Ou pourquoi Les manœuvres Or HaDagan n’ont pas eu besoin d’un troisième volet « syrien »

 

On a pas mal critiqué la conception du scénario en deux volets des dernières manœuvres militaires israéliennes dans le nord, les plus importantes depuis 19 ans :

  • dans le même temps, un commando de l’unité Radwan du Hezbollah débouchait dans des localités de la Galilée pour y planter le fanion du groupe terroriste et donner l’occasion d’un discours de victoire à l’éternel auto-satisfait à bon compte : Hassan Nasrallah.
  • Parallèlement, de façon la plus simultanée possible, Tsahal éradique subrepticement ce commando avant qu’il n’ait pu faire des dégâts, en matière de guerre psychologique,
  • et, secundo, entre en force au Liban sur une bande de terre d’au moins trente km, recrée une zone de sécurité et renvoie au musée le projet Barak de mai 2000, au moins tout le temps nécessaire à l’éradication définitive de l’infrastructure hezbollahnie.

Donc, en déduisent les sceptiques, Tsahal omet totalement ce qui se passe sous ses yeux, et même les rapports des renseignements qui s’accumulent, concernant telle usine de missiles à Zabadani ou non loin des Monts Qalamoun, ses forces en stationnement en Syrie. Finalement le scénario ne satisfait à l’objectif déclaré d’éradication, puisque celle-ci, parallèlement, »se met au vert » de l’autre côté de la frontière syrienne et peut attaquer Israël, par des tirs de missiles équivalents à ceux du Liban..

On a même pu laisser entendre que, du fait de la situation actuelle en Syrie et du développement plus poussé de l’implantation du Hezbollah et de l’Iran sur le territoire syrien, comme si le régime Assad n’était plus qu’une simple franchise de la Russo-Iran Corporation, Tsahal se trompait de guerre ou en avait potentiellement « une de retard » :

le scénario de l’exercice ne serait, finalement, qu’un remake actualisé de la guerre de 2006 au Liban, avec un déplacement des facteurs de déclenchement plus en profondeur que la fois précédente et une nécessité, pour Tsahal, de « finir le job » : démanteler l’arsenal et l’infrastructure du Hezbollah de façon à lui limer les crocs pour une bon moment (à jamais, comme disait le rêveur éveillé). Oui, mais alors, si Tsahal ne poursuit pas le Hezbollah sur son nouveau terrain de jeu, la Syrie, on reproduit ad vitam aeternam le schéma précédent en lui permettant de s’esquiver glisser toujours plus à l’Est, y compris, si nécessaire, jusqu’à sa base d’incubation : Téhéran. Du coup, chaque fois sérieusement esquinté, le Hezb acquérrait une sorte de « label d’indestructibilité », ou d’invincibilité par procuration, puisque, chaque fois défait sur le terrain par Tsahal, le faisant reculer jusqu’au Litani en 2006, ou, éventuellement, jusque dans les Monts Qalamoun en 2018, il dispose précisément de la « profondeur stratégique » par alliance qui manque au petit Etat d’Israël.

Mais, même en agrégeant des forces considérables de miliciens chiites venus d’Irak et d’Asie Centrale, les Gardiens de la Révolution Iranienne ont-elles les capacités militaires conventionnelles, miliciennes et/ou terroristes pour réaliser leur encerclement souhaité de l’Etat Hébreu : depuis le Liban, Gaza et maintenant, potentiellement, depuis le Sud-Ouest de la Syrie, par Dera’a et non loin de Quneitra (une dizaine de km, du fait de l’absence de volonté russo-américaine d’imposer des « zones de déconfliction » crédibles à n+).

A plusieurs reprises, certaines de ces milices ont été menées au combat sur le Golan par les Gardiens de la Révolution, encadrés d’une cinquantaine de tanks de l’armée syrienne. Régulièrement, ces offensives se sont soldées par un fiasco ou un enlisement, puis un retrait sans mot dire, face à des « rebelles syriens » inférieurs en armement et en encadrement. Elles pourraient, certes, démultiplier leurs effectifs, à un stade plus avancé du conflit. Quoi qu’il en soit, elles ne paraissent, en règle générale, pas dans leur « élément ». De même, la jeunesse iranienne, de façon générale, n’est pas nécessairement prête à aller se faire tuer à 1500 km de chez elle. Passe encore que l’armée réussisse à mener campagne d’héroïsation autour de Mohsen Hojaji, ce militaire iranien malencontreusement tombé entre les mains de Daesh et, qui, comme beaucoup d’autres, de toute obédience,a fini décapité.

Les guerres anti-israéliennes que l’Iran et le Hezbollah peuvent mener, se feront donc à grand renfort d’arsenal missilier, chimique et autre, dans une sorte de guerre de pilonnage maximal sur tous les points faibles d’une topographie militaire et d’infrastructure civile. Mais, dans le même temps, Israël développe son rayonnement de contre-mesures à  portées diverses (longue, moyenne, courte-obus de mortier-, anti-balistique, intercontinentale… La stratégie de tirs de barrage surpassant les capacités des batteries anti-missiles Dôme de Fer, Fronde de David, Hetz, israéliennes peut rencontrer ses limites, simplement, en ayant fait décoller suffisamment d’avions d’Heyl Ha’avir, avant le moment fatidique de la montée en puissance des « grandes « orgues » de Nasrallah, par des raids en grand nombre sur les sources géographiques d’implantation de ces rampes de lancement. Intervient également toute la gamme des systèmes de brouillage israéliens, susceptibles de fausser d’emblée la trajectoire des meilleurs missiles guidés, de mettre à mal tout repérage et verrouillage de cibles. Quant à l’infanterie milicienne du Hezbollah ou des groupes irako-afghans, elle devrait avoir à faire aux tanks dotés de la protection Trophy, à l’artillerie lourde et ultra-précise des Tamouz, etc., ainsi qu’à des percées fulgurantes derrière les lignes, de la part des troupes d’élite de Tsahal toujours plus affûtées.

Malgré sa meilleure volonté, malgré aussi une implantation iranienne dénoncée à chaque visite israélienne à Washington et au Kremlin, on s’oriente donc vers des « guerres de position », où il n’est pas dit, hormis des dégâts forcément importants sur des infrastructures, que Téhéran puisse pousser plus loin ses ambitions « hégémoniques », avec ou sans les limitations (mal) imposées par les deux Grands, Poutine et Trump.

Mais, que la présumée « victoire contre la rébellion syrienne » le leur accorde ou non, ces milices et forces chiites resteront des troupes d’occupation en Syrie. Leur meilleure stratégie est de tenter de se « fondre » dans le paysage, par « insémination artificielle » chiite, si l’on veut dire, sur le long terme d’un repeuplement souhaité par Assad, où les Sunnites et autres minorités druze, chrétienne, syriaque, etc. et autres disparaîtraient petit à petit, au profit de minorité ou d’une nouvelle proto-majorité chiite en phase-buvard. Numériquement, les Sunnites, malgré ces pressions, resteront probablement une majorité pendant un certain temps encore. Au Nord-Est et sur l’Euphrate, que ce soit du côté syrien ou irakien, les tribus qui se sont jointes aux Kurdes, apprennent de leurs cadres pro-occidentaux et, à tout prendre, ils sont, de loin plus efficaces que les groupes djihadistes qui les persécutent. Ce modèle de restructuration peut s’étendre à d’autres régions, comme au nord de la Jordanie ou à l’est d’Israël, vers Dera’a, Quneitra.

Les Sunnites encore politiquement et militairement valides s’appuieront sur leurs gouvernements de référence : la Jordanie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, pour y puiser ordres et moyens d’assurer leur cause, face à l’adversité. Il est moins que certain que les intérêts d’Israël et des pays sunnites concordent, ou seulement partiellement, comme on s’emploie à vouloir tenir cette perspective debout. Il n’empêche que Jérusalem a plus d’une carte dans sa manche et trouvera comment palier une fidélisation aléatoire des régimes sunnites « plus ou moins » modérés, selon les cas de figure. Il faut pouvoir travailler avec eux sans créer d’interdépendance trop forte que sans eux il deviendrait impossible d’agir face à l’Iran, par exemple.

D’une part, la domination pro-iranienne en Syrie demeurera relative, et dépendante de la véritable imposition russe du rapport de force contre la rébellion. De l’autre côté, l’armée syrienne, hier composante redoutable de la coalition anti-israélienne subsistante au Moyen-Orient, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Si elle s’était montrée à la hauteur, au-delà de quelques contingents de renforts, ses alliés n’auraient pas à ce point dû à ce point surinvestir dans son renfort. Les milices pro-iraniennes remplissent levide laissé par la disparition ou le recul progressif de Daesh, certes. Mais, elles occupent d’abord les zones d’incurie et d’impuissance de l’armée et du régime syriens. Quoi qu’il en soit d’une progression constante de ces troupes coalisées sur le terrain, Assad et ses fidèles ne sont plus qu’une poignée, présente pour donner de la légitimité au travail de sape des autres alliés, en son nom. Au bout du compte, ce pouvoir restera faible et fonction dépendante du bon vouloir de ses alliés. La Syrie d’antan n’est plus qu’un château de cartes soumis aux aléas d’une reconstruction assurée par d’autres et en parallèle de projets d’enclavement, comme par exemple, les Kurdes de Rojava, au Nord-Est de l’ancienne Syrie, ou vers l’Euphrate actuellement, avec les SDF avançant plus vite que le Hezbollah, facsimilé de forces « pro-syriennes ».

Il semble bien que ce soit-là, le point faible que Netanyahu et ses conseillers viennent, chaque fois, rappeler à Poutine, qui lui a besoin de cette légitimité, même fantomatique pour attester de la nécessité de sa présence à Khmeimim, Tartous, Latakia et au-dessus de l’ensemble du territoire « disputé » de Syrie.

Si et quand l’Iran et le Hezbollah attaqueront, Tsahal n’aura qu’à souffler sur ce château de cartes et le pays tout entier, déjà soumis à toutes les vicissitudes de six de guerre ravageuse, s’écroulera et cela en sera fini d’un semblant d’ordre contenant le chaos, comme si emploient les Russes et leurs subalternes.

Tout en frappant durement les deux pouvoirs armés du Hezbollah et de l’Iran pour les pousser dans leurs retranchements, des impacts ciblés sur les structures subsistantes de l’armée syrienne et les piliers du régime pourraient amplement suffire à faire comprendre l’intérêt existentiel menacé à l’ensemble de cette cohorte d’acteurs aux intérêts potentiellement divergents. Il est probable que l’unification syrienne reste de l’ordre du fantasme ou, quoi qu’il en soit, qu’elle puisse mettre des décennies et encore des dizaines de sous-conflits incurvés dans le grand, dont on épuise actuellement les facettes, avant de revoir un jour encore bien pâle à l’horizon de l’effondrement du pacte Sykes-Picot.

L’Iran militaire installé en Syrie ne pourra survivre par pont terrestre et aérien constant, comme l’armée romaine aux portes de l’Ecosse, il y a deux mille ans. Il lui faudra s’adapter à un environnement et s’y fondre, commercer, trouver toutes les matières premières indispensables à sa vie quotidienne. Il faudra donc « reconstruire » un Syrie, plutôt que de la prendre continuellement en otage de démarrage de nouveau conflit frontalier avec le dangereux Israël. L’intérêt même de déclencher une guerre contre le voisin occidental pourrait comporter plus de risques que de promesses, même purement idéologiques. Donc Poutine ne laissera pas faire, sans risquer lui aussi d’y être entraîné. Non tant qu’il aime les Juifs, qu’il préfère la stabilité de la reconstruction possible. Tout contrevenant pourrait alors être vertement remis à sa place. A moins que les frictions au sein de l’alliance ne pousse les Iraniens à chercher les moyens de « se débarrasser des Russes ». Mais le petit requin peut-il manger le grand?

Il est singulier que Poutine se retrouve, comme ses ancêtres, dans la situation du « colosse aux pieds d’argile »…

 

Par Marc Brzustowski

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yacotito

Il est à esperer qu’Israel ait plus d’un tour dans son sac en terme de systemes de brouillage et autre armes non detectables gardées dans sa manche pour les grandes occasions de maniere à neutraliser l’aide russe à l’Iran, à la syrie et au hez. Les ennemis d’Israel n’hesiterons pas en effet envoyer une pluie de missiles sur les villes Israeliennes et l’urgence sera pas seulement de bloquer ces missiles en vol, mais aussi de detruire les bases de lancement, sans etat d’âme, cad quels que soient les dommages collatéraux sur les boucliers humains. Esperons qu’Israel se resoudra à le faire.
Esperons aussi qu’Israel sache reperer les tunnels de maniere à eviter d’etre pris à revers

Je pense quant à moi, que le conflit est pour bientôt, Israel se trouvant dans la délicate position d’etre attaqué au sud et au nord, voire de l’interieur par les palestiniens.
hiné lo yanoum, ve lo yachan chomer Israel

LECHARTIER

Bonsoir,
Personnellement, Le vote au Kurdistan engendra, une confrontation armé contre ce Peuple, par les Iraniens et Turcs ensemble, le Kurdistan sera pris en étaux, Israël, ne pourra pas intervenir pour les soutenir ! Le hezb et tous les salops du coin, vont entrer en conflit contre Israël et ces derniers, ne pourrons pas ou peu intervenir pour soutenir les Kurdes …. La destruction du Kurdistan, est un rêve, des autorités Turc depuis des décennies ! Avec un allié de taille l’Iran… Que vont faire les Russes et les USA ?? Ils serait intéressant qu’ils soutiennent militairement les Kurdes, un jour lorsque l’Iran sera doté de l’arme nucléaire, (si ce n’est déjà pas fait) il sera une menace pour toute la planète, avec les tarés Coréens nord……..!