Des amis tunisiens me demandent parfois : pourquoi es-tu parti ? Pourquoi as-tu quitté la Tunisie ?

J’étais alors gêné et ne savais pas trop comment répondre mais je comprends aujourd’hui qu’en incitant à partir,  mon intuition  ne m’avait pas trompé.

Il n’était pas possible de se considérer comme un citoyen à part entière lorsque l’article premier de la constitution stipulait que la langue de la république était l’arabe et sa religion l’Islam.

Tout en ayant sincèrement adhéré à la Tunisie nouvelle, je sentais bien que n’étant ni musulman ni arabophone, sauf si l’on considère comme de l’authentique                 arabe le parler des Juifs Tunisiens, ma citoyenneté ne pouvait être qu’un leurre. Qu’un jour, la différence se  ferait sentir d’une façon plus ou moins tragique, que le conflit  du Moyen-Orient me retomberait sur la tête et qu’à la moindre occasion les vieux démons antisémites réapparaîtraient au grand jour.

Les quelques 1.500 Juifs qui demeurent encore dans ce pays, sur les 120 ou 150.000 que nous étions ont aujourd’hui de quoi réfléchir et je salue leur courage d’avoir osé protester auprès des nouvelles autorités “islamistes modérées” contre les manifestations hystériques qui ont accueilli Ismael Hanyeh le chef terroriste de Gaza à l’aéroport de Tunis.

Entendre hurler “dehors les Juifs, tuez les Juifs”, après que le chef de Ennahda ait tenté de rassurer l’opinion internationale en invitant récemment les Juifs tunisiens à revenir vivre dans le pays, après qu’un pèlerinage sur la tombe du très vénéré rebbi Haï Taieb à Tunis se soit  déroulé sans incidents le mois dernier, sous une forte protection policière il est  vrai, alors que le gouvernement peine à faire revenir les touristes et faire redémarrer l’économie, a de quoi refroidir l’enthousiasme qu’avait suscité il y a tout juste un an le printemps de Tunis, lorsque nous avons cru qu’une Tunisie démocratique allait poursuivre avec plus de vigueur sa marche vers la progrès et la modernité.

Aujourd’hui on peut légitimement être inquiet pour ce pays et bien sûr pour la minuscule communauté juive qui y réside encore.

Inquiet, parce que des jeunes déçus par l’évolution de la situation continuent encore à s’immoler par le feu,  inquiet parce que le parti “Ennahda” au pouvoir  se  laisse déjà déborder par un mouvement salafiste encore plus intégriste, encore plus radical, inquiet parce que l’Université est menacée, inquiet pour l’avenir des femmes, inquiet parce que l’antisionisme et l’antisémitisme redeviennent l’exutoire obligé pour masquer les vrais problèmes auxquels le pays est confronté.

Ce n’est pas en criant “tuez les Juifs’, ce n’est pas en recevant avec pompe le chef du Hamas  et en hurlant avec lui des slogans haineux contre Israël et les Juifs, ce n’est pas en criminalisant dans la Constitution tout contact avec “l’entité sioniste” que l’on donnera du travail aux chômeurs, qu’on fera  repartir l’économie, qu’on évitera la fuite des cerveaux ou le heurt entre les démocrates, les laïques et les Universalistes d’une part et les tenants d’un Islam omnipotent et omniprésent  d’autre part.

Tout cela est bien préoccupant.

André Nahum

Radio Judaiques FM

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