Lors de l’élection présidentielle de 1981, François Mitterrand réalise un véritable raz-de-marée parmi les Français vivant en Israël : il y obtient 83,38 % des suffrages. Il faut dire que son adversaire et président sortant, Valéry Giscard d’Estaing, a laissé un piètre souvenir aux défenseurs d’Israël. C’est lors de son septennat qu’a lieu la première rencontre entre un ministre français des affaires étrangères – en l’occurrence Jean Sauvagnargues – et Yasser Arafat. Peu de temps après, l’ouverture d’un bureau de l’OLP à Paris est autorisée. En 1976, la France vote en faveur d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU demandant la création d’un Etat palestinien. En 1980, sous l’impulsion de Paris, est adoptée au Conseil européen de Venise une déclaration commune reconnaissant le droit des Palestiniens à l’autodétermination. La popularité de Valéry Giscard d’Estaing auprès des défenseurs d’Israël est si faible que le Renouveau juif d’Henri Hajdenberg appelle au vote sanction contre le président sortant.

Si les militants pro-israéliens tendent à voter pour François Mitterrand en 1981, ce n’est pas uniquement par rejet de son adversaire principal. Le candidat socialiste suscite l’espoir dans le camp pro-israélien pour deux raisons. D’une part, il appartient à une famille politique qui, sous la IVe République, a entretenu des relations extrêmement proches avec l’Etat hébreu, la France et Israël allant jusqu’à mener une guerre commune contre l’Egypte en 1956. D’autre part, François Mitterrand semble, à titre personnel, proche d’Israël et s’est rendu plusieurs fois dans ce pays. En 1972, il y déclare : « Si nous venons au gouvernement, vous pouvez être sûrs que nous serons des amis fidèles d’Israël. » Dix ans plus tard, il est le premier président français à effectuer une visite officielle en Israël et il prononce un discours remarqué à la Knesset. Les partisans de l’Etat hébreu commencent à déchanter dès 1983 lorsque la France permet aux combattants de l’OLP, encerclés par l’armée israélienne dans Beyrouth, de s’échapper. Si François Mitterrand continue de clamer haut et fort le droit d’Israël d’exister, il œuvre en parallèle pour la reconnaissance du fait national palestinien. En 1989, le bureau parisien de l’OLP est promu au rang de « délégation générale de la Palestine ». La même année, Yasser Arafat est reçu pour la première fois à l’Elysée. Les milliers de militants pro-israéliens réunis devant la synagogue de la rue Copernic accusent François Mitterrand de « trahison ».

Comme François Mitterrand en 1981, Nicolas Sarkozy réalise un score record en Israël en 2007. Au premier tour de l’élection présidentielle, 84,5 % des Français votant dans ce pays optent pour le candidat de la « rupture ». Le candidat de droite veut en effet rompre avec la politique du président sortant, y compris sur le dossier proche-oriental. Jacques Chirac est alors perçu comme un « philosémite pro-arabe », pour reprendre l’expression d’un ancien ambassadeur d’Israël en France. Les images de son altercation avec les forces de l’ordre israéliennes lors d’un voyage à Jérusalem en 1996 restent dans les esprits, tout comme les multiples condamnations par la France des actions militaires israéliennes, que ce soit pendant la deuxième Intifada ou durant la guerre au Liban de l’été 2006. Et personne n’oublie l’hommage rendu à Yasser Arafat après son décès en France en 2004. Contrairement à 1981, aucune association pro-israélienne n’appelle au vote sanction en 2007.

En revanche, certains dirigeants associatifs montrent clairement leur préférence pour Nicolas Sarkozy, le président de l’Union des patrons et professionnels juifs de France (UPJF) allant par exemple jusqu’à diffuser un message vidéo sur Internet expliquant les raisons de son soutien au candidat de l’UMP. Cinq ans après l’élection de Nicolas Sarkozy, les défenseurs d’Israël tirent un bilan mitigé du mandat du président de la République. Ils lui reprochent entre autres d’avoir accueilli Mouammar Kadhafi à l’Elysée en décembre 2007 puis Bachar al-Assad en juillet 2008, à l’occasion de la réunion de lancement de l’Union pour la Méditerranée. Ils n’ont en outre guère apprécié les critiques émises par le président de la République au sujet de certaines actions de l’armée israélienne et de la colonisation. En juin 2008, il a ainsi appelé au « gel des constructions juives, y compris à Jérusalem-est ». Quant à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères de mai 2007 à novembre 2010, il n’a pas hésité à déclarer, quelques jours avant la conférence d’Annapolis de novembre 2007, que « la colonisation est non seulement juridiquement illégale, elle est aussi, politiquement, le principal obstacle à la paix ».

A l’automne 2011, la France a voté pour l’entrée de la Palestine à l’Unesco, un vote déploré par le Crif. Bien sûr, d’autres épisodes de la présidence de Nicolas Sarkozy ont marqué de manière plus positive les défenseurs d’Israël, notamment le voyage officiel de juin 2008 au cours duquel le chef de l’Etat français a insisté sur l' »amitié » unissant la France et Israël, et condamné la politique nucléaire de l’Iran au cours d’un discours à la Knesset. Toutefois, la cote de popularité de Nicolas Sarkozy au sein de la mouvance pro-israélienne a indéniablement décliné. Gil Taïeb, président de l’Association pour le bien-être du soldat israélien (Absi) et candidat indépendant à l’élection législative de 2012, a par exemple explicitement critiqué l’action du chef de l’Etat et demandé au Crif de ne plus l’inviter à son dîner annuel.

En définitive, comme François Mitterrand en son temps, Nicolas Sarkozy était plébiscité par les défenseurs d’Israël avant d’arriver au pouvoir mais son aura dans les cercles pro-israéliens a fini par pâlir. Si parmi les déçus du sarkozysme figurent nombre de pro-israéliens, cela ne signifie pas pour autant que ces derniers ne voteront pas à nouveau pour le président sortant. En cas de deuxième tour Hollande/Sarkozy, le choix des défenseurs d’Israël n’est pas donné d’avance et dépendra notamment de la manière dont le Parti socialiste se positionnera sur la question du conflit israélo-palestinien. Le projet socialiste pour 2012 affirme : « Concernant le conflit israélo-palestinien, avec la gauche, la position de la France sera claire. » Pourtant, ce projet ne contient qu’un paragraphe sur ce sujet et des questions importantes comme celles du statut de Jérusalem ou du retour des réfugiés palestiniens n’y sont pas évoquées. Déclarer que l’on est pour la paix comme l’a fait François Hollande lors d’une récente rencontre avec Mahmoud Abbas ne constitue pas un projet politique mais une simple déclaration de bonnes intentions ou peut-être même un vœu pieux. A quelques mois de l’élection présidentielle, il serait temps que les candidats clarifient véritablement leurs positions.

Marc Hecker
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