Oups! Il n’était pas éteint, le micro?

Chirac qui critique la cuisine britannique, Obama et Sarkozy complotant contre Néthanyaou, les blagues de Poutine sur le viol…

Retour sur 8 moments où le micro aurait mieux fait d’être éteint.Le microphone est depuis longtemps le meilleur ami et le pire ennemi du politicien.

En 1948, par exemple, Thomas E. Dewey s’attira quelques ennuis lorsque son train électoral faillit écraser une foule de partisans dans l’Illinois, au moment-même où il s’apprêtait à parler dans un micro.

«C’est bien la première fois qu’on me flanque un mécanicien de locomotive aliéné, pesta alors Dewey.

Il devrait probablement être fusillé à l’aube».

N’étant pas du genre à en louper une, le démocrate Harry Truman alors en exercice, loua le caractère «totalement démocrate» du personnel ferroviaire.

Quant au mécanicien «aliéné», il déclara: «Je pense toujours la même chose de Dewey, et ce n’est pas grand-chose.»

Vous pourriez croire qu’en plus de soixante ans, nous avons appris deux ou trois trucs, mais ce n’est visiblement pas le cas.

Le président Barack Obama s’est fait avoir par un micro resté ouvert à trois reprises.

Et rebelote lundi dernier.

Après un sommet à Séoul, des micros ont surpris Obama disant au président russe, Dmitri Medvedev que, pour certaines questions comme la défense antimissiles, il ferait preuve de davantage de «flexibilité» après l’élection présidentielle.

Voici une retranscription et une vidéo de l’échange, publiées par ABC News:

Obama: Sur toutes ces questions, mais particulièrement la défense antimissiles, on peut trouver une solution, mais il doit me laisser une marge de manœuvre.

Medvedev: Ouais, je comprends. Je comprends cette histoire de marge de manœuvre. Vous en avez besoin…

Obama: C’est ma dernière élection. Après mon élection, j’aurai davantage de flexibilité.

Medvedev: Je comprends. Je transmettrai l’information à Vladimir.

La conversation a suscité un tollé chez les conservateurs.

La campagne de Mitt Romney est repartie de plus belle sur Twitter, avec son message «@BarackObama: J’aurai davantage de flexibilité pour … après l’élection», incitant ses followers à remplir les pointillés, que ce soit par «imposer un plan de paix» à Israël ou encore «se la jouer plus Européen».

Le Comité national républicain a même déjà sorti une pub demandant «Qu’est-ce qu’Obama compte encore faire et qu’il ne vous dit pas?».

Un petit truc en passant: si vous devez demander «est-ce que ce truc est allumé ?» avant de faire une déclaration, mieux vaut vous taire que d’avoir à le regretter.

Voici un aperçu des pires tempêtes dans un verre d’eau déclenchées par un micro resté ouvert.

Et si vous pensez qu’Obama s’est pris les pieds dans le tapis, attendez d’entendre les sales blagues de Poutine, ou de voir à côté de quoi nous sommes passés quand Reagan n’a pas su garder sa langue.

1 . Barack Obama et Nicolas Sarkozy critiquent Benyamin Nétanyahou

Pendant un sommet du G-20 à Cannes, en novembre 2011, des journalistes qui avaient branché leurs écouteurs sur leur boîtier de traduction avant d’en avoir le droit ont entendu le président Nicolas Sarkozy traiter le Premier ministre israélien de «menteur» qu’il ne pouvait plus «supporter», lors d’une discussion avec Obama au sujet du vote de la France en faveur de l’adhésion de la Palestine à l’UNESCO.

«Tu en as peut-être marre de lui, mais moi je dois me le coltiner tous les jours», aurait répondu le président américain.

Des commentaires qui causèrent un vif émoi aux États-Unis (Michele Bachmann, alors candidate à l’investiture républicaine, exhorta Obama à présenter ses excuses à Nétanyahou) et en France (Sarkozy reçut à l’Élysée les dirigeants de la communauté juive pour s’expliquer), mais ils furent aussi à l’origine de nombreux débats en Israël.

«J’ai été gêné de lire ce que Sarkozy pensait de notre premier ministre, et j’ai été encore plus gêné d’apprendre que le président américain abondait dans son sens, déclara le député travailliste Daniel Ben-Simon au Jerusalem Post.

Si Nétanyahou »>Article original ment si facilement à des dirigeants importants, imaginez tous les mensonges qu’il doit nous dire».

De l’autre côté de l’échiquier politique, Danny Danon, un parlementaire appartenant au Likoud de Nétanyahou estima que «le véritable visage d’Obama avait été dévoilé, à l’instar de ses politiques glaciales et irrespectueuses envers Israël et le premier ministre Nétanyahou».

Des divisions qui se firent aussi sentir dans la presse israélienne.

En quelques jours, on pouvait y lire des chroniques intitulées «Ne faites pas confiance aux Français», «Ne faites pas confiance à Barack Obama», «Obama, le silence est d’or», «Notre ami à Paris», «Qui peut croire Nétanyahou?» et «Nétanyahou ment moins que ses prédécesseurs».

En mars, Nétanyahou fut «obligé» d’annuler une visite à Paris, mais rencontra quand même Obama à la Maison Blanche.

Cette fois-ci, Obama parla d’ «amitié» et de liens «indéfectibles» – du moins lorsque les micros étaient ouverts.

2. Barack Obama sur le Qatar

En avril 2011, lors d’une collecte de fonds démocrate à Chicago, Obama, ne réalisant par que Mark Knoller de CBS News l’enregistrait toujours après une session de questions/réponses avec des journalistes, dit à des donateurs que l’émir du Qatar, le cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, était «un grand champion, un grand promoteur de la démocratie à travers tout le Moyen-Orient. La réforme, la réforme, la réforme – on ne voit que ça sur Al Jazeera».

Mais, à brûle-pourpoint, il ajouta que l’émir «lui-même ne fai sai »>Article originalt pas tellement de réformes significatives.

Il n’y a pas de grandes avancées démocratiques au Qatar».

Ce qui rend ce commentaire particulièrement embarrassant c’est que, plus tôt dans la journée, Obama avait rencontré Thani à Washington et porté aux nues le leadership du Qatar en Libye, ainsi que son influence «sur la question de la démocratie au Moyen-Orient» (pour le remercier, l’émir promit d’envoyer à Obama des billets pour la Coupe du monde de football 2022, organisée par son pays).

Le quotidien qatari The Peninsula publia sans attendre une contrepartie acerbe:

«Nous croyons fermement que le changement et la démocratie doivent venir de l’intérieur et ne jamais être importés, ou ce qui s’est passé en Irak se répétera. Au Qatar, notre rythme est peut-être lent, mais nous sommes sans aucun doute dans la bonne direction.

Nous sommes certains de voir les objectifs de notre Vision 2030 réalisés huit ans en avance, quand vous viendrez pour la Coupe du monde 2022. Nous pensons que le Qatar est dans une courbe d’apprentissage, et nous faisons déjà des progrès dans notre pratique de la démocratie – des médias au débat public, en passant par l’éducation…

M. le Président, nous avons souvent écrit sur les deux poids deux mesures de la politique étrangère américaine et sur son aveuglement quant aux processus réformateurs au Moyen-Orient.

Nous ne voulons pas que les États-Unis exportent la démocratie, parce que nous ne voulons pas revivre l’expérience irakienne.

Mais soyez-en assuré, nous sommes capables de construire notre propre processus démocratique.»

3. Vladimir Poutine sur Moshe Katsav

En octobre 2006 à Moscou, à la fin d’une conférence de presse commune entre Vladimir Poutine et le premier ministre israélien Ehud Olmert, un journaliste enregistra le président russe blaguer sur les accusations de viol qui pesaient sur son homologue israélien, Moshe Katsav (le président israélien fut plus tard reconnu coupable).

«Mais quel homme puissant!», aurait déclaré Poutine, goguenard.

«Il a violé 10 femmes – jamais je n’aurais pu imaginer ça de lui. Il nous a tous surpris – nous l’envions tous!»

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, admit ensuite que Poutine avait effectivement fait cette vanne, tout en affirmant qu’il était «impossible que le président Poutine se félicite d’un viol».

Pour faire bonne mesure, il ajouta que «le russe est une langue très compliquée, parfois très sensible au niveau de la formulation».

(Pour sa part, Poutine prétendit que les journalistes avaient probablement «entendu quelque-chose et s’étaient fait des idées».

Le meilleur résumé de cette controverse revient à l’hebdomadaire russe, Kommersant, pour qui «c’était le genre de moment où vous n’en croyez tout simplement pas vos oreilles», disait l’article, sidéré.

4. George W. Bush sur le Hezbollah

En juillet 2006, durant un déjeuner du G-8 en Russie, un microphone qui traînait capta le président Bush haranguer le Premier ministre Tony Blair au sujet de l’attitude des Nations Unies dans le conflit entre Israël et le Hezbollah au Liban.

«Ce qui est marrant, c’est qu’ils doivent dire à la Syrie et au Hezbollah d’arrêter de foutre la merde, point barre», faisait remarquer Bush en référence au prétendu soutien de la Syrie au groupe islamiste

Bush ne fit pas grand cas de l’incident («il a levé les yeux au ciel et a rigolé» en lisant la retranscription, selon Tony Snow, secrétaire de presse de la Maison Blanche, s’adressant à des journalistes), mais le président célèbre pour son langage fleuri dût tout de même faire face à quelques volées de bois vert dans la presse.

Tony Blair fut l’objet de critiques tout aussi acerbes.

Voici comment le journal irlandais Sunday Tribune décrivait l’échange, mentionnant aussi un «Yo Blair!» qu’aurait lancé Bush (d’autres sources font état d’un «Yeah, Blair»).

«Yo Blair», s’esclaffe le Leader du Monde Libre à l’adresse de son homme à tout faire, pour saper ensuite le moindre de ses efforts d’intervention dans les bombardements israéliens sur le Liban.

Tony se carapate, la queue entre les jambes, tandis que sa subordination passe à la postérité dans le micro de Bush.

Lors d’une visite au parlement, quelques jours après le sommet, Blair aurait été chahuté aux sons de «yo!» émanant des rangs de l’opposition.

5. Jacques Chirac sur la cuisine britannique

Techniquement, ce n’est pas vraiment une gaffe microphonique, mais elle est trop bonne pour être passée sous silence.

En juillet 2005, des journalistes français entendirent le président Jacques Chirac se moquer de la nourriture britannique en compagnie du chancelier allemand Gerhard Schröder et de Vladimir Poutine.

«La seule chose que les Britanniques »>Article original ont apporté à l’agriculture, c’est la vache folle», aurait ironisé Chirac.

«Vous ne pouvez pas faire confiance à un peuple qui cuisine aussi mal. Après la Finlande, c’est le pays où la nourriture est la plus mauvaise».

Cela va sans dire, les angliches n’ont pas sauté de joie. Sous un titre plein d’esprit «Les blagues réchauffées de Chirac font bouillir Tony Blair», le Guardian faisait la part belle à des chefs anglais pour qui «un homme aussi amer ne peut se prononcer sur le goût de la nourriture» ou qui souhaitaient «lui servir des langoustines suivies d’un bon steak d’Angus d’Aberdeen, et finir par lui donner une crise cardiaque grâce à un pudding au caramel qui colle bien aux dents».

Mais quand Londres, quelques jours plus tard, dama le pion à Paris pour l’organisation des JO 2012, ce fut au tour du Royaume-Uni de pavoiser. Comme on pouvait le lire dans une tribune du Sunday Mercury.

Si Jacques Chirac n’avait pas mis ses grands pieds dans le plat en raillant la Grande-Bretagne et sa cuisine peu ragoûtante, Paris aurait peut-être gagné. Au final, c’est la soif de vaincre de Londres qui eut raison des JO et ce n’est pas la morgue de Paris, certaine d’avoir gagné d’avance, qui triompha.

6. Jean Chrétien sur les politiciens américains

En juillet 1997, attendant l’arrivée du Président Bill Clinton à un sommet de l’OTAN à Madrid, en Espagne, le premier ministre canadien Jean Chrétien lança une violente diatribe contre les États-Unis qui fut saisie par le système audio d’une chaîne de télévision.

«Dans votre pays, dans mon pays, tous les politiciens seraient en prison parce que les Américains »>Article original vendent leurs votes», dit-il aux premiers ministres de Belgique et du Luxembourg, faisant référence au système politique américain.

Il fanfaronna sur le Canada tenant tête aux États-Unis, et s’amusa même de la possibilité de commencer le sommet sans Clinton.

Clinton balaya ces remarques d’un revers de la main (disant que Chrétien était un «dirigeant de premier plan», un «être humain supérieur», et promettant même de «prendre sa revanche» sur un terrain de golf), mais les commentaires du premier ministre furent bien plus controversées dans son propre pays.

«M. Chrétien a réussi à insulter le processus politique américain, le président, le Congrès, l’État, les élus municipaux et même le service public américain», déclara Preston Manning, alors leader de l’opposition canadienne.

Mais dans un éditorial, le journal canadien Globe and Mail fut bien plus élogieux:

Pendant des années, nos diplomates à Washington ont dû avoir le Congrès en ligne de mire.

Que ce soit au sujet des pluies acides, du bois de conifères, d’une interdiction mondiale des mines antipersonnel, ou sur un traité sur les armes chimiques, le Canada a souvent dû remettre ces questions non seulement entre les mains du Président, mais du Congrès, et aussi des lobbys qui jouissent d’un pouvoir énorme dans ce système.

Ainsi, quand M. Chrétien se plaint de l’incapacité de M. Clinton à se faire entendre à l’OTAN ou en Haïti, il fait montre d’une connaissance critique de la réalité de Washington que seul peut avoir un premier ministre canadien.

M. Chrétien devrait exprimer plus souvent ce que lui dicte son cœur. La franchise lui sied parfaitement.

7. John Major sur les membres de son cabinet

En juillet 1993, le premier ministre britannique John Major laissa parler sa frustration et ses difficultés à faire ratifier le Traité de Maastricht lors d’un entretien en off avec un journaliste télé, sans réaliser qu’il était toujours enregistré.

Une de ses sorties les plus célèbres consista à traiter ses ministres eurosceptiques de «bâtards» parce qu’ils refusaient l’intégration européenne. (Le premier ministre n’a jamais donné les noms des membres de son cabinet qui étaient concernés, mais cela n’a pas empêché la presse britannique de spéculer sur leurs identités).

La gaffe ne fit qu’aggraver encore davantage les divisions au sein du Parti conservateur au sujet du Traité, et continua à résonner dans la vie politique britannique pendant un bon petit moment.

En 2004, un article de the Independent mentionnait la réunion de parlementaires Tory, qui avaient alors revendiqué l’étiquette de «bâtards» levant «leurs verres en l’honneur de M. Major et de son accès de dépit».

8. Ronald Reagan sur la Russie

En août 1984, le Président Ronald Reagan fit la mère de toutes les bourdes microphoniques.

«Mes chers compatriotes, s’amusa-t-il à dire pendant les tests de micro précédant un discours à la radio.

Je suis heureux de vous annoncer que je viens de signer un décret proclamant la Russie hors la loi, pour toujours.

Le bombardement commencera dans cinq minutes».

(Le sujet de son adresse radiophonique était par contre bien plus prosaïque: les réunions de groupes religieux dans les lycées publics).

Les journalistes et les assistants de Reagan ont peut-être ri à la blague potache du président, mais en pleine Guerre Froide, cela n’amusa pas beaucoup son ennemi.

Quand les bandes furent diffusées, lit-on dans Politico, l’armée soviétique se mit brièvement en alerte rouge, les officiels américains durent assurer au Kremlin que les remarques de Reagan n’étaient qu’une vaste bouffonnerie, et Reagan dégringola temporairement dans les sondages face à son adversaire démocrate à la présidence, Walter Mondale.

Quelques jours plus tard, l’Associated Press cita une journaliste, Genrik Borovik, apparue à la télévision russe pour critiquer Reagan et son «idée démente» de détruire l’Union Soviétique.

«On dit que le niveau d’humour d’un homme correspond au niveau de sa pensée, observa-t-elle.

Si c’est le cas, cela n’est-il pas trop terre-à-terre pour le président d’un grand pays?»

Et comme nous l’avons appris dans les décennies qui suivirent le scandaleux test de voix de Reagan, même les présidents de grands pays oublient parfois d’éteindre le micro.

Uri Friedman

Traduit par Peggy Sastre / Slate.fr Article original

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