L’Amérique et Israël sont désormais en terre inconnue. Huit mois à peine après la visite de Barack Obama en Israël, le premier déplacement international de son second mandat effectué en guise de réconciliation avec Benjamin Netanyahou, les deux proches alliés sont à nouveau en profond désaccord.

Le litige porte cette fois-ci sur un « pré-accord » nucléaire avec l’Iran. Washington et Jérusalem trouveront un jour le moyen de dépasser ce choc titanique, mais les embrassades ne pourront pas effacer la profonde cicatrice qu’il aura laissée.

La crise actuelle est d’ores et déjà l’une des pires entre les deux pays, et elle pourrait encore s’aggraver avant qu’une embellie intervienne.

Depuis 1982, l’année où Menahem Begin avait voué aux gémonies le plan de paix de Ronald Reagan, jamais Israël n’avait critiqué publiquement d’une telle façon une initiative diplomatique de Washington. Dans une déclaration énergique à Jérusalem, le 10 novembre, Netanyahou a même appelé les dirigeants de la communauté juive américaine à user de leur influence pour faire échouer ce qu’il avait qualifié de « mauvais » accord avec l’Iran.

Jamais un secrétaire d’État américain s’exprimant à la tribune d’une capitale arabe n’avait explicitement invité un premier ministre israélien à se garder de faire obstacle aux efforts de la diplomatie américaine et à mettre en sourdine ses critique jusqu’à la conclusion d’un accord, tout en réaffirmant l’authenticité de ses sentiments pro-israéliens. C’est ce qu’a fait John Kerry dans un point d’information inhabituel à Abou Dhabi, aux cotés du ministre des affaires étrangères des Émirats arabes unis, le 11 novembre dernier.

Et on n’a pas non plus le souvenir récent que face à la critique de l’administration émanant d’Israël et de ses amis américains, un porte-parole du président des États-Unis ait accusé ses détracteurs de lancer « une marche vers la guerre ». Il ouvrait ainsi la boite de Pandore des attaques haineuses qu’il sera difficile de refermer.

La critique israélienne de la politique iranienne des États-Unis comporte trois points essentiels :

Sur le plan de la stratégie en premier lieu : Israël regrette que l’administration ait abandonné sans sourciller son exigence traditionnelle imposant à l’Iran de se conformer à l’obligation imposée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies de suspendre toute activité d’enrichissement. Il estime même que la fin de l’enrichissement n’est pas l’un des objectifs de ces négociations.

Ensuite, sur le plan tactique, si Israël applaudit les sanctions dévastatrices imposées par l’administration à l’Iran, il craint fort que l’accord de Genève à venir ne réduise à néant la pression énorme de ces sanctions. En contrepartie, l’accord aboutirait au mieux à ralentir les progrès de l’Iran sans réduire ses capacités d’enrichissement de l’uranium. Il ne comporterait pas non plus un engagement sur le démantèlement de l’usine d’Arak qui constitue une filière alternative basée sur le plutonium pour aboutir à la bombe nucléaire.

Et enfin, sur le plan opérationnel, Israël se plaint d’avoir été maintenu dans le flou sur les détails du projet d’accord de Genève, sur ce qui a été offert à l’Iran et ce qui lui a été demandé, en dépit de l’engagement américain de le tenir pleinement informé.

Ce sont là de lourdes préoccupations et des accusations sérieuses. Elles méritent d’être effectivement prises en compte. Il est honteux de prétendre que ceux qui soulèvent ce genre de questions préfèrent la guerre à la diplomatie. D’autant plus que toutes ces critiques semblent solides.

On aura beaucoup de mal, par exemple, à trouver un responsable de l’administration disant clairement que l’application pleine et entière des résolutions du Conseil de Sécurité reste le but de ces négociations, encore moins une « ligne rouge » de l’Amérique. Par contre les officiels ont qualifié le maintien de l’exigence de suspension de l’enrichissement de position « maximaliste ». Ils préfèrent parler de l’engagement du président d’empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire, une formulation beaucoup plus approximative qui conserverait à l’Iran la capacité de faire à tout moment une percée décisive. Il est important d’avoir rejeté la revendication de l’Iran à un « droit à l’enrichissement », ce que l’administration a apparemment fait à Genève, mais il n’en n’a pas été de même pour la suspension de l’enrichissement.

Quant aux détails du « pré accord », les responsables de l’administration prétendent que les premiers allègements des sanctions contre l’Iran seront marginaux et que les mesures centrales relatives au pétrole et aux activités bancaires resteront en place jusqu’à ce qu’un accord global soit obtenu. Cependant c’est là une promesse qu’aucune administration ne peut garantir dans la mesure où l’efficacité des sanctions dépend de leur maillon le plus faible. Nul ne peut prévoir comment les autres pays, parfois avides de commerce avec l’Iran, envisageront le « pré accord ». Il n’est pas fantaisiste d’imaginer que le régime de sanctions commencera à s’effriter dès la signature de l’accord intérimaire. Cela souligne qu’il serait sage de demander le maximum de concessions dès le « pré-accord », par exemple l’arrêt du réacteur d’Arak. Il faudrait aussi empêcher le spectre des sanctions de s’effilocher en donnant à l’Iran des preuves tangibles qu’elles pourraient se renforcer et devenir encore plus douloureuses.

De même pour savoir si Israël a été ou pas maintenu dans le flou sur les contenus de Genève, un commentaire contradictoire de Kerry suggère qu’il y a anguille sous roche. Après tout, il a dit, et d’autres officiels avec lui, qu’Israël avait été pleinement informé en permanence, et que ses critiques étaient injustifiées dans la mesure où il ne connaissait pas le détail de ce qui était sur la table dans ces négociations. Les deux déclarations ne peuvent pas être vraies en même temps. De plus, il est manifestement déloyal de demander à Israël et aux opposants du pays au « pré-accord » de mettre en sourdine leurs commentaires avant que l’accord ne soit signé, ce qui est la position de l’administration, dans la mesure où les chances d’influer sur son contenu seraient rigoureusement nulles après sa conclusion.

Ce qui aggrave la situation, c’est que Washington et Jérusalem connaissent une crise de confiance sur le processus de paix israélo-palestinien parallèlement à l’imbroglio iranien. On peut faire des éloges à John Kerry pour sa persévérance et sa créativité dans la conduite d’une diplomatie qui fait penser au drame de Sisyphe. Mais de façon inexplicable, il a perdu le contrôle de lui-même quand Israël a approuvé la construction de 1.900 appartements dans les territoires disputés, ce qui était une réponse politique à la jubilation des Palestiniens au moment où Israël a libéré de prison 26 terroristes endurcis. On ne soutient pas particulièrement la politique israélienne d’implantation en observant que 90% de ces appartement doivent être construits dans des banlieues juives de la capitale d’Israël ou sur des terres situées sur le « coté israélien » de la barrière de sécurité qui resteront sous contrôle israélien dans toutes les hypothèses.

La réaction étonnamment féroce de Kerry a été de mettre sur le même plan toutes les constructions et de les dénoncer en bloc. Il a mis publiquement en question l’engagement pour la paix d’Israël, l’interrogeant de façon provocante sur sa préférence pour une troisième Intifada. Il s’est demandé aussi à haute voix si Israël évacuerait un jour ses troupes de la rive est du Jourdain, des troupes qui ont combattu avec les forces de sécurité palestiniennes contre le terrorisme et fait obstacle à l’extension de l’influence du Hamas. Si l’administration Obama voulait faire attraper un coup de sang aux Israéliens les moins paranoïaques, le moyen le plus sûr d’y parvenir serait de précipiter un accord à Genève et de s’attaquer en même temps à la crédibilité de la volonté de paix d’Israël.

De son coté, Israël a envoyé à Washington des messages contradictoires, en particulier sur la question de l’urgence dans les conversations sur le nucléaire. Ces derniers mois, Israël a fait du tintamarre sur le réacteur au plutonium d’Arak, rappelant sans cesse à Washington qu’à partir du moment où il serait en fonctionnement on ne pourrait plus l’attaquer militairement à cause des risques de radiation. Le message était : « le temps n’est pas de notre coté ». Ce raisonnement des Israéliens fournissait à l’administration de puissants motifs (certains parleraient « d’excuses ») pour un « pré-accord » incluant la fermeture d’Arak. Cependant, depuis le début des conversations de Genève, les Israéliens ont diffusé une autre interprétation, à savoir que « le temps est de notre coté. » Selon les Israéliens, l’Amérique a davantage de moyens de pression qu’elle ne le dit parce que les Iraniens ont le besoin désespéré d’un allègement des sanctions dont l’impact est dévastateur. Encore une fois il ne peut pas être vrai que le temps soit à la fois de notre coté et contre nous.

Il est clair que la crise actuelle aurait pu être évitée. A présent la question est de savoir si l’on peut y remédier.

Le présent écrit montre que l’administration s’oppose à une solution de compromis évidente sur les sanctions : l’approbation dès à présent de sanctions supplémentaires qui seraient mises en œuvre s’il n’était pas possible de conclure un « pré-accord » ou à l’expiration d’une date limite de négociation pour la conclusion d’un arrangement global. Il aurait aussi été utile pour l’administration de mettre en place un nouveau mécanisme de consultation en temps réel avec les Israéliens, pour éviter que des développements imprévus ne les surprennent. Les absurdités de la Maison Blanche sur la nature va-t-en-guerre de ses critiques ont pour effet de ternir la crédibilité de la menace militaire américaine sur l’Iran déjà affaiblie par l’épisode des armes chimiques en Syrie. Il faut donc que l’administration agisse en urgence, à son initiative et en compagnie de ses alliés dans la région, pour rendre sa menace plus crédible.

Plus que tout, il faut réparer le tissu déchiré de la relation israélo-américaine, ce qui inclut la question fondamentale de savoir si le monde va permettre ou non à l’Iran de se doter de capacités d’enrichissement indépendantes, ce qui nécessite de renforcer les convergences de vues entre Obama et Netanyahou. Comme le président l’a dit à Jérusalem en mars dernier, « Du fait de la coopération entre nos gouvernements, nous savons qu’il reste du temps pour poursuivre une solution diplomatique du problème nucléaire iranien »>Article original » Si cette formule est exacte, l’absence de coopération signifie que le temps disponible est en train de s’épuiser.

Titre original : Obama’s Fight With Israel: This Time It’s Serious Article original

par Robert Satloff Politico le 17 novembre 2013

Traduction: Jean-Pierre Bensimon
samedi 23 novembre 2013
fim13.blogspot.fr Article original

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Ruth

Armand Maruani, bravo bravo! comme toujours vos commentaires sont indiscutables.

Armand Maruani

{{Hollande et Fabius sont deux ordures qui ont essayé de nous endormir sachant trés bien qu’ils signeraient un accord avec les mollahs . Cet accord est bidon ; c’est une victoire pour l’Iran et Obama . Israêl encore une fois se retrouve seul}} .

{{Toutes ces ordures qui ont signé cet accord n’ont vu qu’une chose ; les milliards qui vont rentrer dans les caisses de Peugeot et Total principalement ce qui va donner un coup de pouce dans les sondages à cette nullité d’Hollande .}}

{{C’était à prévoir nous ne devons faire confiance en personne , nous n’avons pas d’amis .}}

{{Le seul ami d’Israêl est le Peuple Juif . Encore une fois comme dans les jours les plus sombres de notre histoire mobilisons nous pour soutenir notre petit Etat et cassons nous d’ici au plus vite}} .

Laure

 » Aide toi, le ciel t’aidera  » dit l’adage, Israel s’est toujours pris en main,et cela dans les situations les plus dangereuses…avoir des relations, lier des amitiés c’est appréciable, mais ne pas se laisser aller dans l’euphorie de la confiance, envers tous ces chefs d’état « donneurs de leçon » qui ne servent que leurs propres intérêt. Pour mémoire les réflexions déplacées à l’encontre de Nethanyahou, entre sarkozy et Obama, surprises et révélées lors d’un micro laissé ouvert.

Armand Maruani
Armand Maruani

{{Israël soutenu par tout le Peuple Juif en a vu d’autres . Il agira toujours en fonction de ses propres intérêts .}}

{{ Nous avons une dette éternelle envers nos 6 millions de disparus et le souvenir de la galout nous renforce d’avantage dans la détermination de ne compter que sur nous mêmes .}}

{{Ce n’est pas un Hussein Obama qui nous l’empêcherait .}}