Rosh Hashana est appelé Yom Téroua, le jour de la sonnerie. Quelle est cette sonnerie ? quelle est son importance. Parmi plusieurs explications voici d’autres encore.A. Le chofar : un symbole de toute la tradition juive

Le chofar est généralement associé à la fête de Roch Hachana et les origines de cette mitsva résident dans l’interprétation que font les rabbis des versets bibliques. Le Livre du Lévitique (Vayikra en hébreu) dit : « Le septième mois, le premier jour du mois, vous aurez un jour de repos, publié au son des trompettes, et une sainte convocation. » (2) Quant au Livre des Nombres, il nous enseigne : « Vous ne ferez aucune œuvre servile. Ce jour le premier jour du septième mois »>Article original sera publié parmi vous au son des trompettes. » (3) Bien qu’aucun de ces deux versets ne fasse spécifiquement référence au chofar, les rabbis de la Mishna et du Talmud décident en fin de compte que Roch Hachana doit intégrer les sonneries de la corne de bélier. Lors d’un office traditionnel pendant la fête de Roch Hachana, la Mishna enseigne d’écouter les sonneries du chofar pour chacune des trois sections de l’Amida de Moussaf (Malkhouyot, Zikhronot et Chofarot) (4). Quant au Talmud, il prescrit certains types de sonneries pour le chofar que nous sonnons lors du Seder Tekiat Chofar, qui a habituellement lieu avant le retour de la Tora vers l’Arche (5). En règle générale, la pratique préconise finalement d’écouter 100 (ou 101) sonneries de chofar à l’occasion de Roch Hachana, bien que les rabbis ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les origines de ce nombre.

Cependant, notre tradition ne limite pas la signification du chofar à Roch Hachana mais considère cet instrument comme un symbole de la relation spéciale qu’entretient Dieu avec le peuple juif. De plus, il nous remet en mémoire les événements clés qui ont jalonné l’histoire de notre peuple. Saadya Gaon répertorie 10 raisons expliquant pourquoi une corne de bélier a été choisie pour retentir à l’occasion de Roch Hachana et des autres événements importants :

– 1 Domination de Dieu sur la création
– 2 Annonce de la saison du repentir
– 3 Souvenir du contrat d’alliance entre Dieu et les Juifs au Sinaï
– 4 Rappel des paroles d’avertissement des prophètes
– 5 Rappel de la destruction du temple
– 6 Symbole du sacrifice d’Isaac par Abraham
– 7 Appel à craindre Dieu
– 8 Allusion au Jour du Jugement dernier où une corne de bélier retentira
– 9 Rappel du rassemblement des exilés pendant l’époque messianique
– 10 Référence à la résurrection des morts. (6)

Dans ce passage, Saadya Gaon interprète l’utilisation du chofar non seulement comme un moyen de faire référence au repentir mais aussi comme un élément emblématique des principes fondamentaux de la foi juive et représentatif des moments critiques de la relation « contractuelle » entre Dieu et le peuple juif et, enfin, comme un rappel de notre responsabilité à nous engager dans le repentir, le pardon et la réflexion.

B. Le chofar : un symbole du peuple élu

Pour certains, l’importance du chofar à l’occasion de Roch Hachana est liée à divers événements de l’histoire juive, qu’ils soient bons ou mauvais. Pour d’autres, le chofar représente la relation privilégiée qui unit Dieu et le peuple juif. Le midrach ci-dessous est extrait du Tana’h intitulé « Tannah Debe Eliyahou Zutta »:

« Rabbi Joshua ben Korha a dit : La corne de bélier a été créée pour le bien particulier d’Israël… C’est au son de la corne de bélier que la Tora a été remise à Israël … C’est encore au son de la corne de bélier que le mur de Jéricho s’est effondré… Et c’est la corne de bélier que le Saint, béni soit Dieu, est destiné à sonner lorsque le Messie »>Article original fils de David, le serviteur juste, se révélera à nos yeux…Et c’est la corne de bélier que le Saint, béni soit Dieu, est destiné à sonner lorsqu’Il mènera les exilés d’Israël vers leur terre… » (7)

Dans ce midrach, le chofar est utilisé dans des moments où Dieu prend part à une protection spéciale du peuple d’Israël, pas seulement au cours des temps bibliques, mais aussi à toutes les générations, ainsi qu’à la venue du Messie et au rassemblement des exilés.

Il y a quelques décennies, pendant la guerre des six jours qui eut lieu en 1967, les forces de défense israéliennes ont pénétré dans les murs de la vieille ville de Jérusalem. Rabbi Shlomo Goren, alors Rabbin principal des Forces de défense israéliennes, s’est approché du Kotel et a sonné le chofar afin de signifier le retour du peuple juif aux vestiges de son ancien temple.

Cet événement est mentionné dans la célèbre chanson de Naomi Shemer intitulée « Jérusalem d’Or ». Suite à la guerre des six jours, elle y a ajouté un couplet qui commence par cette phrase : « On sonne le chofar à Har Ha-Bayit, l’ancienne ville de Jérusalem »>Article original). » (8) Tant dans le passé que dans le présent, le chofar est utilisé pour faire référence aux périodes pendant lesquelles les Juifs ont rayonné, exprimant ainsi leur solidarité et leur espoir à la terre entière.

C. Le chofar : un appel à l’action pour tous les peuples

Aujourd’hui, à l’heure où le peuple juif continue de chercher de nouvelles significations à ses rituels les plus connus, le chofar revêt un nouveau sens, celui d’un appel à la justice et à la liberté, ce que bon nombre voit inscrit dans la tradition prophétique du Judaïsme. La sonnerie du chofar a retenti, entre autres, lors de rassemblements du peuple juif en faveur de la liberté des Juifs soviétiques ou de l’arrêt immédiat du génocide dans la région du Darfour au Soudan. Cet appel lancé par le biais du chofar a une signification bien précise : il représente notre désir d’éveiller notre cœur, comme le suggère Maïmonide, afin de le tirer d’un état d’apathie et de le porter vers l’action.

Rabbi Marshall Meyer, l’un des plus fervents défenseurs de la justice sociale au sein du judaïsme américain, a écrit cette phrase sur la signification que revêt le chofar pour nous aujourd’hui :

« Puissent les pleurs de la corne de bélier réveiller chez nous la volonté de sacrifice et de travail en faveur de la naissance d’un nouveau monde dans lequel les hommes et les femmes de toutes croyances, toutes couleurs et toutes races vivent en justice et en harmonie… Prenons conscience de nos capacités en tant qu’êtres créés à l’image de Dieu, dotés du pouvoir de créer, d’aimer et de construire. » (9)

Le chofar représente un ensemble puissant de sons capable de nous « réveiller » à la nécessité de vivre selon les aspirations et les espoirs les plus profonds de la tradition juive. Il s’agit d’un appel à la justice qui nous lie aux générations précédentes et nous associe à une vision pour tous de l’humanité.

À l’occasion de Roch Hachana, et pendant toute la saison du repentir, écoutons le son du chofar, symbole d’une grande complexité et d’une profondeur spirituelle extrême, qui rappelle au peuple juif son passé, son présent et son avenir et l’exhorte à vivre dans le respect de la promesse de Dieu. Nous entendons les mêmes sons que ceux qui ont retenti au Sinaï et à Jéricho, dans l’ancien temple et dans la ville moderne de Jérusalem. Quels que soient le lieu et l’époque, chaque sonnerie du chofar représente tout ce que la tradition juive était, est et pourrait être. Cette année, et toutes les années à venir, le défi que nous nous devons de relever ne consiste pas seulement à entendre le son du chofar mais aussi à l’écouter.

Ecrit par : Rabbin Joshua Rabin. © Copyright JDC Europe. Tous droits réservés Article original

– (1) Maïmonide, Mishné Tora, Lois du Repentir 3:4.
– (2) Lévitique 23:24.
– (3) Nombres 29:1.
– (4) Mishna Roch Hachana 4:5.
– (5) Talmud babylonien, traité Roch Hachana 33b.
– (6) Saadya Gaon, Seder Abudraham, 100. Se reporter à Reuven Hammer, Entering the High Holy Days: A Complete Guide to the History, Prayers, and Themes (Philadelphia: The Jewish Publication Society, 2005), 71, note de bas de page 30.
(traduction française libre)
– (7) Tannah debe Eliyahu Zutta 22. Se reporter à S.Y. Agnon, Days of Awe: A Treasury of Jewish Wisdom for Reflection, Repentance, and Renewal on the High Holy Days, (New York: Schocken Books, 1995), 64.
– (8) Naomi Shemer, « Jerusalem of Gold » (1967).
(traduction française libre)
– (9) Marshall T. Meyer, “Shofar: Awaken Our Slumbering Hearts,” extrait de Rosh HaShanah: Inspiration, Information, Contemplation, éd. Dov Peretz Elkins (Woodstock: Jewish Lights Publishing, 2006), 174-175.

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