JONAH MANDEL ET ERICA GARNER JP.

Pour la troisième fois cette année, le 12 octobre dernier, le rabbin Menahem Frouman se rendait dans une mosquée vandalisée de Judée-Samarie. Le lieu de culte musulman aurait été mis à sac par des extrémistes juifs. Frouman a tenu à présenter ses excuses pour l’incident et apporter de nouveaux livres du Coran, pour remplacer ceux brûlés dans l’incendie de la mosquée de Beit Fajr. Il était accompagné de deux des rabbins les plus éminents de la région voisine du Goush Etsion : Aharon Lichtenstein, résident d’Alon Shvout et directeur de la yeshiva Har Etsion, et Shlomo Riskin, grand rabbin d’Efrat.Pour Frouman, habitant de longue date de l’implantation de Tekoa et militant pacifiste de la première heure, la source du conflit israélo-palestinien est religieuse. Sa résolution ne pourra donc être obtenue que par le biais de croyants, de leaders spirituels… de rabbins et d’imams. « Nous avons observé avec quelle efficacité la théorie de la Judée-Samarie nous a permis d’avancer – théorie selon laquelle le conflit est uniquement d’ordre territorial et sera donc résolu à travers un échange de terres », remarque Frouman avec ironie. Et de remarquer l’impasse des négociations actuelles, qui restent consacrées aux questions territoriales.

« La racine de ce conflit est religieuse. L’Occident n’accorde pas suffisamment de respect à l’islam. Il ne saisit tout simplement pas cette religion », poursuit-il. « Une donnée fondamentale de ce conflit relève du fait que, pour le monde musulman, la création de l’Etat d’Israël au cœur du monde arabe est l’expression de la prétention démesurée des Occidentaux. Le fait d’établir et de développer un pays occidental dans cette région revient à vouloir prouver tout le pouvoir et les avantages de l’Ouest. »

Dans cette perspective, Israël est considéré comme un pays laïc, dirigé par des athées qui ne jouissent que d’une très faible compréhension et expriment peu de respect pour la religion en général, dit-il. Frouman cite notamment l’ancien leader spirituel du Hamas, le cheikh Ahmed Yassin. Il aurait confié au rabbin de Tekoa qu’à eux deux, ils auraient pu conclure la paix en cinq minutes. Pour des personnes comme Yassin, les Accords d’Oslo étaient un exemple de « nos deux populations d’infidèles cherchant à conclure un accord destiné à éradiquer la religion ».

L’exemple du Liban : unité entre communautés ?

Ses échanges avec Yassin ou encore l’ancien leader palestinien, Yasser Arafat, tous deux à l’origine de nombre d’attaques meurtrières perpétrées contre des civils israéliens, ont progressivement isolé le rabbin Frouman du reste du mouvement des implantations. « Je suis l’un des fondateurs de Goush Emounim. Pas simplement quelqu’un qui a décidé de venir habiter ici », avance-t-il toutefois. Pour lui, les implantations ne devraient pas être déplacées, quelles que soient les conditions stipulées pour conclure la paix. Au contraire, elles pourraient servir de main tendue aux Arabes, selon lui.

Si c’est une guerre des civilisations qui est véritablement à l’origine des affrontements entre l’Etat juif et le monde musulman, que pourrions-nous dire du Liban – petit pays déchiré par ses propres divisions internes ? Beaucoup de Libanais étaient présents lorsque le patriarche maronite, Nasrallah Sfeir, est allé à la rencontre du leader druze Walid Jumblatt dans la région montagneuse de Chouf, le 8 août 2001. Une visite historique qui marquait la réconciliation entre les communautés chrétienne et druze après la sanglante « Guerre des montagnes », où des milliers de personnes avaient trouvé la mort.

En 2010, beaucoup de Chrétiens ont retrouvé et reconstruit leurs villages. Le Liban a également célébré la proclamation, le 18 février 2010, d’un « Jour de l’Annonciation » (événement fêté le 25 mars et marquant le moment où Gabriel a annoncé à Marie qu’elle deviendrait la mère de Jésus). Ce jour est ainsi devenu une fête nationale commune, musulmane et chrétienne. Mais, les Libanais peuvent très bien oublier avec la même facilité toute forme de coexistence et se retourner les uns contre les autres. Autrement dit, ils sont toujours prêts à faire la guerre – qu’elle soit civile ou dirigée contre un ennemi étranger, en l’occurrence Israël.

« Il est impossible d’ignorer la religion en Terre sainte »

Tawfik vit dans le quartier Chayah de Beyrouth. Prise en tenailles entre les communautés musulmane et chrétienne de la capitale, cette zone est connue pour avoir été le théâtre des premières étincelles à l’origine de la guerre civile. « Le dialogue interreligieux n’a aucun sens lorsqu’il vient d’au-dessus. Le dialogue des élites ne mène nulle part », estime Tawfik. « Le vrai débat devrait avoir lieu entre les gens. Lorsque le peuple ici réalisera que ce qui les unit est beaucoup plus fort que ce qui les sépare, alors nous serons en présence d’un vrai dialogue. C’est très simple : ils partagent les mêmes problèmes de pauvreté et de discrimination du gouvernement. »

Les ressemblances entre les deux crises – l’émoi interne du pays du Cèdre et le conflit israélo-palestinien – ne semblent peut-être pas toujours évidentes. Mais les commentaires de Tawfik sur l’effet négatif du dialogue politique fait sens pour Frouman. Pour lui, l’impératif religieux de conclure la paix est sans cesse bloqué par la classe politique israélienne, frappée, selon Frouman, de « cécité religieuse ». « S’ils étaient réellement sensés, ils enverraient des leaders religieux négocier à leur place », s’exclame-t-il. « Il est simplement impossible d’ignorer la religion en Terre sainte. »

Et les dignitaires spirituels d’Israël sont, effectivement, en quête de paix, assure le rabbin, soulignant les efforts des grands rabbins séfarade et ashkénaze, Shlomo Amar et Yona Metzger, pour promouvoir la formation de « nations unies de la religion. » Il est aujourd’hui impossible d’ignorer l’importance du rôle joué par le dialogue permanent entre le rabbin Frouman et le monde musulman. Deux jours seulement après les incidents du Mavi Marmara, le 31 mai dernier, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a rencontré Frouman. Les deux hommes ont parlé de paix, des relations bilatérales israélo-turques, de la communauté juive en Turquie et du soldat captif Guilad Schalit. Le rabbin espérait que les liens tissés entre Erdogan, l’Iran, la Syrie et le Hamas pourraient favoriser la libération du soldat israélien.

Frouman est également en contact avec l’administration américaine. Il espère observer un changement de la perception et de l’attitude américaines envers l’islam, notamment grâce à l’élection de Barack Obama. Dans l’attente, le rabbin Menahem Frouman poursuivra son chemin dans la lignée de l’un de nos grands principes talmudiques : « Les élèves de Torah accroissent la paix dans le monde. »

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Ygal75

Je connais mal Rav Frouman mais, à y réfléchir, la plupart des acteurs du conflits sont croyants et revendiquent la sainteté de la Terre, n’est-ce pas plus intelligent de composer avec les valeurs réelles en question ici, sans pour autant perdre les notions plus pragmatiques d’un partage de terre ? Pourquoi doit-on « occidentaliser » jusqu’à la stratégie de négociation ? Oui, cette médiocre facette occidentale qui ne donne aucun crédit à la préoccupation de plus des deux tiers de l’Humanité : le sens « spirituel » des choses. Il parait évident que ce qui anime ici les acteurs du conflit est, en partie, leur spiritualité (comprenez religion) donc l’ignorer place de facto les négociateurs hors sujet et dans une impasse. Et en tant que juif, je me pose la question : de quoi parle-t-on lorsque certains rêvent d’un Etat Juif sans religion ? N’est pas un paradoxe absolu ? Oublient-ils que le Peuple Juif est né au bas d’une montagne où TOUS ont juré Pratiquer et Etudier la Torah à travers les générations futures et, aussi et surtout, en Terre d’Israël ?

Berda andr

le pauvre !
il ne sait plus ou il en est !
la religion ne lui a pas fait du bien …
laquelle au fait ?