Avec le retour aux pourparlers de paix et les Frères Musulmans en pleine débâcle, le moment est venu de pousser les Islamistes de Gaza à la faillite.

Après six séjours successifs au Moyen-Orient et une infatigable navette diplomatique, le Secrétaire d’Etat John Kerry a fini par convaincre, plus ou moins, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et Israël, la semaine dernière, de s’accorder sur  » une base minimale Article original » nécessaire pour reprendre des négociations de paix. Kerry a encore une longue route devant lui, s’il veut combler le fossé subsistant entre les deux camps. Il est possible qu’il ne le sache pas encore, mais il dispose, depuis peu, d’une botte secrète. Il peut contribuer à paralyser le Hamas pour de bon. L’OLP et Israël ne sont pas à la veille de se mettre d‘accord, mais leur haine du Hamas est mutuellement partagée. Et les Etats-Unis peuvent se servir de ce levier, en s’attaquant à cette faction islamiste violente, alors qu’il se situe sur le point le plus vulnérable de sa trajectoire de toute son histoire.

On a très largement décrit la chute Article original du gouvernement des Frères Musulmans en Egypte, au début de ce mois, comme un revers majeur pour le Hamas et son gouvernement du fait accompli, dans la Bande de Gaza. Mais les vrais dégâts se situent au niveau du portefeuille du groupe islamiste. Les opérations incessantes de l’Armée Egyptienne contre les tunnels souterrains reliant l’Egypte à la Bande de Gaza, qui ont longtemps servi d’artères indispensables pour drainer des fonds clandestins en espèce, font des ravages dans les revenus financiers du Hamas. Un responsable important de la sécurité israélienne m’a confié que, dans l’environnement ambiant, une réduction supplémentaire de 20 à 30 pourcent dans les revenus du Hamas pourrait, bel et bien, « détruire » ce mouvement.

Le Budget du Hamas, lui permettant de faire la loi dans la Bande de Gaza, qu’il a conquis violemment, en 2007 , est estimé Article original à 890 millions $ cette année (le Hamas ne soumet, évidemment, à aucune audit externe, aussi doit-on considérer cette estimation comme approximative). Jusqu’à l’an dernier, cette faction dépendait lourdement de l’Iran et de la Syrie, pour une partie essentielle de ses liquidités, mais la guerre civile en Syrie a accéléré la perte des liens du Hamas avec « l’Axe de la Résistance » (Muqawama). Les financements de Téhéran se sont réduits précipitamment, depuis lors, contraignant cette faction à se tourner vers le Bloc des Frères Musulmans pour joindre les deux bouts.

Le Qatar a promis Article original 400 millions de $ au groupe terroriste, l’an dernier, lorsque l’Emir s’est rendu en visite à Gaza. On pense que la Turquie fournira un soutien supplémentaire – au moins 300 millions de $, selon certaines estimations Article original. Cependant, il n’est pas évident de comprendre quelle somme, parmi ces financements, est réservé aux bureaucrates du gouvernement Hamas, et combien est destiné à la construction de mosquées, d’hôpitaux et d’autres infrastructures de la Bande de Gaza, qui ont été salement endommagées, au fur et à mesure des escarmouches avec Israël, au fil des ans. Il n’est, également, pas clair d’établir la somme qui est détournée au profit de la branche armée du Hamas, les Brigades Izz al-Din al-Qassam.

En plus de ces fonds, la coquette somme d’1.4 milliards de $ par an affluerait, selon divers rapports Article original, de la part de l’Autorité Palestinienne (AP) vers Gaza. Le Hamas et le Fatah ont mené un guerre civile sanglante, en 2007, mais cela n’a pas empêché l’AP de destiner ces financements à l’attention du Peuple de Gaza, qu’elle prétend encore gouverner, par procuration. L’AP a soigneusement évité de fournir des fonds directement au Hamas, par crainte de s’attirer les foudres du Congrès. Ces financements sont censés prioritairement payer les salaires des « fonctionnaires civils » qui ont perdu leur emploi après la prise de pouvoir du Hamas à Gaza. Essentiellement, l’AP paie ces anciens bureaucrates afin qu’ils ne soient pas tentés de travailler pour le Hamas. L’AP envoie aussi directement des subventions Article original pour soutenir la production d’électricité à Gaza et garantit, ni vu ni connu Article original, d’autres services municipaux. Quoi qu’il en soit, on peut soutenir l’hypothèse peu risquée que le Hamas, qui dirige la Bande de Gaza d’une poigne de fer, se met, d’une façon ou ‘une autre, dans la poche une partie substantielle des financements distribués par l’AP.

Le Hamas a aussi augmenté ses revenus, au cours de la dernière décennie, en taxant les produits qui proviennent de la contrebande par les tunnels reliant la Bande de Gaza à l’Egypte. Les Tunnels ont, d’abord, été creusés comme un moyen d’acheminer des armes dans l’enclave côtière, mais, à la suite de la conquête de Gaza par le Hamas, forçant Israël à imposer un blocus, les tunnels sont devenus les artères essentielles pour l’arrive d’un vaste afflux de biens nécessaires à faire tourner l’économie. Le Hamas, en tant que dirigeant de facto à Gaza, est parvenu à prélever, au moins, 365 millions de $ par an Article original, du commerce par les tunnels.

Mais, rien de tout ceci n’importe tant que cela, dès lors que la junte égyptienne s’engage dans un effort incessant pour aboutir à la fermeture des tunnels Article original. Plus particulièrement, cette répression a rendu excessivement difficile l’apport d’espèces en contrebande – qui est le nerf de la guerre pour l’indépendance financière du Hamas.

Ce revers de fortune du Hamas est remarquable. Durant l’année de Présidence Morsi, l’Egypte a été une base d’opérations essentielle pour le Hamas. De hauts personnages du Hamas, comme Moussa Abu Marzouk Article original disposait de ses quartiers au Caire, et le Hamas a même pu organiser un tour d’élections internes Article original en plein cœur de la Capitale égyptienne. En outre, on pense, assez largement, que des éléments appartenant au réseau financier des Frères Musulmans ont soutenu financièrement le Hamas, même si l’économie de l’Egypte se fissurait de partout.

Ces activités se faisaient malgré la désapprobation de l’armée d’Egypte – et pour de bonnes raisons. L’an dernier, des combattants-terroristes basés à Gaza ont attaqué un avant-poste militaire égyptien Article original près de la frontière avec la Bande de Gaza, tuant 16 commandos. Des préoccupations, de plus en plus alarmantes, que des membres du Hamas puissent se faufiler jusqu’en Egypte, dotés d’armes particulièrement dangereuses, ont conduit à une répression accrue des activités passant par les tunnels.

Depuis l’éviction de Morsi, les militaires se sont déchaînés : l’armée a arrêté 29 financiers des Frères Musulmans Article original, y compris un contributeur très significatif à la bonne santé des coffres du Hamas, à en croire le témoignage d’un responsable de haut-rang de la sécurité israélienne. Elle aussi déployé 30 000 hommes de troupes Article original dans le Sinaï et, d’après ce qu’on entend, détruit Article original approximativement 800 des 1000 tunnels reliant l’Egypte à Gaza. Ala al Rafati, le Ministre de l’Economie du Hamas a, récemment avoué Article original à Reuters, que ces opération ont, déjà, coûté 230 millions de $ au Hamas – soit environ un dixième du PIB de Gaza.

Tout ceci représente une rare opportunité, pour le Secrétaire d’Etat américain John Kerry, de tenter d’accélérer la mort financière du groupe terroriste. Et c’est dans son intérêt qu’il le fasse. Ce mouvement, après tout, a perpétré des attentats-suicide contre des cibles civiles israéliennes, depuis les années 1990, pour torpiller le processus de paix. Et on peut parier sans trop se tromper que, s’il en a les moyens, le Hamas lancera un nouveau cycle de violence, aujourd’hui que les pourparlers reviennent par la coulisse.

Qu’est-ce que Washington peut faire, exactement?

Pour commencer, le Congrès et l’Administration devraient arrêter de se tordre les mains en se disant que le renversement de Morsi était un coup d’Etat, et, au lieu de verser ses larmes de crocodile, encourager ouvertement la poursuite des opérations contre les tunnels ( tout en tenant l’armée pour comptable de la façon dont elle pilote une transition compliquée). Le Congrès, qui verse les yeux fermés quelques 500 millions de $ par an aux Palestiniens, pourrait aussi travailler plus sérieusement avec l’Autorité Palestinienne, réduire l’échelle des financements qui affluent vers Gaza.

A partir de là, les Etats-Unis pourraient tenter de faire usage de toute sorte de leviers dont ils disposent pour convaincre aussi bien la Turquie que le Qatar de réduire leurs financements en direction du Hamas. Il faut bien l’admettre, Washington n’a pas autant d’influence que cela, sur Ankara et Doha, ces derniers temps – et peut-être en ont-ils bien plus sur nous –mais le Congrès pourrait tirer les ficelles pour accélérer ou, au contraire suspendre la livraison des systèmes d’armes avancées que ces deux pays attendent avec impatience, en faisant dépendre la décision de la façon dont tourne la négociation. La Turquie, par exemple, attend des missiles Sidewinder Article original et des hélicoptères Chinook Article original, et elle aimerait bien acheter des drones Predator et Reaper Article original. Le Qatar, pour sa part, attend la livraison de systèmes de contre-mesures infra-rouges pour ses avions de haut tonnage ( LAIRCM Article original), et 500 missiles guidés Javelin Article original-.

Le Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui est un fervent promoteur du Hamas sur la scène international, ne se laissera, probablement, pas influencer si facilement. Erdogan insiste sur le fait que le Hamas doit faire partie de l’équation politique, dans les négociations de paix avec Israël (alors que le Hamas lui-même s’y oppose). Le Qatar, cependant, offre des possibilités insoupçonnées. L’ancien Emir, le Cheikh Hamad bin Jassim bin Jabor al-Thani, a récemment abdiqué en abandonnant son trône à son fils, Tamim. Le nouvel Emir en est encore à apprendre sa façon de se comporter sur la scène internationale, et il est possible, selon ce que suggèrent certains analystes Article original, qu’on puisse le persuader d’adopter de nouvelles politiques susceptibles de promouvoir la modération au Moyen-Orient.

Alors que les calculs mathématiques restent aléatoires, une chose est, pourtant, claire comme le cristal – les operations de l’armée égyptienne contre les tunnels sont en train d’étrangler lentement le Hamas. Si un ou plusieurs des autres financeurs du mouvement islamiste réduit son aide, ne serait-ce qu’un peu, la crise financière dans laquelle il se trouve ne pourra que s’amplifier. Un gouvernement des Frères Musulmans vient juste de s’effondrer, de façon inespérée, au Caire – si le Hamas ne surveille pas mieux ses arrières, cela pourrait très bien survenir à Gaza, une fois encore.

Pour John Kerry et son initiative de paix fragile, c’est là une fenêtre d’opportunité qu’il ne devrait pas ignorer.

Par JONATHAN SCHANZER | 22 Juillet 2013

foreignpolicy.com Article original

Adaptation : Marc Brzustowski.

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