Vladimir est heureux. Non, heureux n’est pas le mot. Vladimir est au-delà du bonheur, il jubile.

Vladimir Poutine. Michael Klimentyev/RIA Novosti/Kremlin/Reuters

LE BILLET D’ÉMILIE SUEUR

Une jubilation contenue. On parle de Vladimir tout de même. Il jubile à l’intérieur. À l’extérieur, rien ne bouge, pas un cil, pas un sourcil, pas un pied. Un coin de lèvre, peut-être, se lève. Mais c’est une vibration, pas plus, que seuls ses très proches, et ils sont peu nombreux, de moins en moins depuis que sa femme est partie, peuvent percevoir.

Les autres ne voient qu’un homme assis derrière son bureau, le dos un peu rigide, les épaules un peu trop hautes, les deux pieds bien à plat sur le tapis, les paumes posées sur un sous-main sans rabat, et entre les paumes, un ordinateur portable sur l’écran duquel figure un visage percé de deux yeux bleu métal dans lesquels Vladimir plonge ses yeux homonymes.

Vladimir jubile. Au-dessus de son visage affiché en plein écran, il voit un rang : 1er. Selon Forbes, il est l’homme le plus puissant du monde. Devant Barack. Il a envie de crier, le cri de la victoire, mais ça, il ne le fait que sur un tatami quand il colle une raclée à un sous-fifre. Alors il se retient. C’est tellement bon de se retenir.

« Poutine a solidifié son contrôle sur la Russie et tous ceux qui ont regardé le jeu d’échecs autour de la Syrie ont une idée claire du glissement de pouvoir vers Poutine sur la scène internationale. »

Il l’aime cette phrase de Forbes. Courte, concise, un bon résumé. Lui, il aurait ajouté qu’il restera dans les annales comme celui qui a rendu à la Russie sa gloire d’antan. Mais bon, ce sera pour l’année prochaine.

Entre-temps, il compte bien continuer d’avancer ses pions, ses missiles et ses deals dans tous les endroits troubles de la planète.

Entre-temps, il compte bien aussi achever son opération de neutralisation des nuisibles. Il sourit en pensant à la trentaine d’écolos de Greenpeace sous les verrous. Sa pupille se dilate au souvenir de ces deux jeunes Pussy Riot délurées croupissant en camp de travail. Il se gratte l’oreille pour contenir un début de frétillement en pensant à ces pervers, ces homos comme ils disent, qui ne la ramènent plus depuis que sa loi antipropagande est passée, à ces défenseurs des droits de l’homme désormais « agents de l’étranger » par défaut – merci la douma –, à Khodorkovski qui vient de fêter les dix ans de son arrestation. Poutine aussi a fêté cet anniversaire, un verre de vodka vers 21h avant d’aller se coucher. Il a également bu à la santé de Navalny ce soir-là. Parce qu’il va en avoir besoin d’une bonne santé, avec la prison qui se profile à l’horizon. Quelle idée aussi de vouloir jouer dans l’opposition.

Tout ça lui rappelle le bon vieux temps, celui des dossiers, celui du KGB.
Vladimir se lève, va vers la grande fenêtre qui donne sur la place Rouge.
Ah, le KGB, l’odeur de la paperasse et de la sueur des convoqués ! Coup de nostalgie.

Ces derniers temps – est-ce l’âge ? – il se laisse de plus en plus aller à ce sentiment, qu’il alimente à coups de petits plaisirs. Comme lors du dernier sommet du G20 à Saint-Pétersbourg, quand il a offert aux grands de ce monde une clé USB et un chargeur de téléphone. Fallait voir leurs têtes à tous, dans leurs yeux l’ahurissement flirtait avec l’incrédulité. Ils n’y croyaient pas les gars qu’il puisse oser leur faire ça. Un concentré de madeleines de Proust.

En ce moment, son petit plaisir, c’est de suivre les révélations sur les vastes opérations d’espionnage de la NSA, alors que Snowden fait du bateau-mouche sur la Moskova.

Son grand plaisir, lui, se trouve sur les rives de la mer Noire, à Sotchi. Dans 100 jours s’y ouvriront les JO d’hiver. Le plus grand événement depuis la chute de l’URSS.

Tout est prêt, les infrastructures, les athlètes russes, et un système de surveillance des communications digne des plus belles heures de l’Union soviétique. Et tout ça pour quasiment pas un rond. L’installation des boîtiers à partir desquels le FSB pourra consulter les données de tout un chacun quand bon lui semble est financée par les opérateurs télécoms. Un coup de maître. Encore un.

En 2018, ce sera le Mondial de foot que la Russie accueillera. Le foot, ce n’est pas nécessairement son truc à Vladimir. Mais mondial, ça lui parle.

01/11/2013

lorientlejour.com Article original

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Armand Maruani

{{Nethanyahu 26 ième quand même , ce qui est remarquable .}}

{{Je l’aurai mis premier , mais bon !}}

{{http://www.forbes.com/powerful-people/list/}}