Le vote de la Diète polonaise, vendredi 12 juillet, interdisant l’abattage rituel en Pologne a provoqué une vive onde de choc au sein des communautés juives d’Europe ainsi qu’en Israël où on l’a qualifié de « décevant et d’inacceptable ». Les réactions ont été tellement fermes que le Premier ministre polonais Donald Tusk, qui avait d’abord qualifié cette loi « d’irréversible », a brusquement nuancé ses propos, décidant de former une commission spéciale, dont un membre sera rabbin et qui devra déterminer s’il est possible de continuer à pratiquer l’abattage rituel en Pologne et sous quelles conditions.Mais malgré cette annonce, le président de la Convention des rabbins européens, Pinhas Goldschmidt, a eu des mots très durs, le jour même, pour la décision de la Diète : « C’est très bien d’ériger des musées relatant l’histoire des Juifs de Pologne et des festivals sur la culture juive polonaise, mais pourquoi alors rendre plus difficile encore la vie des quelques derniers Juifs qui vivent encore dans ce qui est le plus grand cimetière juif d’Europe » a lancé le grand rabbin Goldschmidt, à Bruxelles. Ce faisant, Pinhas Goldschmidt s’est fait l’écho de la double colère des communautés juives européennes : d’abord parce que la Pologne qui a vu sa communauté juive (3.500.000 âmes avant la Shoah) disparaitre à 90% dans les crématoires d’Auschwitz durant la Shoah, n’aurait jamais dû s’en prendre ainsi aux quelques 10.000 Juifs descendants des rescapés qui y vivent encore. Pour certains dirigeants juifs, cela tient du blasphème. Selon d’autres, c’est là l’expression d’un antisémitisme resté toujours vivace dans ce pays devenu presque« judenrein » (purifié de Juifs).

Mais la colère du grand rabbin Goldschmidt masque, surtout, une très vive inquiétude exprimée déjà au cours des dernières années par d’autres dirigeants juifs européens. Celle de voir l’abattage rituel progressivement interdit sur le Vieux Continent. Pour comprendre les tenants et les aboutissements de ce dossier complexe, plusieurs précisions s’imposent : selon les autorités rabbiniques orthodoxes, l’abattage rituel juif, la ché’hita, a été conçue pour que la bête souffre le moins possible. L’abatteur rituel, le cho’het, doit sectionner rapidement à l’aide d’un couteau à la lame très tranchante, l’œsophage et la trachée de l’animal afin de réduire au maximum les instants de souffrance de la bête. Toutefois, selon la tradition juive, la bête doit impérativement être consciente au moment de l’abattage, ce qui interdit, pour les rabbins, la pratique en vigueur actuellement dans les abattoirs européens, de l’étourdissement préalable de la bête.

Par contre, toujours selon ces rabbins, au moment de l’incision de la trachée, la bête perd immédiatement conscience et ne ressent plus rien, rendant cette pratique moins cruelle que celle de l’étourdissement. Mais ce n’est pas là l’avis d’experts européens qui prétendent que l’abattage rituel juif est cruel et représente une violation des droits des animaux. Au fil des ans, ces avis ont conduit certains pays comme la Norvège, la Suède et la Suisse à interdire cet abattage sur leur sol, obligeant leurs communautés juives à se fournir en viande casher à l’étranger. Aujourd’hui, la loi européenne impose l’étourdissement préalable de la bête avant l’abattage, mais prévoit des exceptions « au nom de la pratique religieuse » pour les abattages rituels juif et musulman, ce qui permet la production réglementée de viande casher ou halal mais laisse également à tout pays européen le choix d’adopter une législation plus rigoureuse.

Et justement : au cours des dernières années, les dirigeants juifs européens ont vu des brèches se former dans différents pays autour de l’abattage rituel. A l’initiative d’élus, plusieurs projets visant à interdire la ché’hita ont été déposés, comme par exemple, en Hollande. Et il y a quelques jours à peine, une commission du Sénat français présidée par la sénatrice UDI Sylvie Goy-Chavent a débattu du dossier de l’abattage rituel sans étourdissement préalable, obligeant le président des Consistoires Joël Mergui et le grand rabbin (et vétérinaire) Bruno Fiszon à venir plaider en faveur de la ché’hita, sans obtenir gain de cause. Or ces dirigeants communautaires craignent que ce genre d’initiatives fasse boule de neige et parvienne à mobiliser une coalition d’élus contre l’abattage rituel. Si les autorités polonaises devaient persister dans leur décision d’interdire l’abattage rituel, ce serait là un dangereux précédent sur la voie d’une remise en cause de l’abattage rituel en Europe et pourrait poser, de manière aigüe, la question d’un maintien d’importantes communautés juives sur le Vieux Continent. En effet, l’alimentation casher, est l’un des fondamentaux de la vie juive. Or l’absence d’abattage rituel affectera la qualité de vie de nombreux Juifs pratiquants qui pourraient alors envisager d’émigrer sous d’autres cieux, en Israël mais aussi aux Etats-Unis ou au Canada. Récemment un responsable de la communauté juive de France a mis en garde contre un tel scénario : « Il ne faudrait pas que les Juifs de France quittent leur pays parce qu’ils ne peuvent plus y manger casher » avait-il dit.

Daniel Haïk est journaliste et écrivain, consultant sur la société israélienne pour i24news Article original

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
franco 47

concernant la facilité avec laquelle les européens construisent des musées dédiés au judaisme ou conservent des lieux mémoriels, j’ai toujours pensé qu’inconsciemment, ils acceptent avec beaucoup de plaisir un judaisme mort ou sur le point de disparaître mais que malheureusement un judaisme vivace, attaché à ses traditions « ancestrales »-comme le dit un de nos ministres-, soulève beaucoup moins leur enthousiasme

yankel

Il y a actuellement en Europe une politique contre les musulmans avec l’abattage rituelle et la circoncision
(cas de l’Allemagne) Excepté la Pologne où il y a peu de musulmans et ce n’est que de l’antisémitisme pur Or le problème nous avons les mêmes rites.avec les musulmans. A par la France et l’Angleterre, la majorité des communautés se chiffrent entre 10 000 et 40 000 personnes. La plupart des pays européens se moquent de la réaction de ces communautés. Tôt au tard l’abattage rituel sera interdit dans toute l’Union Européennes car ce sera une directive de l’UE. Les juifs auront 3 choix :1) Manger que du poisson 2) Manger de la viande non cachère 3) Partir en Israël

Sylvie

C’est en effet inquiétant, mais HaChem nous envoie toujours des épreuves pour le bien, c’est à dire qu’il nous envoie des messages désagréables pour nous pousser à agir, dans ce cas peut-être à quitter l’Europe afin de nous éviter qu’il nous arrive du mal. Il suffit d’écouter le récit de Rav Sadin sur ce qui s’est passé à Rhodes où les Juifs avaient été persécutés par le gouverneur qui leur interdisait de respecter le Shabbat et de faire la Ch’Hita ce qui a provoqué le départ de 3000 juifs environ sur les 4500 qui y résidaient. Ceux qui sont restés ont été déportés à Aushwitz pour leur grande majorité. Alors parfois, souvent, voire systématiquement HaChem protège toujours Son peuple par des voies désagréables mais ö combien salvatrices. Si l’interdiction de l’abattage rituel était un mal pour un grand bien ? Je pense qu’il faut vraiment s’interroger sur ce point et voir quel GRAND bien se dissimule derrière ce mal que nous jugeons à première vue. Le cours de Rav Sadin sur les Juifs de Rhodes se trouve sur espacetorah.