DÉCRYPTAGE – La proclamation d’autonomie de la Cyrénaïque pourrait ouvrir la voie à une partition du pays.Cela fait presque un an que les grandes puissances occidentales ont, à l’initiative de la France, reconnu le Conseil national de transition (CNT) des anciens rebelles anti-Kadhafi comme le seul pouvoir légitime en Libye .

Il y a six mois, Moustapha Abdeljalil, le président du CNT, était reçu comme un chef d’État à Paris, à l’occasion d’une grande conférence internationale consacrée à son pays.

Toutes les délégations se félicitèrent de cette nouvelle Libye, débarrassée de son tyran, déterminée à construire la démocratie chez elle, à y rétablir la prospérité et à consolider la paix dans la région.

Le problème est que le CNT n’est toujours pas parvenu à restaurer l’autorité de l’État, que ce soit dans les provinces ou même à Tripoli, la capitale.

Le 6 mars, des chefs de grandes tribus se sont réunis à Benghazi pour proclamer l’autonomie de la Cyrénaïque – région s’étendant de la frontière égyptienne aux portes de Syrte – dans le cadre d’un État fédéral, dont les deux autres provinces devaient être la Tripolitaine et le Fezzan.

Le but de cette manœuvre est limpide: la quasi-totalité des champs pétroliers se trouvent en Cyrénaïque et ses habitants n’ont plus envie de partager cette fabuleuse richesse avec les autres Libyens.

Le CNT n’avait même pas été tenu informé de cette initiative unilatérale.

Le 7 mars, M. Abdeljalil réagit avec «fermeté» ; il condamna les «séditieux», invoquant un «complot de l’étranger» – une formule classique de la rhétorique des gouvernants arabes en difficulté.

Le chef du CNT est même allé jusqu’à brandir la menace d’user de la force contre les sécessionnistes en puissance.

Mais, très vite, il est revenu à la réalité.

Dans un entretien à la télévision satellitaire qatarienne al-Jazeera – qui est devenue le média d’information le plus écouté par la population libyenne -, le président Abdeljalil a reconnu que son gouvernement de transition n’avait pas suffisamment de forces pour amener les séparatistes à résipiscence.

Cet homme pieux, ancien juge promu ministre de la Justice par Mouammar Kadhafi du temps de l’affaire des infirmières bulgares – expérience qui ne démontre pas nécessairement ses qualités d’homme d’État -, a ensuite blâmé son gouvernement pour avoir créé, par son inefficacité, les conditions de cette regrettable initiative autonomiste.

Cacophonie

Dans cet extraordinaire aveu d’impuissance, le patron du CNT a aussi reconnu que son gouvernement n’avait pas la force nécessaire pour reprendre le contrôle de lieux aussi symboliques que les aéroports ou les postes frontières terrestres.

Jeudi, dans un geste d’apaisement, des milices qui avaient contribué à faire tomber le régime de Kadhafi se sont déclarées prêtes à remettre aux autorités centrales de transition des sites stratégiques dont elles avaient pris le contrôle pendant la révolte.

Cette cacophonie n’est pas de bon augure.

Ce n’est pas encore la guerre intérieure, mais c’est par ce genre de déclarations qu’ont, dans l’histoire, débuté maintes guerres civiles.

Un éclatement violent de la Libye – dont Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) ferait immédiatement son miel – déstabiliserait mécaniquement tous ses voisins sahéliens, dont plusieurs sont des amis de la France.

L’Otan avait-elle prévu un tel scénario?

On voudrait l’espérer.

Car lorsqu’on s’engage à «protéger les populations civiles», il vaut mieux le faire jusqu’au bout, et pas seulement jusqu’au bel instant médiatique de la chute d’un tyran.

Renaud Girard

le 09/03/2012

Le Figaro.fr

http://www.lefigaro.fr/international/2012/03/08/01003-20120308ARTFIG00748-la-libye-sur-la-pente-dangereuse-de-l-eclatement.php

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Armand Maruani

 » Printemps arabe  » : Ils ne respectent même pas les saisons . Tout ce qu’ils touchent , c’est une catastrophe .