L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a annoncé ce lundi que Téhéran avait commencé à produire de l’uranium enrichi à 20% sur le site de Fordo, extrêmement difficile à attaquer car caché sous une montagne. Après les menaces occidentales d’embargo et la réplique iranienne de potentielle fermeture sur le détroit d’Ormuz, de quoi aggraver les tensions… Mais pourquoi au juste ?
Outil de dissuasion qui ne fut utilisé qu’à deux reprises – et à trois jours d’intervalle – en 1945, l’arme nucléaire est l’apanage d’un club restreint de cinq pays reconnus par le Traité de Non Prolifération, développée par la suite par d’autres nations en marge des institutions internationales (Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord). L’arme nucléaire a été au cœur de la bipolarité de la guerre froide et continue vingt ans après la disparition de l’URSS de s’imposer comme un élément central des questions de sécurité internationale, comme le démontre l’attention toute particulière portée aux questions de prolifération et de désarmement.

Tandis que les appels pour l’abolition sont désormais relayés par des dirigeants politiques, au premier rang desquels Barack Obama qui en formula le vœu pieux dès 2009, la question de la pertinence et de l’utilité de l’arme nucléaire mérite d’être posée. Dans un contexte post-guerre froide, on constate ainsi que si elle ne fut jamais utilisée (ce qui confirme que l’improbabilité de son emploi n’était pas uniquement le résultat de l’équilibre de la terreur, mais également du choix de ceux qui la détiennent), son caractère dissuasif montra également ses limites pour les grandes puissances. En réalité, la généralisation des conflits asymétriques a eu pour effet de rendre le nucléaire obsolète.

Superflu et inefficace

D’une part, les grandes puissances ne sont pas directement menacées par leurs adversaires. Ni l’Irak de Saddam Hussein, ni l’Afghanistan du Mollah Omar, ni même la Serbie de Slobodan Milosevic n’avaient la possibilité d’exporter la guerre sur le territoire américain. Pour se défendre, les grandes puissances n’ont pas besoin de leur force de frappe nucléaire, leur supériorité militaire conventionnelle étant largement suffisante face à des adversaires nettement plus faibles.

D’autre part, l’arme nucléaire ne permit pas de faire céder ces mêmes adversaires, que ce soit en Bosnie en 1995, au Kosovo en 1999, en Afghanistan en 2001 ou en Irak en 2003. Elle n’eut absolument aucune incidence sur ces conflits, prouvant encore une fois que l’équilibre de la terreur de la guerre froide n’était pas la seule garantie de non-emploi du nucléaire (dans le cas du Vietnam par exemple), mais que le caractère asymétrique de ces conflits rend tout simplement le nucléaire quasi-inutilisable par le puissant. Que Washington eut ou non le plus important arsenal nucléaire de la planète ne modifia pas le rapport de force avec des pays comme l’Irak ou l’Afghanistan. Dans ces conditions, et malgré leur caractère « protecteur » relayé par les doctrines de dissuasion que peut rester pertinent dans le cas d’une nouvelle rivalité entre grandes puissances (qui pose la question légitime de savoir si le monde serait ou non plus dangereux sans armes nucléaires), les armes nucléaires s’avèrent plutôt inutiles dans les conflits contemporains.

L’arme du pauvre

Il convient toutefois de poser une autre question : à qui peuvent servir les armes nucléaires ? A cet égard, notons que pour des pays comme la Corée du Nord ou l’Iran, qui ne disposent pas de forces conventionnelles leur permettant de rivaliser avec ceux qu’ils identifient comme leur ennemi (en l’occurrence les Etats-Unis) et qui estiment leur sécurité menacée (par les mêmes Etats-Unis), le choix du nucléaire est celui de l’arme du pauvre. Un programme ambitieux, mais au final nettement moins coûteux que des acquisitions et entretiens d’armes conventionnelles performantes (et de toute façon totalement déséquilibrées face aux grandes puissances), et une force de dissuasion qui, dans le cas de la Corée du Nord, a montré ses vertus : les Etats dits « voyous », faibles et isolés sur l’échiquier international, prouvent que l’arme nucléaire demeure très pertinente pour certains pays, et par conséquent a encore de beaux jours devant elle, qu’on le déplore ou non.

Barthélémy Courmont

Atlantico.fr

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Gerco

Votre raisonnement peut paraitre convaincant lorque l’on a à faire à des dirigeants censés. Or, dans le cas de l’Iran les déclarations de AHMADINEJAD qui rêve « d’un monde sans sionisme » ,qui lance des appels virulents à la destruction d’Israel doivent être prises au sérieux. Il a affirmé pouvoir sacrifier sans problème un million et demi de « martyrs ». Alors qui peut prévoir les actes d’un fou ?