L’inculpation et l’incarcération pour soupçons de conspiration contre le régime islamo-conservateur turc de l’ancien numéro un de l’armée suscitait samedi interrogations et inquiétudes dans le pays.Une première dans l’histoire de la Turquie: l’ex-chef d’état-major des armées, le général Ilker Basbug, en poste de 2008 à 2010, a été inculpé vendredi par une juridiction d’exception pour constitution et direction d’une organisation terroriste ainsi que pour tentative de renversement du gouvernement.

Il a immédiatement été transféré à la prison de Silivri, près d’Istanbul, où sont déjà emprisonnés plus de 250 officiers, journalistes, universitaires ainsi que des membres de la pègre, accusés d’avoir conspiré, à partir de 2003, contre le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) qui dirige le pays depuis 10 ans.


M. Basbug

L’Union européenne a vu dans cette inculpation « une opportunité » pour la Turquie de « renforcer la suprématie de l’Etat de droit », selon Peter Stano, le porte-parole du commissaire à l’Elargissement, Stefan Füle.

Mais les Etats-Unis, alliés stratégiques d’Ankara au sein de l’Otan, ont mis un bémol et demandé que le général bénéficie d’une procédure judiciaire « transparente ».

« Nous avons appelé le gouvernement turc à s’assurer que les enquêtes dans ce type d’affaires soient menées de manière transparente et que toutes les personnes accusées puissent jouir de procédures conformes aux normes internationales », a déclaré la porte-parole du département d’Etat, Victoria Nuland.

L’armée perd son influence

En Turquie, l’arrestation d’un général aussi gradé était inimaginable il y a quelques années. Les généraux longtemps intouchables ont vu leur influence réduite au fur et à mesure qu’Ankara procédait à des réformes pour renforcer le pouvoir civil et prétendre entrer dans l’UE.

L’armée turque, la deuxième de l’Otan en effectifs, a longtemps été perçue comme une garantie pour la Constitution laïque du pays. Elle a mené trois coups d’Etat entre 1960 et 1980 et a fait démissionner un gouvernement en 1997.

Pour les commentateurs, cette mise en détention entérine certes la perte d’influence politique de l’armée. Mais ils dénoncent un acharnement contre les comploteurs présumés et se demandent s’il n’y a pas excès de zèle de l’appareil judiciaire sous l’emprise d’un gouvernement de plus en plus autoritaire.

« Evidemment, s’il y a crime, il y a sanction judiciaire. Mais penser qu’une telle personnalité puisse prendre la fuite et l’envoyer ainsi en prison, c’est bafouer la présomption d’innocence », estime Ruhat Mengi dans le journal Vatan.

Et l’éditorialiste enfonce le clou: pour elle, emprisonner un suspect qui a occupé une fonction publique importante relève d’une interprétation mal intentionnée de la loi, qui ne prévoit une mise en détention que si le suspect risque de s’échapper.

Principes bafoués

Le principe est la liberté, la garde à vue l’exception, dit-elle.

Mais l’exception est devenue la règle, dénoncent les experts.

« Je n’ai aucune sympathie pour ces généraux ni pour M. Basbug mais pourquoi l’envoyer comme cela en prison comme un criminel de droit commun ? », s’interroge Aydin Engin, journaliste et écrivain qui s’est exilé longtemps en Allemagne après le putsch de 1980.

« Ces mises en détention sont tout à fait critiquables et injustifiées, car tout le monde sait que ces suspects ne vont pas s’échapper », estime Sinan Ulgen, du Centre d’études économiques et de politique étrangère.

AFP

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