D’Auschwitz à la dictature argentine, Sara Rus, une femme entre deux tragédies
Rescapée d’Auschwitz, Sara Rus, juive de Pologne, a émigré vers l’Argentine en quête de paix, mais la dictature militaire lui a enlevé son fils: à 86 ans, elle milite toujours avec ferveur avec les Mères de la place de mai.

« Je fais comment pour continuer? Je continue car j’aime la vie. (Même s’il) est beaucoup plus facile de mourir que de vivre », confie Sara Rus en évoquant avec un journaliste de l’AFP les deux tragédies qui ont marqué sa vie.

Son existence a basculé en 1939. Des agents nazis font irruption dans la vie tranquille d’une adolescente de 13 ans qui prenait des cours de violon, à Lodz, 3e ville de Pologne.

« Quand les Allemands sont entrés dans l’appartement, ils ont vu le violon sur la table et le chef a demandé: «qui joue du violon ici?»

Ma mère lui a répondu fièrement en allemand: «ma fille».

«Tu aimes jouer du violon?» m’a-t-il demandé avant de le briser sur la table », relate la vieille dame, qui vit aujourd’hui dans un appartement soigné du nord de la capitale argentine.

Un calvaire de cinq ans a commencé. Elle a été séparée de sa mère, son père est mort, elle a été envoyée au travail obligatoire dans une usine aéronautique, avant d’arriver en 1944 à Auschwitz, plus grand camp de concentration et d’extermination du Troisième Reich.

La lettre à Evita

Elle rencontre dans sa Pologne natale Bernardo Rus, un jeune homme qui procurait de la nourriture à la famille de Sara Laskier.
« Un jour il m’a dit qu’il avait un oncle en Argentine. Dans un carnet que j’ai toujours conservé sur moi, il m’a donné rendez-vous le 5 mai 1945 au Kavanagh », un bâtiment emblématique de Buenos Aires.

C’est le jour où Sara Laskier et sa mère seront libérées d’Auschwitz.
Sara pesait 26 kg en sortant du camp, elle avait 19 ans. Elle retrouve Bernardo Rus et en 1948, les époux Sara et Bernardo Rus mettent le cap sur l’Argentine.

Hébergés dans une synagogue avec une centaine de migrants juifs, menacés d’expulsion par le régime de Juan Domingo Peron, Bernardo écrit en polonais à l’épouse du président, Evita Peron, et obtient un permis de séjour.
Alors que les médecins allemands lui avaient annoncé qu’elle serait stérile, en 1950, elle met au monde Daniel.

« Cet enfant est arrivé comme une bénédiction.

Enfant, il avait annoncé qu’il serait physicien dans le nucléaire. En 1976, il a commencé à travailler à la Commission nationale de l’énergie atomique et le 15 juillet 1977, il a été enlevé. Depuis, je n’ai jamais eu de ses nouvelles », se souvient Sara Rus, des trémolos dans la voix, en observant un portrait de son fils.

Ce nouveau drame l’a conduite vers les Mères de la place de mai, une organisation qui a eu le courage d’interpeller le régime militaire, en manifestant devant le palais présidentiel pour réclamer des nouvelles de leurs enfants disparus.

Bernardo Rus a longtemps attendu le retour de la démocratie, survenue en décembre 1983, espérant qu’elle lui rendrait son fils. Il meurt six mois plus tard d’un cancer. « Il disait si mon fils n’apparaît pas, pour moi la vie ne vaut rien », se rappelle sa veuve.

Sara, auteur d’un livre « Survivre deux fois », a été récompensée du prix Azucena Villaflor pour son militantisme, une distinction remise par la présidente argentine Cristina Kirchner.

La vieille dame partage son temps entre les conférences qu’elle donne à des étudiants, les hommages aux 30.000 disparus de la dictature et les visites à sa fille et ses deux petites-filles.

Pour elle, il est fondamental de « ne pas se taire, comme l’ont fait d’autres survivants pour ne pas souffrir: c’est comme ça qu’on perd la mémoire et on ne laisse rien aux jeunes pour éviter que l’histoire se répète ».

AFP/ Le Parisien.fr Article original

TAGS: shoah Argentine Sara Rus Mémoire Evita Perron

réseau Odessa Mères de la place de mai Junte

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
korbin m

Oui et de tout cœur avec elle .

Armand Maruani

{{Quel courage !}}