S’il y a bien un enseignement à tirer des quelques 250 000 télégrammes diplomatiques américains du site Wikileaks, c’est que la République islamique d’Iran fait peur, et bien au delà de ses traditionnels « ennemis ». Ainsi, si on apprend au fil de ces fuites qu’Israël a tout fait pour pousser son allié américain à sanctionner l’Iran, étant même prêt à aller jusqu’à bombarder l’Iran sans le consentement de Washington, ou que les diplomates américains ont comparé Mahmoud Ahmadinejad à « Hitler », on était loin de se douter que le Régime islamique chiite de Téhéran suscitait une si grande crainte chez ses « cousins » musulmans sunnites du Golfe, un sentiment les incitant désormais eux aussi à faire pression sur leur allié pour attaquer l’Iran.

Ainsi, un des documents secrets publiés par Wikileaks, et analysés par le quotidien britannique Guardian , révèle que le roi Saoudien Abdallah « exhorte fréquemment les Etats-Unis à attaquer l’Iran pour mettre fin à son programme nucléaire ». Principal argument du roi, selon le document, l’avertissement que si l’Iran développait des armes atomiques,  » tout le monde dans la Région en ferait de même, y compris l’Arabie Saoudite ». Symbole de l’hostilité arabe sunnite vis à vis de la République islamique perse et chiite, un autre document témoigne d’une rencontre durant laquelle le roi Abdallah avertit le ministère iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki à « les épargner de ses péchés », avant de le prévenir : « vous, Perses, n’avez pas à vous mêler des affaires arabes », dans une accusation à peine voilée au soutien iranien aux Hezbollah libanais ainsi qu’au Hamas palestinien.

Des accusations autrement plus explicites de la part du ministre émirati des Affaires étrangères qui est décrit, comme percevant « l’Iran comme un énorme problème qui va bien au-delà de ses capacités nucléaires. (…) Le soutien iranien au terrorisme est bien plus large que les simples Hamas et Hezbollah », explique le ministre, selon un autre document secret, avant de renchérir: « l’Iran compte de l’influence en Afghanistan, au Yemen, Koweït, dans la province orientale de l’Arabie Saoudite, et en Afrique ».

Le roi du Bahreïn Hamad bi Isa al-Khalifa va également dans le même sens, en pointant l’Iran « comme la source de beaucoup de troubles autant en Irak qu’en Afghanistan ». Ainsi, le souverain bahreïni s’est massivement prononcé en faveur d’une action visant à mettre fin au programme nucléaire iranien, quels que soient les moyens nécessaires. « Le danger de le laisser se poursuivre est supérieur à celui de le stopper », affirme-t-il dans cette autre fuite diplomatique américaine.

Un autre télégramme publié par Wikileaks et analysé le Guardian est encore plus intéressant. Il nous fournit en effet un décryptage de la politique iranienne en matière de négociations nucléaires par un dirigeant arabe. « L’Iran est intelligent et donne le vertige à ses adversaires dans sa quête d’accords », explique ainsi le Premier ministre qatari, Hamad bin Jassim bin Jaber al-Thani. « Ils vous laissent travailler sur un accord puis repartent de zéro avec un nouvel interlocuteur. L’Iran ne signera aucun accord. L’Iran veut les armes nucléaires », révèle al Thani, avant de conclure: « ils nous mentent, et nous leur mentons ».

Mais les attaques les plus virulentes contre la République islamique sont d’autant plus étonnantes qu’elles sont portées par l’Égypte, qui s’est pourtant récemment rapproché de Téhéran pour la première fois en 30 ans, et par les Émirats Arabes Unis, important partenaire commercial de l’Iran qui compte bon nombre de citoyens iraniens très actifs dans son économie.

Ainsi, le président égyptien Mohamed Hosni Moubarak, dont le pays a annoncé en octobre la reprise de ses vols directs avec l’Iran, ouvrant la voie à une normalisation des relations entre les deux pays, aurait qualifié Mahmoud Ahmadinejad d’extrémiste « qui ne pense pas rationnellement », devant un membre du Congrès américain, avant d’affirmer : « l’Iran provoque toujours des troubles », selon ce document analysé par le Guardian. À l’ambassadeur américain au Caire, Margaret Scobey, le président égyptien annonce cette fois que « l’une des conséquences de l’invasion de l’Irak, est que l’Iran s’étend partout », exprimant ainsi tout comme son homologue saoudien son scepticisme quant à la main tendue par Barack Obama aux dirigeants iraniens en 2009, une offre renouvelée par le président américain en 2010.

Mais Hosni Moubarak ne s’arrête pas là. Il ajoute, selon cet autre document révélé par Wikileaks, que ses homologues iraniens sont «de grands et énormes menteurs et justifient leurs mensonges en étant convaincus qu’ils servent un but supérieur ». Le président égyptien défend cette opinion en expliquant qu’elle est selon lui partagée « par d’autres leaders dans la région », tout en affirmant qu’il ne peut s’opposer publiquement à l’Iran de peur de « sabotage et du terrorisme iraniens ». Il révèle enfin que le soutien de l’Iran au terrorisme est « bien connu » mais qu’il « ne peut l’affirmer publiquement. Cela créerait une situation dangereuse », dit-il.

Encore plus décidé, le Sheikh Mohammad bin Zayed al-Nahyan, prince héritier d’Abou Dhabi (capitale des Émirats arabes unis), et chef des forces armées de l’Émirat, qualifie lui l’Iran de « menace existentielle », et avoue son inquiétude d’être « pris dans les bombardements dans le cas où l’Iran serait provoqué par les États-Unis ou Israël ». Mais le Sheikh va encore plus loin, et évoque même, dans cette conversation analysée par le Guardian, l’envoi de forces terrestres américaines si les attaques aériennes ne suffisaient pas à neutraliser les cibles nucléaires.

Et le prince héritier ne mâche pas non plus ses mots au sujet du président iranien. Selon cette autre fuite, il aurait ainsi affirmé : « je pense que ce type nous entraîne vers la guerre. C’est une question de temps. Personnellement, je ne peux prendre le risque avec un type comme Ahmadinejad. Il est jeune et agressif ».

Et le principal intéressé n’a pas tardé à réagir. Pour Mahmoud Ahmadinejad, ces câbles sont « sans valeur » et ont un objectif « malveillant ». « Ces documents ont été préparés et diffusés par le gouvernement américain selon un plan et dans un objectif précis. Ils font partie d’une campagne de guerre d’information contre l’Iran »>Article original, mais n’auront pas l’impact politique désiré » par Washington, a déclaré aujourd’hui le président iranien. De leur côté, les monarchies arabes du Golfe se sont pour l’instant abstenues de tout commentaire.

Le Monde.Fr Article original

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