Quand on veut être une institution représentative d’une communauté quelconque, le processus démocratique est incontournable. Seule une expression populaire faite dans la plus grande clarté des règles, et une information la plus complète, permet l’émergence d’une gouvernance légitime.Ceci étant, les processus électoraux, obligent les candidats à s’exposer, et cette exposition rebute souvent les plus compétents.

Les fonctions qu’ils occupent par ailleurs, leur volonté de rester en dehors des sunlights, et surtout leur refus des débats qui prennent la forme parfois de pugilats, font qu’ils se détournent très vite de la gouvernance visible, pour être des fois plus efficaces dans les sphères d’influence incontournables.

Le Consistoire, jusqu’en 1989 a été gouverné par des hommes de grandes qualités, grands mécènes de la Communauté, efficaces et discrets.

Nous leur devons beaucoup, car ils ont fait la grandeur de notre institution, et son haut niveau de respectabilité.

Les élections au Consistoire avaient quelque chose de convenu, et nul n’imaginait remettre en cause cette gouvernance là, jusqu’au jour où une certaine équipe dirigée par Benny COHEN sous l’appellation ACIP 2000 (début du marketing), a fait irruption dans le paysage communautaire.

En rassemblant autour d’elle une partie du monde sépharade, notamment des banlieues, en proposant une vision plus orthodoxe du judaïsme, jusqu’à critiquer les rabbins consistoriaux, les faisant passer pour des laïcards, et en remettant en cause la cachrout du Beith Din, elle a cru que le mouvement orthodoxe, à l’instar de ce qui se passait en Israël avec le Shass, allait être une vague déferlante et majoritaire.

S’il est vrai que le mouvement Shass, devenu un parti politique puissant en Israël, allant jusqu’a obtenir 18 sièges à la Knesset a vu son influence grandir en Israël et en France, ce n’était pas voir aussi, que plus il s’installait avec ses interdits, plus il engendrait une réaction de rejet.

Ce rejet s’est concrétisé, lors des dernières élections en Israël, où ce parti est allé d’échecs en échecs. Supplanté par Habaït Hayéhoudi, il vient de subir un autre échec à la mairie de Jérusalem. La perte considérable, tant pour le judaïsme, que pour le parti Shass, à travers le décès du Rav Ovadia Yossef za’l, ne risque que d’empirer les choses, à cause des inévitables luttes intestines de succession. Mais plus encore la scission du Rav Sellem émanant du Shass, participe à l’expression de ce rejet et de sa propre dégradation.

Au même moment en France, il s’est produit un mouvement de rejet analogue, qui va en s’amplifiant. On voit apparaître des mouvements de forte contestation contre cette orthodoxie qui se veut être en marge de la communauté. Ne plus manger ensemble, ne plus prier ensemble, ne pas fêter Yom haatsamout ou Yom Hashoah, dénigrer le rôle des soldats de Tsahal, et d’autres choses de même nature qui sont autant de divisions, font que le Consistoire doit choisir qui il veut accueillir. Le plus grand nombre de juifs ou ce qu’il en reste, et faire le choix d’une vision communautaire large, ou se rétrécir sur une minorité qui de toute façon rejette cette institution « napoléonienne ».

Les juifs attachés à l’institution Consistoriale, pouvaient s’y retrouver à l’aise tant qu’ils n’étaient pas montrés du doigt pour leur pratique personnelle du judaïsme. Avec l’arrivée des flots incessants d’interdits de toute nature, ils ont compris que leur place n’étaient plus dans cette institution.

Le combat fut interne et externe, mais il s’est ajouté à cela un autre élément majeur, qui nous renvoie à la « démocratie », à savoir l’élection au sein même du Conseil d’Administration, non de personnes profondément attachées à l’institution, mais de personnes en manque de reconnaissance sociale.

Dès lors le Consistoire devint petit à petit pour certains, même s’ils n’y seraient d’aucune utilité, le lieu où il leur fallait être. Certains, sûrs de leur notoriété, ne font même pas campagne, ils n’ont ainsi aucun engagement à prendre.

D’élection en élection, le public communautaire, qui n’arrive pas à discerner les intentions réelles des uns et des autres, élit ceux dont il entend le plus parler. La loi des décibels médiatiques, a fait ses ravages, et c’est elle qui nous gouverne aujourd’hui.

Aussi, puisque la démocratie fonctionne ainsi, à savoir par la nécessité d’émerger médiatiquement pour avoir des chances d’être élu et éventuellement de faire bouger les choses, il faut alors accepter cette règle, car elle est consubstantielle à la démocratie elle-même.

(On me fait le reproche d’alliances qui paraissent contre nature, mais à un moment ou un autre il faut faire des choix, soit alors le choix de ne rien faire. Je sais quant à moi ce qui m’est acceptable et ce qui ne le sera jamais.)

Mais, nul n’interdit de corriger cela par d’autres dispositifs. Ainsi le « Conseil d’Etat » n’est pas constitué de personnes élues par le peuple, il n’en demeure pas pour autant d’une réelle légitimité.

Aussi pourquoi ne pas faire en sorte, que les talents dont disposait la Communauté y reviennent sous une autre forme. La création d’un Comité d’Ethique et de Vigilance me semble être une des solutions correctrice majeure.

Un Comité de 13 personnes, composé de quatre grands donateurs, de deux anciens présidents du Consistoire qui ne sont plus en exercice, de deux grands rabbins hors-cadre, et de cinq grandes personnalités juives influentes du monde de la culture ou des affaires. Cela permettrait une belle complémentarité de talents et de compétences qui échapperait aux dérives d’une démocratie égarée par des postures, et des promesses sans lendemain.

Ce Comité d’Ethique et de Vigilance aurait pour tâche, de veiller à la bonne gestion des finances de l’institution, à conseiller dans ses choix le Conseil ainsi que dans ses prises de paroles. Il pourrait lui permettre de retrouver son influence auprès des pouvoirs publics, et cela en dehors de tout système partisan.

La démocratie continuerait avec ses qualités et ses défauts, mais un peu plus de raison permettrait d’une part d’éviter de graves écueils et surtout de s’adjoindre des talents indispensables, qui manquent tant à notre institution.

Cela ne dispense nullement de faire les réformes nécessaires, quant au mode de scrutin à l’intérieur de l’institution, à savoir la mise en place de 13 circonscriptions. Je revoie pour cela à mes deux précédents articles que vous trouverez sous ce lien. Article original

Moshé COHEN SABBAN

Retrouvez et réagissez sur le site de Moshé COHEN SABBAN

http://www.moshe-cohen-sabban.com/ Article original

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