“La fuite des cerveaux” qu’on déplore tant a, en réalité, resserré plus étroitement les liens, entre Israël, la Silicon Valley, l’Inde et même Taïwan.

(Illustration Tablet Magazine; original image Shutterstock)

La semaine dernière, j’ai encore reçu un nouvel e-mail du Programme National pour le Retour des Cerveaux Article original, l’initiative gouvernementale qui se consacre à renverser la tendance de ce qu’on appelle, en hébreu, brichat hamochot, littéralement, « la fuite des cerveaux ». Autant la préoccupation au sujet du départ vers d’autres pays de citoyens ayant reçu un enseignement supérieur et dotés de hautes compétences, que les initiatives pour les encourager à revenir, ne sont pas des phénomènes exclusifs à Israël.

Le nouveau vent de panique Article original, s’agissant du Bricha semble avoir atteint de nouveaux sommets Article original, en partie, déclenchés par le récent rapport du Centre Taub Article original pour l’Etude des Politiques Sociales, montrant que le taux d’émigration des universitaires israéliens est parmi les plus élevés des pays occidentaux et que les Israéliens sont surreprésentés au sein des institutions universitaires à l’étranger.

Les courbes sont édifiantes Article original : le nombre de physiciens israéliens travaillant dans les 40 plus importantes facultés américaines correspond à dix pour cent de la totalité de la corporation des physiciens présents dans les unités de recherche israéliennes, et les chimistes du haut du panier israélien en Amérique représentent le huitième de la totalité de la discipline en Israël.

En philosophie, ce pourcentage est presque du simple au double. Mais les statistiques les plus alarmantes se situent en économie et dans les sciences appliquées à l’informatique, où le nombre d’Israéliens enseignant aux Etats-Unis correspond carrément à un tiers de ceux qui restent au sein des universités israéliennes, dans chaque discipline.

« Certains des départements dominants aux Etats-Unis ne comportent pas moins de 5 à 6 Israéliens chacun », décrit ce rapport. Ces configurations paraissent être bien plus élevées que celles de n’importe quelle migration parallèle de chercheurs des pays de l’OCDE vers les Etats-Unis, ce qui a conduit le Ministre des Finances Yaïr Lapid à dénoncer publiquement Article original ceux « qui se préparent à quitter la seule patrie que les Juifs possèdent, au seul prétexte que la vie est plus confortable à Berlin ».

Mais, les pays comme Israël – des nations qui investissent énormément dans l’enseignement, pour voir des diplômés s’en aller à l’étranger – doivent-ils vraiment s’inquiéter ? Pas tant que cela, d’après ce qui ressort. Dans un rapport que j’ai récemment co-écrit Article original, à l’intention de l’Organisation pour le Développement Industriel des Nations Unies, on doit souligner une observation essentielle : pour que ces nations prospèrent, elles doivent encourager et faciliter leurs capacités de mise en réseau Article original de connaissances à l’international. Les géographes économistes appellent ce concept : la « circulation des cerveaux » – le contrepoint de la fuite des cerveaux tant redoutée. La capacité d’un pays à se connecter et à mutualiser, apparaît-il, influence directement son développement économique de multiples façons. Un exemple clair de ce phénomène se manifeste par le fait que l’émigration de gens ayant de hautes aptitudes est significativement et positivement corrélé à l’investissement Article original étranger vers le pays de départ.

Sur une échelle globale, l’accroissement du capital humain est devenu un facteur déterminant pour comprendre les défis du développement. Un mystère persistant du développement économique, c’est : pourquoi des pays de niveau similaire divergent-ils de façon aussi significative par leurs taux de croissance – mais les économistes comprennent maintenant que, bien au-delà du simple accès brut au capital et au travail, la disponibilité de savoir local et de capital humain sont cruciaux pour le succès d’une nation, et que les régions qui encouragent, à la fois, la circulation ouverte des talents et se battent férocement pour conserver leurs talents, gagnent sur les deux tableaux Article original.

Dans les configurations du flux des cerveaux réalisées par le gouvernement israélien, il y a certains combats de chiffres en jeu. Le bureau national des statistiques compte comme migrant tout israélien vivant à l’étranger depuis plus d’un an. Mais il y a tant de ceux vivant à l’étranger qui n’y restent que quelques années et, lorsqu’on y regarde de plus près Article original, par an, le nombre d’Israéliens revenant au pays est à peine plus bas que le nombre de ceux qui partent à l’étranger. Quoi qu’il en soit, en 2012, Israël se tient au 30ème rang de la liste (OCDE /SIPA), une chute, par rapport à son 23ème rang un an plus tôt, qui découle plus d’une augmentation de ses échanges avec d’autres pays que d’un changement dans les relations en Israël même – un signe que les décideurs politiques autour du globe font un effort délibéré pour augmenter les réseaux de connaissance et les liens à travers des efforts de recherche collaborative et d’échanges d’information.
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Beaucoup d’entrepreneurs, plus que d’universitaires, font retour fréquemment. Ils passent quelques années à l’étranger, reviennent, et ainsi de suite. Ce qui est le plus remarquable, à travers ces circulations des cerveaux, aussi bien universitaires que dans les industries high-tech, ce sont les voyages allers-retours entre les Etats-Unis, le Japon, la Chine, Israël et l’Inde. C’est cette distribution inter-régionale qui a conduit au modèle de l’investissement de capital à haut-risque, durant la première phase de démarrage des start-ups, en Israël, au début des années 1980. Les fondateurs de « Check-point », la première société de réseaux de sécurité, a adopté ce modèle de circulation, et, plus récemment, c’est ce qu’ont fait les fondateurs de Waze Article original — l’application aux trafics acquise par Google, cette année, lors du contrat le plus important jamais enregistré par une société israélienne de technologies.

Effectivement, Waze est un bon exemple de l’importance du capital humain transnational. Nous savons que, dans les régions à réseaux professionnels denses et à riche capital humain, comme dans la Silicon Valley californienne ou la Silicon Wadi réputée d’Israël, chaque inventeur devient plus inventif, s’il favorise le développement exponentiel et rapide des industries technologiques et de biotechnologie – et c’est tout particulièrement, le processus de fécondation des idées des personnes créatives qui produit ce phénomène. Même à l’heure de Skype et de Dropbox, un grand mouvement de transfert des connaissances se poursuit pour relayer la communication humaine directe.

Beaucoup des innovations les plus importantes et des percées scientifiques restent, la plupart du temps, difficiles à transmettre en se contentant d’assister à une conférence – ou simplement en lisant un document d’application concrète ou un journal scientifique. Le savoir important demeure tacite plutôt que codifié.

Waze opérait au sein d’un bureau de la Silicon Valley, qui comprenait le cofondateur de la société et son président Uri Levine, longtemps avant que ne se présente l’offre de Google. Ce n’est peut-être pas un hasard, quoique distinct du contrat effectif de Waze, mais le fond d’investissement privé d’Eric Schmidt, le président de Google, Innovation Endeavors, est dirigé par Dror Berman, un Israélien qui est venu à Standford, après son service militaire dans Tsahal . Plutôt que d’observer ces flux de talents comme une perte sèche pour Israël, s’appuyer sur une perspective de circulation des cerveaux pointe souvent dans la direction d’un bénéfice global. L’analyse réelle de « la fuite des cerveaux » devrait en compte, non seulement les coûts (ou pertes) des citoyens compétents partant à l’étranger, mais aussi les bénéfices Article original apportés par les réseaux en Diaspora.

Alors que les bénéfices des circulations favorisent la croissance des pays de résidence, ils augmentent aussi – peut-être de façon bien plus cruciale – les capacités des personnes en transit. Une étude récente Article original de l’OCDE suggère que la productivité et l’impact des chercheurs qui circulent entre les pays sont significativement plus importants que celles de ceux qui restent sur place durant leur carrière. Et, au-delà de leur enrichissement personnel, les universitaires israéliens enseignant dans les instituts de recherche américains contribuent à créer des programmes conjoints, comme le cadre récent que le Centre Américano-israélien a instauré Article original l’an dernier à l’Université de Californie de San Diego, qui est conçu pour soutenir des collaborations entre Israéliens et Américains, autant sur le plan universitaire que sur celui des affaires, y compris dans le domaine de l’entreprenariat social.

Les Israéliens ne sont pas les seuls à jouer leur partition dans ce domaine. Les communautés d’ingénieurs taïwanais et indiens de la Silicon Valley démontrent aussi comment cette connectivité fonctionne sur le terrain. Ces ingénieurs migrants ont construit un pont dans les deux sens, entre les communautés technologiques de Taïwan, d’Inde et de Californie. Ils servent d’intermédiaires essentiels et ont un rôle majeur d’avant-garde pour leurs homologues nés en Amérique, du fait de leurs contacts, relations, connaissances culturelles et facilités linguistiques. Le résultat débouche sur un réseau global entre le pays de départ et d’accueil qui renforce les opportunités pour les deux pays. Les immigrés ont deux fois plus de chances de devenir entrepreneurs, et, ainsi, l’entreprenariat transnational augmente. Les entrepreneurs en circulation, disposant de relations duales, cherchent des opportunités de fusion et acquisition, une fois de retour dans leur pays et ils facilitent les entreprises en participation au-delà des frontières. Si, par le passé, les sociétés de la Silicon Valley recherchaient des occasions de production à pas cher et d’un faible niveau d’application en Inde, à Taïwan et en Israël, le co- développement et l’investissement sont devenus la nouvelle réalité contemporaine. Dans l’université, la circulation des cerveaux génère un enrichissement identique.

Et les ponts se construisent dans toutes les directions. Au cours de la dernière décennie, on a assisté à une augmentation des partenariats entre les pays à haute circulation dans les échanges. Taïwan dispose d’un capital industriel intérieur de 1, 3 milliard de $ en investissements annuels – mais les investisseurs taïwanais ont mis leur argent dans les starts-up israéliennes. Pendant le même temps, Israël et l’Inde explorent les conditions d’un accord de libre-échange Article original, qui devrait stimuler les échanges bilatéraux déjà solides de 5 milliards de $ entre les deux nations, en facilitant une plus grande liberté de mouvements des ingénieurs, scientifiques et étudiants entre les deux pays.

Aussi, plutôt que d’encourager les attitudes consistant à se lamenter sur la fuite des cerveaux, Israël serait bien avisé de se concentrer sur les moyens de nourrir cette mutualisation, d’encourager les allers-retours et de s’engager dans la guerre des talents –autant pour en ramener sur son territoire, que pour devenir une destination pour les plus brillants en provenance des autres nations. Au cours des dernières années, les tribunaux du travail israéliens ont fait des démarches en vue d’adopter des changements juridiques, modelés sur les lois californiennes, qui évacuent les accords restrictifs non-compétitifs. Les résultats ont été stupéfiants. Avec le temps, la Californie a fait l’expérience d’un recueil de cerveaux, attiré les meilleurs talents des autres Etats et a gagné doublement : d’abord, en créant un environnement entreprenarial plus ouvert et et plus accompagnant que ses homologues comme Boston et Ann Arbor, et ensuite en soutenant la vivacité deces réseaux vibrants.

Une étude sur l’explosion du marché du travail dans les hautes technologies, décrivant l’émergence d’une “guerre globale dans la conquête des cerveaux » offre potentiellement des enseignements éclairants. L’étude conclut qu’en retenant leurs employés, les meilleurs dirigeants d’entreprises ont réalisé que les employés tiennent beaucoup à des bénéfices intangibles, comme la fierté, la satisfaction, un traitement équitable et l’accompagnement professionnel. Des personnalités ambitieuses ayant de grandes aspirations de carrière sont prêts à renoncer à certaines compensations financières pour se trouver là où leurs talents et leurs contributions sont appréciées. Les centres, nouvellement établis, de Recherche d’Excellence –connus comme I-COREs – que le gouvernement israélien est en train d’instaurer dans ses universités publiques, sont exemplaires des styles de bonnes pratiques, en matière d’effort visant à renforcer des engagements à long terme, favorables à la vision et à la stature universitaire d’Israël. Les politiques relatives au capital humain national de doivent pas seulement viser un « renversement de tendance dans la fuite des cerveaux », mais plutôt concentrer le nouvel investissement dans le capital humain, la fidélisation et la formation à la vie des réseaux.

Par Orly Lobel| 2 Décembre 2013 12:00 AM|

tabletmag.com Article original

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david c

Très interessant et très juste !