Après des attentats qui ont visé les chrétiens le soir de Noël (50 morts), les chrétiens du Nigéria ont de nouveau été pris pour cible, le 3 janvier, par le groupe terroriste islamiste Boko Haram. Son porte-parole, Abul Qaqa, a décrété l’expiration de l’ultimatum selon lequel les chrétiens vivants dans les 12 Etats musulmans du Nord doivent définitivement quitter le pays, sous peine d’être tous massacrés.Nigéria : les chrétiens sous la menace d’un véritable plan d’épuration

Après les attaques du soir de Noël, les attaques les plus violentes ont eu lieu lors d’un rassemblement de deuil à Mubi (20 morts), puis dans des églises de Yola (Etat d’Adamawa- 10 morts), et de Gombe (7 morts). Depuis début janvier, les affrontements entre islamistes et forces de l’ordre se poursuivent, des maisons de chrétiens sont incendiées, et des centaines de Nigérians chrétiens continuent de fuir leur domicile. Déjà, le 24 décembre 2010, à la veille de Noël, plusieurs églises avaient été attaquées à Jos par Boko Haram, ce qui entraîna la mort de dizaines de chrétiens.

D’après Ayo Oritsejafor, chef de l’Association chrétienne du Nigeria (CAN), il s’agit d’un « nettoyage ethnique et religieux systématique ». Le 31 décembre dernier, le Président (chrétien), Goodluck Jonathan, élu en avril dernier, mais contesté par les organisations islamistes qui exigent un Président musulman, a décrété l’état d’urgence dans les Etats du centre et du nord-est du pays puis a fermé la frontière avec les Etats voisins où sévit Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), notamment le Tchad et le Niger. Faisant allusion au fait que Boko Haram bénéficie de nombreuses complicités au sein des administrations du Nord et des partis et organisations religieuses islamiques, le Président nigérien n’a pas hésité à accuser les gouverneurs des Etats du Nord d’être « complices » des massacres.

Le spectre d’Al-Qaïda au Nigéria et en Afrique noire

La secte islamiste Boko Haram, fondée en 2002, est à l’origine d’innombrables attaques antichrétiennes. Le nom même de Boko Haram, qui signifie « l’éducation occidentale est un péché » en langue haoussa, est tout un programme. Et il démontre une fois de plus que la nouvelle christanophobie va de pair avec l’antioccidentalisme, comme on le voit aussi en Somalie, en Algérie, en Egypte, au Soudan, en Irak, etc. Aujourd’hui, Boko Haram surfe sur cette mode anti-chrétienne et anti-occidentale pour recruter de nouveaux membres. La secte terroriste applique ainsi la nouvelle stratégie d’Al-Qaïda qui vise à resserrer les liens entre musulmans par la diabolisation des chrétiens devenus, avec les « sionistes », les nouveaux bouc-émissaires favoris. L’organisation islamo-terroriste entretient des liens étroits non seulement avec les groupes terroristes affiliés à AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique), dans tout le Sahel-saharien (entre le Mali, l’Algérie, la Mauritanie, etc), mais aussi, plus à l’Est, avec les milices islamistes Shabab, elles aussi liées à Al-Qaïda et qui terrorisent la Somalie et les pays voisins (Ouganda, Ethiopie, Kénya). Certains militants de Boko Haram se sont même rendus dans des camps terroristes talibans et d’al-Qaïda en Afghanistan ces dernières années.

L’alliance avec des groupes jihadistes africains et al-Qaida est particulièrement inquiétante pour tous les pays de la région, surtout après le renversement du régime de Muàmmar Kadhafi, qui a permis aux militants d’Al-Qaïda et aux trafiquants du désert sahélien et sub-saharien d’acquérir de nombreux armements et explosifs pillés ou récupérés des casernes libyennes avant la chute définitive du dictateur.

La « solution finale » des chrétiens

En à peine plus d’un an et demi, le bilan des massacres de chrétiens au Nigéria a battu le record de la christianophobie meurtrière des années 2000, juste derrière le Soudan: un millier de morts depuis début 2010. Fait parmi tant d’autres : le 9 mars 2010, plus de 500 habitants de villages chrétiens au sud de Jos, capitale de l’Etat du Plateau, ont été tués à la machette par des musulmans fanatisés. Parmi les victimes, nombre de femmes et d’enfants massacrés et brûlés. Cette fois-ci, les responsables du carnage n’étaient pas les terroristes de Boko Haram, mais un groupe d’éleveurs musulmans de l’ethnie fulani qui s’en prenait une fois de plus aux Berom, une ethnie sédentaire « ennemie », majoritairement chrétienne, ce qui montre que l’onde de choc christianophobe au Nigéria est générale et ne concerne pas que les groupes terroristes, ce qui est encore plus inquiétant pour l’avenir. Là aussi, comme dans tous les pogroms « populaires » et les guerres civiles, des centaines de maisons furent brûlées et détruites et des milliers de chrétiens furent déplacés. Et d’après les témoins, les habitants musulmans des villages attaqués avaient même reçu au préalable des SMS les avertissant de l’attaque, afin de pouvoir partir et d’être épargnés…

MAIS OU SONT LES INDIGNES indignés ?

Comme en Egypte, en Irak, au Pakistan ou ailleurs en terre anti-chrétienne, l’armée est souvent complice des pogroms antichrétiens, comme le confirme le Forum des Chrétiens de l’État du Plateau, qui accuse l’armée nigériane de ne pas venir au secours des chrétiens agressés. A la lumière de ces constats, il est clair que l’Union européenne, les Occidentaux – et en particulier la France et les Etats-Unis – s’honoreraient de porter aux Nations Unies, au Conseil de l’Europe, à la Cour Pénale internationale de La Haye, la question de la christianophobie, afin de susciter une prise de conscience planétaire à la hauteur de la gravité de la menace. Car le but poursuivi par les Etats et mouvements islamistes radicaux – en pleine recrudescence dans tout le monde musulman, de l’Afrique de l’Ouest à l’Indonésie – est bien de réaliser progressivement, une véritable « solution finale des chrétiens » : une purification ethno-religieuse qui s’est déjà traduite, dans le passé, par de véritables génocides, hélas toujours niées par certains Etats, comme en Turquie en 1915, ou encore au Soudan entre 1960 et 2007.

Mais ce véritable « plan d’épuration » dénoncé fin 2010 avec lucidité par le Président Nicolas Sarkozy, est également poursuivi et appliqué de façon plus progressive par des attentats récurrents, des pogroms, des persécutions étatiques, des brimades incessantes, ou tout simplement par un climat général d’insécurité qui pousse au désespoir, aux conversions forcées ou à l’exil. Le résultat recherché est bel et bien de faire, à terme, de toutes ces terres gagnées par l’islamisme, des terres « christianrein », c’est-à-dire des terres purifiées des de ses « infidèles » chrétiens, assimilés aux diables judéo-chrétiens-occidentaux, « complices des croisés » américains ou « agents » des anciens colonisateurs européens… Telle semble malheureusement être l’essence de la nouvelle christianophobie planétaire que seule une réaction ferme et des pressions économiques et politiques de la part des Etats occidentaux pourront enrayer.

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Alexandre del Valle est l’auteur de Pourquoi on tue des chrétiens dans le monde aujourd’hui ? : La nouvelle christianophobie, Maxima Laurent du Mesnil éditeur (12 mai 2011).

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Massacre de chrétiens au Nigéria : pourquoi sauver Benghazi et pas Kano ?

Les massacres de chrétiens continuent au Nigéria. Ces derniers jours, des centaines de civils ont été massacrés. La communauté internationale tarde à réagir.

Atlantico : Au Nigéria, les massacres se multiplient. La population est directement prise pour cible par des milices armées que les autorités ne parviennent pas à neutraliser. Pourtant, la communauté internationale, notamment la France, évoque assez peu le sujet. Pourquoi est-on intervenu à Benghazi en Libye et n’intervient-on pas à Kano ?

Philippe Moreau Desfarges : Il y a des violences dans beaucoup de pays, la communauté internationale n’intervient pas toujours. Dans le cas de la Libye, la raison n’était pas uniquement liée aux violences d’un début de guerre civile, il s’agissait surtout d’une crise de régime. La violence interne ne justifie pas toutes les interventions, elle doit atteindre un certain degré.

Il y a ensuite une question de proximité géographique. La Libye est très proche de l’Europe. C’est un État dont la position géographique est stratégique. A l’opposé, le Nigeria reste éloigné de nos pays. Les pays européens n’interviendront pas. Le principal problème du Nigeria, c’est la taille de sa population et son poids. Une intervention serait un cauchemar opérationnel.

Il y a enfin des questions pratiques pour évoquer une intervention. En Libye, l’OTAN, motivée par des motifs géostratégiques, a lancé des opérations depuis la mer pour éviter que le sud de la Méditerranée ne sombre complètement dans le chaos. Dans le cas du Nigeria, les enjeux géostratégiques sont beaucoup plus éloignés et moins prioritaires.

Les interventions ne sont jamais dictées que par des raisons morales sinon nous devrions intervenir partout dans le monde. Impossible d’ignorer les conditions dans lesquelles les malheureux militaires vont devoir travailler.

De plus, les autorités nigérianes sont parfaitement souveraines et ne requièrent pas d’intervention étrangère. Je crois que le temps des interventions à l’étranger prend fin. Il reste quelques survivances comme l’Afghanistan où ça ne se passe pas très bien. Même là, les replis sont inévitables. Je ne vois pas quel gouvernement aurait l’audace de s’embarquer au Nigéria. Pour un gouvernement, britannique ou français par exemple, ce serait indéfendable auprès de l’opinion publique confrontée à des problématiques économiques majeures.

Si malgré tout, une intervention devait être envisagée par la communauté internationale, quels en seraient les mécanismes ?

Une action paraît très peu envisageable. Pour l’instant, le Nigeria est en crise, pas en complète décomposition. Des violences ont régulièrement lieu dans ce pays. Il ne faut pas oublier, de plus, que de nombreuses opérations sont actuellement en cours un peu partout dans le monde. L’extérieur, quel qu’il soit, est relativement réticent à intervenir.

S’il devait malgré tout y avoir une intervention, il faudrait réunir deux conditions : un accord africain et un mandat de l’ONU. Seule une coalition régionale pourrait agir. Il faut aussi noter qu’elle ne disposerait que de moyens dérisoires. Pour le volet juridique, il faudrait que les Nations unies donnent leur bénédiction.

Certains pays ou institutions ont-ils plus de raisons que d’autres de se soucier de l’avenir et de la stabilité du Nigeria ? Les matières premières du Nigeria peuvent-elles faire pencher la balance ?

Les États dont les compagnies pétrolières sont au Nigeria pourraient être intéressés par une action. Mais les risques de se retrouver dans un bourbier épouvantable pèsent plus que les intérêts économiques pour l’instant. Il peut y avoir des discours plus forts mais ils resteraient sans conséquences politiques.

La problématique du pétrole, comme cause des actions militaires en Irak ou en Libye ne sont pas des analyses sérieuses. Bien sûr que le pétrole joue un rôle. Mais ces interventions ont dans tous les cas été motivées avant tout par des raisons géopolitiques. En Irak, les États-Unis cherchaient à maintenir et protéger leurs intérêts politiques et sécuritaires dans un Moyen-Orient où ils tentent toujours d’assurer l’ordre. En Libye, c’est plus la peur de flux incontrôlés de réfugiés et de migrants que l’aspect énergétique qui a joué.

Propos recueillis par Romain Mielcarek
ATLANTICO

Philippe Moreau Defarges

Philippe Moreau Defarges est chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et professeur à l’Institut d’études politiques de Paris.

Spécialiste des questions internationales et de géopolitique, il est l’auteur de très nombreux livres dont Introduction à la géopolitique (Points, 2009) ou 25 Questions décisives : la guerre et la paix (Armand Colin, 2009).

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S.LEVY

Où sont les voix des « indignés » anti-israeliens et protecteurs des « pauvres » réfugies palestiniens? Se seront-ils convertis tous à l’islamisme? Et les Coptes d’Egypte? Pourrait-on s’attendre que bientôt le Pape deviendra un autre Ayatollah – Imam Benoit? Et un drapeau à fond vert et lune croissante? Une solution possible: couper toutes remises d’aide et de fonds aux pays arabo-musulmans, cesser tout commerce, rapatrier les musulmans établis en Europe vers leurs pays d’origine. C’est peut-être un peu naïf mais aux grands maux les grandes mesures. Les arabes ne sont pas heureux, ils ne le sont pas à Gaza, en Cisjordanie, à Jerusalem, en Israel, en Egypte, en Libye, En Argélie, à Tunis, non plus au Marroc, au Yemen, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, et non plus au Liban, au Soudan, en Jordanie, en Iran. Mais où sont-ils heureux? En Angleterre, en France, en Italie, en Allemagne, en Suède, en Hollande, au Denmark, en Belgique, en Norvège, en Roumanie, en Hongrie, en Australie, en Nouvelle Zélande. Ils sont heureux en n’importe quel pays do monde qui ne se trouve pas sous le joug d’un gouvernement musulman. Et à qui la faute? Pas à l’Islam, pas à leurs leaders, pas à eux-mêmes. Ils mettent la faute aux pays où ils vivent librement et bien. La démocratie leur est vraiment bonne. En une démocracie ils peuvent vivre confortablement, profiter du haut niveau de qualité de vie, QU’ILS N’ONT PAS CONSTRUIT, NI Y ONT TRAVAILLÉ POUR L’OBTENIR, Ils n’ont pas besoin d’être productifs, ils peuvent maintenir leurs coutumes, désobéir aux lois, exploiter les services sociaux, user la Burqa, faire une parodie de la police, des tribunaux et des gouvernements, enfin mordre les mains qui les nourris. La grande question: ils essaient toujours d’apporter avec eux leurs systèmes en faillite et transformer les autres pays en pays qu’ils abandonnèrent à la recherche d’une vie meilleure? Pourquoi tous ces pays européens les aident-ils à satisfaire leurs idéologies? UN AVIS: FOUTEZ TOUS CES VOYOUS DE RETOUR DANS LEURS PAYS D’ORIGINE AVANT QUE CE NE SOIT TROP TARD ET AVANT DE VOIR S’ÉCROULER LA VRAIE CIVILIZATION EUROPÉENNE.

Afredj

Aucune chance.Ce ne sont pas les chrétiens opprimés dans les pays musulmans qui arrosent les chefs d’état occidentaux et autres et leur valetaille . Ce sont les musulmans qui achètent tout et surtout les consciences.La France s’est vendue depuis longtemps à la Syrie et à l’Arabie saoudite. Les ministres de Chirac avait leur couvert mis à Bagdad.
Le grand imposteur le gâteux Stéphane Hessel s’indigne sur commande et la presse et les bien pensants lui servent la soupe. Les islamistes font la loi en Europe du Nord en belgique et au pays bas, ne parlons pas de l’Angleterre. Le processus est bien enclanché en France et la gauche au pouvoir va le parfaire.Le Pape lui-même ne s’indigne pas.
Alors tous les Sarko,le Hollande, le Juppé pour ne parler que des nôtres. et tous les loufoques latino américains assis confits au fin fond de leurs églises ne vont quand même pas risquer de se mettre Tarik Ramadan à dos pour quelques centaines de milliers de chrétiens massacrés avec la bénédiction d’Allah