Ils ont fait la nouveauté au Forum économique mondial. Opération de charme des islamistes à Davos. Les islamistes qui dirigent les gouvernements de Tunisie, de Libye, d’Égypte et du Maroc ont fait la nouveauté dans cette édition 2012 du Forum économique mondial, qui rassemble l’élite mondiale du monde des affaires et de la politique dans cette station de ski huppée des Grisons.
Ils ont été nombreux à débouler dans les allées de Davos dont la religion est l’argent et lui seul, s’évertuant à rassurer leurs interlocuteurs en affirmant d’une seule voix que “la montée de l’islam politique ne constitue nullement une menace pour la démocratie”.

Les Chefs de gouvernement tunisien et marocain et les ministres égyptiens et libyens se sont attachés à convaincre les argentiers du monde qu’islam et démocratie étaient compatibles pour solliciter leur soutien.

Pour ouvrir le bal, le Chef du gouvernement marocain, leader du Parti de la justice et du développement (PJD), la formation qui a arraché le jackpot des législatives, a déclaré : “Aucune contradiction entre démocratie et islam.” Et comme pour confirmer cet engagement, son ministre des Affaires générales et de la Gouvernance devait souligner que le PJD, qui a pris les rênes du gouvernement début janvier, avait été le seul à présenter une femme, devenue la seule ministre sur 30 membres.

Les Marocaines avaient en leur temps rétorqué être bien loin de la parité promise durant la campagne électorale par ce parti et les engagements de Mohammed VI de mettre ses institutions au niveau universel.

En écho, le chef de la diplomatie tunisienne, Rafik Abdessalem, venu participer, comme ses collègues marocain, égyptien et libyen, au débat sur “l’après-Printemps arabe” organisé par le Forum économique mondial, devait, lui, souligner : “Nous confirmons en Tunisie à travers la réalité qu’il est possible d’être arabe, musulman et démocrate. Les islamistes sont des acteurs politiques comme n’importe quels autres.”

Poussant plus loin la propagande de cet Islam new-look, le Tunisien a ajouté : “La question de l’islamisation n’a rien à voir avec l’État, l’État est neutre, il doit travailler dans l’intérêt et le bien-être du peuple. Mais, dans la vie quotidienne, la religion, islam ou autres, doit être présente.” C’est tout dit, et l’on comprend mieux l’engouement de ces islamistes au pouvoir pour le modèle turc dont il faut souligner que s’il est clean à l’extérieur, il l’est moins chez lui où les démocrates continuent de se battre pour leur idéal de liberté. Ces nouveaux islamistes, pas si nouveaux que cela, affirment, prenant en exemple les États-Unis où, disent-ils, religion et État sont séparés, mais où la religion est très présente dans la sphère publique, jurant qu’ils ne cherchent pas à instaurer plus que cela.

Ils oublient que ces pays, sociétés et institutions sont séculaires et que les pouvoirs ne sont pas des pouvoirs absolus, qu’ils sont surveillés par des contre-pouvoirs. Tunisiens, Égyptiens et Marocains ont plaidé pour des investissements créateurs d’emplois chez eux, tandis que les Libyens étaient, eux, courtisés pour le pétrole dont dispose le pays et les avoirs engrangés par le régime de Kadhafi.

Ils n’avaient pas le cœur à Davos comme leurs coreligionnaires, la Libye post-Kadhafi sombrant dans le chaos, ses autorités transitoires du CNT discréditées par la population et combattues par les “seigneurs de guerre”.

Les gouvernements islamistes ont demandé à la communauté mondiale de l’argent et des affaires trois choses : de la patience, de la compréhension et des investissements. Après s’être immédiatement rendu compte de la réalité du pouvoir, les islamistes invités de Davos ont tous souligné les attentes de leurs populations en ce qui concerne en premier lieu les emplois et le niveau de vie.
L’islam new-look dépend de la rapidité avec laquelle ces gouvernements vont répondre à ces attentes. “Il faut créer beaucoup d’emplois pour donner aux jeunes garçons une chance”, devait renchérir Ibrahim Dabdoub, P-DG de la Banque nationale du Koweït, qui s’est dit partisan d’un plan Marshall arabe en faveur des pays ayant connu des révolutions. Et de comprendre comment cet islam new-look a pu en un tour de passe-passe faire main basse sur des révolutions auxquelles ses acteurs n’avaient pas pris part. Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie a déploré le manque de soutien de la communauté internationale.

À propos du “partenariat de Deauville”, lancé lors du sommet du G8 fin mai 2011 à Deauville (France) afin de soutenir la transition dans cinq pays arabes dont la Tunisie, il a regretté des annonces non suivies d’effets. “De grandes paroles mais peu d’action”, a-t-il déclaré. Les gouvernements islamistes, qui, en automne, rêvaient la tête dans les étoiles, se trouvent contraints de rêver aujourd’hui les pieds sur terre, pour reprendre l’expression de ce gouverneur. Hammadi Jebali et Abdelilah Benkirane, respectivement leaders d’Ennahda et du PJD et Chefs de gouvernement en Tunisie et au Maroc, ont également cherché à réfuter l’idée selon laquelle leurs promesses faites lors de leurs campagnes électorales s’étaient fanées.

Dans les couloirs du Forum économique mondial, plusieurs intervenants ne cachaient pas néanmoins leur scepticisme sur les propos des islamistes, en citant notamment l’exemple de l’Égypte où les mouvements islamistes radicaux souhaiteraient modifier la réglementation bancaire, pour la rendre plus compatible avec les principes de l’islam.

Quant aux libertés démocratiques, et à l’égalité des sexes… c’est un dossier qui sera ouvert plutôt qu’attendu par ceux-là mêmes qui ont porté au pouvoir les islamistes. Le processus a d’ores et déjà commencé en Tunisie, précurseur du Printemps arabe.

Par : Djamel Bouatta – LIBERTE Article original

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