(Entretien avec Moishe Postone ) – Cet entretien réalisé par Martin Thomas est paru dans le magazine britannique de gauche Solidarity (worker’s liberty), n°166, février 2010.

Moishe Postone est un historien et théoricien marxien enseignant à l’université de Chicago.

En plus de son travail abondant sur la critique de l’économie politique (voir« Temps, travail et domination sociale.

Une réinterprétation de la théorie critique de Marx », Mille et une nuits, 2009), il a joué un rôle essentiel dans le développement des théories sur l’existence d’une « gauche antisémite », théories qui s’interrogent sur la façon dont les positions prises par certaines fractions de la gauche, notamment concernant le conflit israélo-palestinien, peuvent parfois nourrir (ou se fonder sur) une hostilité à l’égard des Juifs.

Plus fondamentalement nous renvoyons à l’article de Moishe Postone qui articule les formes de médiation sociale capitalistes et les formes de conscience antisémite relevant d’un anticapitalisme tronqué (qui peut être aussi bien dans une certaine variante, de gauche comme de droite), est Antisémitisme et national-socialisme, un article qui va bien sûr au-delà des explications intéressantes mais superficielles que l’on retrouve par exemple dans le livre de l’historien Michel Dreyfus « L’antisémitisme à gauche ».

Le point de départ de la théorie marxienne de l’antisémitisme moderne (on pourrait dire antisémitisme qui correspond à la forme de vie capitaliste) pourrait être résumé ainsi.

Les formes de barbarisation ne peuvent être expliquées en recourant à la métaphysique d’une nature humaine ou d’un processus transhistorique ou anhistorique.

Chaque forme de rejet de l’Autre, chaque forme d’antisémitisme (antisémitisme chrétien médiéval, antisémitisme moderne) ou d’égoïsme, ou d’individualisme, etc., prennent naissance au sein de certaines formes de rapports sociaux historiquement spécifiques, elles sont spécifiques à une formation social-historique donnée.

Le déploiement d’une logique et d’une dynamique intrinsèque de rapports sociaux socio-historiquement situés, donnent consistance et une forme de coloration sociale, à des formes de barbarisation des rapports sociaux.

Le racisme, l’antisémitisme, etc., ne sont pas des restes du monde prémoderne que n’auraient pas touché le progrès, les Lumières et la démocratie bourgeoise supposés engager l’humanité vers un « processus de civilisation » (Norbert Elias).

La modernité génère sa propre barbarisation.

Le racisme dans sa forme contemporaine, ou l’antisémitisme dans sa forme contemporaine, etc., n’existent pas du fait du venir à soi d’une éternelle « nature humaine » (cf. le livre de Marshall Sahlins, « La nature humaine, une illusion occidentale ») ou de restes prémodernes, mais parce que les rapports sociaux capitalistes et leur dynamique contradictoire qui soumet le réel à l’accumulation fétichiste du travail abstrait autour de laquelle toute la société moderne se met en mouvement, génèrent de manière intrinsèque à leur propre déploiement, des formes de crise de ces mêmes rapports, des rapports sociaux capitalistes contradictoires pleinement déployés, des rapports sociaux qui plongent dans le néant, des rapports sociaux barbarisés.

Tel est le propos historiquement spécifique que l’on retrouve chez les auteurs de la critique de la valeur et plus largement dans la première génération de l’Ecole de Francfort (au moins jusqu’au « tournant pessimiste » ou au « raidissement théorique » de la fin des années 30, mis en évidence par Postone ou Jean-Marie Vincent).

Palim Psao

13 février 2012

http://palim-psao.over-blog.fr/article-le-sionisme-l-antisemitisme-et-la-gauche-entretien-de-moishe-postone-98846198.html Article original

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Qu’est-ce que la wertkritik ?

Avec d’une part le travail magistral de Moishe Postone, le « Chicago Political Workshop » et le groupe basé à Londres « Principia Dialectica » et d’autre part les groupes allemands et autrichiens comme Krisis, Exit, Streifzüge ou le groupe 180 ° avec des théoriciens comme Roswitha Scholz, Norbert Trenkle, Robert Kurz, Anselm Jappe, Gérard Briche, Ernst Lohoff, et plusieurs autres auteurs, « une réinterprétation de la théorie critique de Marx » comme l’a appelée Postone, est apparue durant les deux dernières décennies. A la différence des lectures traditionnelles de Marx avec lesquelles elle rompt, cette approche parfois étiquetée comme mouvance de la « critique de valeur » (wertkritik), a des intérêts principaux divers : cette nouvelle critique s’est en grande partie faite remarquée pour avoir articulé une approche théorique qui porte une attention particulière au caractère fétichiste de la production de marchandises, à la dimension abstraite (travail abstrait) de tout travail, à la distinction entre valeur et richesse matérielle et à la nature du capital comme « sujet automate ». Ainsi, à la différence des marxismes traditionnels les sujets principaux du capitalisme ne sont ni le prolétariat, ni la bourgeoisie, mais plutôt le capital lui-même (la valeur qui s’autovalorise). La valeur n’est pas limitée à la seule  » sphère économique « , mais impose sa structure à toute la société, la valeur est une forme sociale de vie et de socialisation, un  » fait social total « .

Un des points centraux de ce nouveau travail théorique est de développer une critique du capitalisme qui ne s’arrête pas au niveau des antagonismes de classes sociologiques, à la question des rapports de distribution et de propriété privée des moyens de production. La classe capitaliste gère un processus de production de marchandises à son propre profit, mais n’en est pas l’auteur ni le maître. Travailleurs et capitalistes ne sont que les comparses d’un processus qui les dépasse, la lutte des classes si elle existe bien, n’est en réalité qu’une lutte d’intérêts à l’intérieur des formes de vie et de socialisation capitalistes. Ainsi à l’inverse de l’anticapitalisme tronqué, la critique de la valeur ose enfin critiquer le système dans sa totalité, et d’abord critiquer pour la première fois son principe de synthèse sociale, le travail en tant que tel, dans ses deux dimensions concrète et abstraite, comme activité socialement médiatisante et historiquement spécifique au seul capitalisme, et non comme simple activité instrumentale, naturelle et transhistorique, comme si le travail était l’essence générique de l’homme qui serait captée extérieurement par le capital. C’est le double caractère de cette forme de vie sociale et sphère séparée de la vie qu’est le travail et non le marché et la propriété privée des moyens de production, qui constitue le noyau du capitalisme. Dans la société capitaliste seulement, le travail abstrait se représente dans la valeur, la valeur est l’objectivation d’un lien social aliéné. La valeur d’échange d’une marchandise n’est que l’expression, la forme visible, de la valeur  » invisible « .

Un mouvement d’émancipation du fétichisme de la valeur, ne peut plus critiquer ce monde à partir du point de vue du travail. Il ne s’agit donc plus de libérer le travail du capital, mais de se libérer du travail en tant que tel, non pas en faisant travailler les machines à la place car le mode industriel de production est intrinsèquement capitaliste (la technologie n’est pas neutre), mais en abolissant une activité posée au centre de la vie comme socialement médiatisante. Cependant la critique n’a pas à fournir en pièce jointe, un mode d’emploi pour une organisation alternative de l’emploi de la vie. Elle développe une explication possible du monde présent, des souffrances réelles de nos propres vies et des exigences sociales qui leurs sont imposées, mais ce n’est pas un mode d’emploi expliquant comment construire correctement une  » société idéale « .

Le seul critère proposé par la wertkritik c’est qu’aucun medium fétichiste (comme aujourd’hui le travail) ne s’interpose désormais entre les individus sociaux et entre les individus sociaux et le monde. Et comme cela n’a jamais existé, cela reste à inventer. Mais il n’y a pas de compromis possible avec l’économie, c’est-à-dire avec le travail comme forme capitaliste du métabolisme avec la nature, et comme médiation sociale entre les humains. On ne peut privilégier à côté de l’économique, d’autres dimensions (le don, l’entraide, le care, etc.) qui pourraient exister parallèlement, car la valeur est une forme sociale totale fétichiste qui envahit tout : il faut sortir carrément de l’économie en inventant d’autres formes de médiation sociale entre nous, que celles du travail, de la marchandise, de l’argent, du capital qui branche nos « capacités de travail » sur ses agencements sociaux et ses machines.

D’autres points forts de ce nouveau travail théorique a été de fournir une structure qui permette de comprendre le processus de crise économique qui a commencé dans les années 1970 et dont les considérables effets actuels sont souvent compris comme une simple « crise financière », ou encore un autre apport a été l’élaboration d’une théorie socio-historique de la connaissance et de la subjectivité qui rompt avec l’épistémologisme contemporain, tout en permettant de comprendre autrement l’antisémitisme, le racisme, la politique, l’Etat, le droit, la domination patriarcale, etc. Pour faire plus ample connaissance avec ce nouveau travail théorique rompant avec le marxisme, on pourra aller voir dans la partie  » présentation de la wertkritik « .

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Jean

Vicky ,

Votre article à connotation évangéliste n’a aucun rapport avec le sujet du blog qui est  » le sionisme, l’antisémitisme et la gauche  »

Intervenez sur des sujets de blogs appropriés soit au moins sur des sujets religieux quand il y en a .

vicky

Je pense vraiment que tout çà est dû à une ignorance de la volonté de Dieu parce que personne ne souhaite se mettre à lire la Bible dans son entier, textes des prophètes compris. Mais vraiment, la Terre d’Israël s’étendant de l’Euphrate à la Mer Méditerranée et du Nord du Liban au désert du Néguev comprenant Gaza a été donnée aux enfants d’Israël, c’est-à-dire aux Juifs. Contester cette volonté divine, c’est aller contre Dieu et chacun sera responsable du péché qu’il commettra à la face de Dieu. Maintenant, on peut se poser la question de savoir pourquoi Dieu a-t-il choisi le peuple Juif comme étant son peuple, cette Terre comme étant celle donnée à son peuple. La réponse se trouve dans la Bible, parce qu’il s’est attaché à ses ancêtres et qu’il a béni leur postérité à jamais. Mais attention, cela ne veut pas dire qu’il ne châtie pas le méchant, celui qui va à l’encontre de sa volonté. Dieu est juste et droit, il maudit celui qui passe outre sa volonté et bénit celui qui s’y conforme. Après avoir voilé sa face pendant plus de 2000 ans, Dieu ré-affirmera à nouveau son pouvoir dans ce monde plus que cela n’a été au temps de Moïse, de David, Salomon et malheureusement, ce jour, tous les ennemis d’Israël disparaîtront après de grands malheurs, ils n’auront droit à aucune résurrection à la fin des temps (il n’y a pas plus pire malédiction). Lisez quelques prophéties de Zacharie :
« Zacharie 8, 18 La parole de Dieu Sabaot me fut adressée en ces termes:
Zacharie 8, 19 « Ainsi parle Dieu Sabaot. Le jeûne du quatrième mois, le jeûne du cinquième, le jeûne du septième et le jeûne du dixième deviendront pour la maison de Juda allégresse, joie, gais jours de fête. Mais aimez la vérité et la paix! »
Zacharie 8, 20 Ainsi parle Dieu Sabaot. Il viendra encore des peuples, et des habitants de grandes villes.
Zacharie 8, 21 Et les habitants d’une ville iront vers l’autre en disant: « Allons donc implorer la face de Dieu et chercher Dieu Sabaot; pour ma part, j’y vais. »
Zacharie 8, 22 Et de nombreux peuples et des nations puissantes viendront chercher Dieu Sabaot à Jérusalem et implorer la face de Dieu.
Zacharie 8, 23 Ainsi parle Dieu Sabaot. En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues des nations saisiront un Juif par le pan de son vêtement en disant: « Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous. »
Zacharie 9, 1 Proclamation La parole de Dieu est au pays de Hadrak, à Damas elle fait halte. Car à Dieu appartient la source d’Aram et toutes les tribus d’Israël. »
Mais qu’Israël ne s’inquiète pas, ce sont les dernières attaques qu’opèrent ses ennemis avant qu’ils ne disparaissent à jamais par la main de Dieu. Dieu a dispersé effectivement son peuple à travers le monde mais Dieu a juré de le ramener sur la Terre de ses ancêtres, c’est ce qu’il a commencé à faire depuis 1948. Dieu a un plan que celui qui est intelligent et croyant connait, Dieu le mettra en application jusqu’au bout : Tous les Juifs du monde se rassembleront et reviendront sur la Terre de leurs ancêtres, après la mort de tous les ennemis qui entourent Israël. Mais je vous le garantis, et cela arrivera comme Dieu a ramené une partie de son peuple sur la Terre de ses ancêtres, tous les ennemis d’Israël disparaîtront à jamais de la surface de la Terre et n’auront droit à aucune résurrection à la fin des temps, ils auront la malédiction la plus ultime car toutes leurs luttes sont en réalité contre Dieu, les Juifs ne sont qu’un prétexte : ils luttent contre Dieu, c’est une guerre ouverte contre Dieu qu’ils mènent. Ci-suite quelques versets d’Ezéchiel :
Ezéchiel 37, 21 dis-leur: Ainsi parle le Seigneur Dieu. Voici que je vais prendre les Israélites parmi les nations où ils sont allés. Je vais les rassembler de tous côtés et les ramener sur leur sol.
Ezéchiel 37, 22 J’en ferai une seule nation dans le pays, dans les montagnes d’Israël, et un seul roi sera leur roi à eux tous; ils ne formeront plus deux nations, ils ne seront plus divisés en deux royaumes.
Il y a des milliers d’autres prophéties mais que les Juifs se rassurent, ils sont les bien aimés de Dieu, Dieu est avec eux. S’il y avait un seul peuple au monde dont l’existence est garantie, c’est celui du peuple Juif. Par contre, les Juifs qui ont quitté leur peuple seront châtiés et même pire que les ennemis d’Israël. Méditez