils ne sont plus en capacité de vivre ici. Plusieurs leaders européens (dont Manuel Valls) ont dit la même chose et je les prends au mot ».

En 2013, Ira N. Forman a été nommé, par le Secrétaire d’Etat américain John Kerry, au poste d’Envoyé Spécial, consistant à observer et lutter contre l’Antisémitisme. Il a occupé cette position jusqu’en janvier 2017. Entre 1996 et 2010, Forman a été Directeur exécutif du Conseil Démocrate Juif pour les Etats-Unis. En septembre 2011, il a été nommé Directeur de communication auprès de la communauté juive pour la campagne de ré-élection du Président Obama.

« Je pense qu’en Europe, beaucoup de dirigeants comprennent que, même s’ils ne sont pas les meilleurs amis du monde avec Israël, s’ils ne peuvent protéger une seule minorité, alors bien plus de personnes auront à souffrir d’une situation identique. Dans des pays qui jouissent déjà de vastes sociétés pluralistes, ils encourent d’énormes risques, si jamais la situation empire au point que les Juifs doivent partir. Il y a aussi beaucoup de dirigeants qui ne s’intéressent pas aux minorités [parce que peu porteuses électoralement]. C’est un autre problème.

Visite à la Synagogue de Djerba, en compagnie de personnalités, dont le Rabbin Moshe Lewin. 

« Je me suis rendu en visite en France, après les émeutes de Juillet-Août 2014. J’ai demandé à un rassemblement de dirigeants juifs de France ce qui allait bien pouvoir se passer. Au cours du débat, beaucoup de gens disaient qu’ils voulaient partir et à quel point c’était difficile, même s’ils savaient déjà que les choses ne pouvaient qu’empirer. La conclusion soulignait que le problème concernait les valeurs mêmes de la république française. Les Juifs pourraient bien être les premiers, mais ils ne seraient certainement pas les derniers.

« Dans divers pays de l’Ouest de l’Europe, les forces de sécurité ont perdu le contrôle de la rue, dans de très nombreux endroits. C’est ce qui permet l’intimidation qui s’accentue envers les Juifs et qui mets leurs biens et, parfois, leur vie en danger. Un rabbin d’un pays européen m’a appelé après la première semaine de manifestations contre la guerre de Gaza, en juillet 2014.

Il disait : « Il va y avoir une deuxième semaine de manifestations. Elles vont être encore plus massives. Je ne parviens pas à obtenir un interlocuteur valable dans la police ou les forces de sécurité qui soit ne mesure de nous répondre sérieusement à ce sujet. Nos fidèles sont effrayés ». J’ai dit que j’essaierai de l’aider, mais je ne savais pas de quelle façon je pourrais y parvenir.

« J’ai appelé notre Ambassade dans ce pays. J’ai expliqué la situation à notre Chef-adjoint de mission, le second plus haut gradé derrière l’Ambassadeur. Il m’a dit : « Je ne sais pas si je peux faire quoi que ce soit. Mais je vais essayer. » Je n’ai plus entendu parler de lui. 24 heures plus tard, le Rabbin m’a rappelé et dit : « Je ne sais pas ce que vous avez fait, au juste, mais les gens de la sécurité nous appellent et nous demandent ce qu’ils peuvent faire pour nous aider ». C’était peu de chose, pourtant cela a permis à la communauté de sentir qu’elle disposait d’un ami à l’étranger qui tenterait au moins de les aider ».

Mon expérience me fait dire qu’on ne peut rien obtenir, en termes d’action, à mon niveau au Département d’Etat, sans la contribution de nos collègues qui ont un intérêt avéré dans ce domaine spécifique. La même chose vaut pour nos ambassades. Les Etats-Unis sont une superpuissance, pourtant, dans mon domaine, on ne peut rien exiger qui se fasse si on est isolé. On doit fédérer ensemble des coalitions d’associations, Israël et aussi souvent d’autres alliés européens.

« C’est la meilleure façon d’être efficace, face à un gouvernement qui pose de sérieux problèmes. La Hongrie voulait établir une statue de Balint Homan, un dirigeant antisémite et allié politique des Nazis, au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Notre Ambassade, des alliés européens, Israël, des organisations européennes et juives à but non-lucratif et certains groupes hongrois des droits de l’homme se sont unis aux Congrès américain. Le gouvernement hongrois a alors conclu que de mettre sur pied cette statue n’était pas vraiment la meilleure chose à faire. ‘

« On peut considérer tout cela comme purement symbolique, mais il est important pour la valeur de ces messages, de faire savoir à l’Europe de l’Est, que : « Vous pouvez faire ce genre de choses, mais si vous mentez à propos de l’histoire, nous allons vous rappeler ce qu’il en a été exactement. Si vous, vous pouvez vivre avec l’idée de rendre les honneurs à  un nazi, comprenez bien et soyez sûrs que le monde le saura ».

« Cela a constitué une réelle victoire de parvenir à faire accepter la Définition de Travail sur l’Antisémitisme de l’Alliance Internationale pour la Mémoire de la Shoah (IHRA). C’est un outil très important. Les Etats-Unis ont joué un rôle fort et positif dans ce processus, de concert avec l’Allemagne, Israël et d’autres. Déjà auparavant, nous dispositions de notre propre définition de l’antisémitisme, qui était assez similaire à celle adoptée par l’IHRA. A présent, l’Administration américaine a mis la définition de l’IHRA sur son propre site internet ».

Forman conclut : « La communauté juive américaine ne devrait pas ignorer ses propres problèmes. Pourtant, nous avons aussi une obligation d’aider nos frères et sœurs partout ailleurs ».

Manfred Gerstenfeld et Rene van Praag 

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

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Bonaparte

Tout en le condamnant naturellement , je me demande parfois si l’antisémitisme n’est pas le moteur du Peuple Juif qui nous rend encore plus forts et plus soudés que jamais .

Jg

Encore un farfelu , typique du temps d hussein obama .