ÉGYPTE Déterminés à ne pas lever le camp, les islamistes tiennent tête au gouvernement ; Sissi bénéficie du soutien du peuple.

C’est le bras de fer : le ministère égyptien de l’Intérieur a appelé hier les manifestants islamistes à se disperser en échange d’une « sortie sécurisée », mais ces derniers ont refusé net.
Jugeant les rassemblements comme « une menace pour la sécurité nationale », le gouvernement avait chargé le ministère de prendre « les mesures nécessaires » pour mettre fin au sit-in pro-Morsi. Alors que cet appel pourrait être suivi d’autres mesures, en particulier une intervention des forces de l’ordre, les pro-Morsi se sont empressés de prévenir qu’il n’allait « rien changer » à leur détermination : ils ne lèveront leur sit-in qu’au moment où M. Morsi retrouvera son poste. Ils ont appelé par la même à une nouvelle mobilisation massive vendredi sous le slogan « l’Égypte contre le coup d’État » et s’affirment « prêts à mourir pour la légitimité ». D’après Saad el-Hosseini, ancien gouverneur régional sous la présidence de Mohammad Morsi, les forces de sécurité devraient tuer 100 000 personnes pour mettre un terme aux sit-in.

Confrontés à l’une des plus féroces répressions de leur histoire, les Frères musulmans font de la rhétorique du martyre une stratégie de survie. Ce développement dans l’épreuve de force entre le nouveau pouvoir et les Frères musulmans fait redouter une intervention des forces de l’ordre et de nouvelles violences. Plusieurs capitales et défenseurs des droits de l’homme ont néanmoins appelé les autorités à la retenue et à respecter le droit de rassemblement. « Une manifestation pacifique n’est PAS une “menace pour la sécurité nationale” », a ainsi écrit sur Twitter un des dirigeants de Human Rights Watch, Kenneth Roth. Washington a appelé à « respecter le droit aux rassemblements pacifiques » et Londres a demandé « une fin immédiate de l’effusion de sang » lors d’un appel téléphonique au vice-président par intérim Mohammad el-Baradei.

Le secrétaire d’État américain John Kerry a pour sa part jugé hier, du Pakistan où il est en visite, que l’armée égyptienne avait déposé le président Mohammad Morsi début juillet dans le but de « rétablir la démocratie ». Interrogé sur les allégations de violences de militaires égyptiens contre des manifestants, M. Kerry a affirmé que « cela n’est pas rétablir la démocratie et nous sommes très, très inquiets (…) Nous avons dit clairement que c’était absolument inacceptable ».

L’incarnation de Nasser

Alors que s’aggrave la polarisation du pays, M. Sissi, le chef de l’armée, semble de son côté rassurer les Égyptiens, qui ont été nombreux à lui donner mandat contre le « terrorisme ». Lunettes de soleil sur le nez, regard plongeant et air sévère, le visage du général Sissi s’affiche sur les murs égyptiens et à la une des journaux, et déjà on parle d’une candidature à la présidentielle. « Celui à qui on peut faire confiance » est en passe de devenir une icône nationale. Les médias égyptiens, qu’ils soient d’État ou indépendants, se sont tous alignés derrière le général qu’on compare souvent à Abdel Nasser pour son charisme et sa personnalité. Si cette vague de louanges ne choque pas de nombreux Égyptiens, pour qui elle n’est que le reflet du respect dû à un homme qui a aidé à sauver le pays, elle inquiète cependant les observateurs. Cette popularité risque de se transformer en « culte de la personnalité », prévient Mostafa Kamel el-Sayyed, professeur de sciences politiques à l’université du Caire.

Un dialogue pour un nouveau départ

Au niveau diplomatique, le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle et l’envoyé spécial de l’Union européenne au Moyen-Orient Bernardino Leon sont arrivés en Égypte pour tenter une médiation et rencontrer gouvernement et opposition. De plus, les appels se sont multipliés pour une transition « inclusive » à laquelle participeraient également les Frères musulmans, la puissante confrérie longtemps interdite dans le pays. M. Westerwelle doit ainsi rencontrer le président par intérim Adly Mansour et des représentants de différentes forces politiques, dont les Frères musulmans, afin de les « encourager (…) à ouvrir le dialogue ». Plaidant pour « un retour à la démocratie », il a dit espérer « un nouveau départ » pour les Égyptiens lors d’une conférence de presse au Caire avec son homologue égyptien Nabil Fahmy. La semaine prochaine, le président américain Barack Obama va dépêcher deux influents sénateurs, Lindsey Graham et John McCain, au Caire pour presser l’armée d’organiser des élections générales et d’accélérer un retour au pouvoir civil.

Par ailleurs, dans la péninsule instable du Sinaï, des hommes armés ont tué un policier, le sixième à y trouver la mort en quatre jours.

lorientlejour.com Article original

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