La probable nomination de Najib Mikati, candidat du Hezbollah au poste de Premier ministre du Liban, a provoqué lundi la colère des partisans sunnites du chef du gouvernement en exercice Saad Hariri, qui ont accusé le parti chiite de mener un «coup d’Etat».

Des manifestants brandissent des portraits du Premier ministre Saad Hariri, le 24 janvier 2011, à Tripoli, dans le nord du Liban. (© AFP Joseph Eid)

La probable nomination de Najib Mikati, candidat du Hezbollah au poste de Premier ministre du Liban, a provoqué lundi la colère des partisans sunnites du chef du gouvernement en exercice Saad Hariri, qui ont accusé le parti chiite de mener un «coup d’Etat».

Selon le système confessionnel de partage de pouvoir au Liban, le poste de Premier ministre est réservé à la communauté musulmane sunnite, dont M. Hariri est le leader le plus populaire.

Dès que le nom de M. Mikati, milliardaire et ancien Premier ministre, a émergé comme favori aux dépens de M. Hariri, des centaines de partisans de ce dernier ont manifesté à travers le pays contre le Hezbollah et appelé à «une journée de colère» mardi.

«Après le coup d’Etat qui vise à permettre au Hezbollah d’exercer sa tutelle sur la République libanaise, nous appelons les habitants de tout le Liban à exprimer leur colère et leur refus de la tutelle perse à travers des manifestations populaires pacifiques», a annoncé Moustapha Allouche, membre du conseil politique de la formation de M. Hariri.

«Le coup d’Etat du Hezbollah est une tentative de placer la présidence du conseil (des ministres) sous la tutelle du +wilayat al fakiq+», a-t-il ajouté, en référence au système politique clérical en Iran, principal parrain du Hezbollah.

A Tripoli (nord), fief sunnite, mais également à Saïda, berceau de la famille Hariri, à Beyrouth, et dans plusieurs régions à majorité sunnite de la Békaa (est), des sympathisants ont brûlé des pneus et bloqué des routes du pays, poussant l’armée et la police à renforcer leurs effectifs.

M. Mikati, 55 ans, a reçu lundi l’aval des députés du «Parti de Dieu» et de la plupart de ses alliés, lors du premier jour de consultations entre le président libanais. Il devrait être officiellement désigné mardi.

«Najib, dehors», «Hezbollah, Parti du diable», ont scandé près de 500 manifestants rassemblés à Tripoli, certains insultant le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah.

«Par notre âme, par notre sang, nous nous sacrifions pour toi, ô Saad», «le sang des sunnites est en train de bouillir», hurlaient d’autres, en lançant des appels à la grève et à la fermeture des commerces mardi.

Plusieurs dignitaires sunnites ont accusé le parti chiite de vouloir imposer sa volonté sur leur communauté. «Nous ne permettrons pas que Hassan Nasrallah ou autre nomme un Premier ministre pour nous», a lancé cheikh Arslan Malas.

M. Mikati, qui avait dans la journée tendu la main à M. Hariri, a tenté de calmer les esprits en appelant les citoyens «à faire preuve de sagesse et de patience».

La formation de M. Hariri a annoncé qu’elle boycotterait «tout gouvernement dirigé par un candidat» du Hezbollah.

Le gouvernement d’union de Saad Hariri s’est effondré le 12 janvier avec la démission des ministres du camp du Hezbollah en raison d’un bras de fer entre les deux camps au sujet du tribunal de l’ONU chargé d’enquêter sur l’assassinat en 2005 du dirigeant libanais Rafic Hariri, père de Saad, dans lequel le Hezbollah s’attend à être mis en cause.

De jeunes partisans de Saad Hariri se sont rassemblés lundi soir près du mausolée de Rafic Hariri au centre-ville de Beyrouth, brandissant des pancartes où l’on pouvait lire «Non aux Pasdaran», les Gardiens de la Révolution iranienne.

L’éventuelle arrivée d’un Premier ministre soutenu par le «Parti de Dieu» fait craindre à la communauté internationale la formation d’un gouvernement pro-iranien, à l’image de celui du Hamas palestinien dans la bande de Gaza, ce que nie le Hezbollah.

La crise politique au Liban ravive le spectre des violences confessionnelles de mai 2008, quand des combats entre sunnites et chiites avaient mené le pays au bord de la guerre civile.

M. Mikati est l’une des personnalités les plus riches au monde selon Forbes, qui estime sa fortune à 2,5 milliards de dollars.

Les pneus brûlés au sud et au nord du Liban ont fait tache d’huile lundi dans la soirée à Beyrouth. La communauté sunnite, très présente dans les grandes villes de Saïda et de Tripoli, ainsi que dans la capitale libanaise, a vu rouge avec la victoire annoncée de l’opposition parlementaire menée par le Hezbollah dans le choix du futur Premier ministre.

Le Hezbollah veut «une personnalité neutre»

Le 12 janvier dernier, la démission des ministres du Hezbollah et de ses alliés avait provoqué la chute du gouvernement dirigé par Saad Hariri, pour protester contre le Tribunal spécial pour le Liban chargé de faire la lumière sur l’assassinat, le 14 février 2005, du père de Saad, Rafic Hariri.

Des fuites persistantes autour de l’acte d’accusation mettent en cause des membres du Parti de Dieu. Vendredi dernier, le revirement du druze Walid Joumblatt a fait pencher la balance en faveur de l’opposition dite «du 8-Mars», celui-ci tournant le dos à la majorité dite du «14-Mars» en se rangeant «derrière la Résistance et la Syrie» pour préserver la paix civile.

Conformément à la Constitution, le président de la République, Michel Sleimane, est actuellement en train d’entendre les leaders de toutes les formations politiques. Saad Hariri, Premier ministre sortant et candidat à sa propre succession, reste la figure incontournable de la scène sunnite, ce poste revenant traditionnellement à cette communauté.

Mais l’opposition, le Hezbollah en tête, ne veut pas en entendre parler: lundi, elle a proposé le nom de Nagib Mikati, «personnalité neutre» selon eux mais très proche de la Syrie (il entretient de forts liens d’affaires avec la famille Assad au pouvoir à Damas). Mikati avait déjà été nommé Premier ministre en 2005, au lendemain de l’assassinat de Hariri père.

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