La section d’A’are Mot est une section particulièrement familière de la Torah. En effet, nous lisons chaque année cette section le jour de Kippour, car le Torah y décrit le service du jour.

L’une des étapes majeures de ce service est le « Goral », le tirage au sort du bouc émissaire. La veille de Yom Kippour deux boucs strictement identiques sont sélectionnés. Le Lendemain ils sont présentés au Cohen Gadol ainsi qu’une boite contenant deux papiers sur l’un d’eux est inscrit le nom d’Hachem et sur l’autre le nom Azazel. Le Cohen Gadol plonge alors ses mains dans la boite et prend un papier dans chacune de ses mains. Il désignera ainsi un bouc pour Hachem et l’autre à Azazel. Le bouc choisit pour hachem sera alors sacrifié tandis que le bouc choisit pour Azazel sera jeté d’une falaise après que le Cohen Gadol est confessé sur sa tête les fautes du peuple d’Israël.

Le Bouc émissaire était donc un élément déterminant dans l’expiation des fautes du peuple d’Israël le jour de Kippour.

Nos sages s’interrogent sur la signification de ce rite qui semble contredire les principes fondamentaux du judaïsme. En effet, l’apport de sacrifices à Hachem est un rite courant dans la Torah. Le sacrifice est une offrande qui symbolise une profonde dévotion à Hachem. Ce rite comme l’ensemble des pratiques du judaïsme est à l’intention exclusive d’Hachem.

Le rite du Bouc à Azazel jette le trouble quant à l’objet de cette offrande.

A qui ce Bouc est-il offert et pourquoi ?

Le Rav Abraham Ibn Ezra rapporte l’explication d’un certain Rav Samuel qui précise que le Bouc Émissaire est bel et bien une offrande a destination d’Hachem. Le Rav Ibn Ezra reprend ces propos en déclarant que ce bouc n’étant pas sacrifié sur l’hôtel la mention pour Hachem est inutile. C’est pour cette raison que la Torah n’a pas précisée que le Bouc émissaire est pour Hachem. Toutefois, il est évident que le bouc émissaire est à l’intention d’Hachem.

Le nom de Bouc à Azazel désigne essentiellement une falaise abrupte d’où il sera jeté. Le Rav A. Ibn Ezra conclut son commentaire par une allusion mystique quant à la signification profonde de ce rite sans nous la livrer.

Nahmanide, Rabbebou Moshe Ben Nahman de Gironde, nous dévoile dans son commentaire le sens profond de ce rite.

Apres avoir cité le commentaire du Rav A. Ibn Ezra, Nahmanide se propose de nous enseigner le secret du Bouc à Azazel.

Il écrit : « Nos sages ont dit dans le midrash – il est écrit dans la Torah Le Bouc (Seir en Hébreu) portera – cela fait référence à Essav comme il est écrit Essav, mon frère, est un homme poilu (Également Seir en Hébreu) ; (le bouc portera) toutes les fautes du peuple d’Israël – cela fait référence à Yaakov comme il est écrit Yaakov est un homme intègre (En hébreu intègre s’écrit Tam, fautes Avonot et leurs fautes Avonotam, nos sages ont compris qu’il y a dans ce mot une allusion au fait qu’Essav porte les fautes de Yaakov, Avonot Tam). »

Nahmanide écrit alors : «L’explication de cet enseignement est dans les Pirké de Rabbi Eliezer (texte midrashique attribuer au Tana Rabbi Eliezer Ben Horkenos) – c’est pourquoi ils (les enfants d’Israël) offre un pot-de-vin (le bouc à Azazel) à Sameh Mem, l’ange d’Essav, afin qu’il n’empêche pas l’agrément de leur sacrifice (le bouc à Hachem) par ses accusations… »

Le midrash raconte qu’à la suite de cette offrande l’ange d’Essav renonce à ses accusations et loue l’innocence ainsi que la piété du peuple d’Israël.
Nahmanide conclut son commentaire en déclarant que le bouc à Azazel est un ordre divin d’offrir à l’ange d’Essav un pot-de-vin. Le respect de ce commandement divin ne contredit donc pas la Torah.

Cependant, l’explication de Nahmanide comporte plusieurs notions que nous devons absolument comprendre et définir.

Quelle est la signification ange d’Essav ?

Pourquoi est-ce que cet ange est affublé de nos fautes ? Que signifie offrir un pot-de-vin à l’ange d’Essav ? Pourquoi devons-nous agir ainsi ?

Dans la section de Bechala’h la Torah nous raconte la sortie d’Egypte et plus particulièrement le miracle de la Mer du jonc. Trois jours après que les Hébreux aient quitté l’Egypte, pharaon décide de les poursuivre afin de les ramener en Egypte. Pharaon et son armée finissent par les rejoindre sur aux bords de la mer du Jonc. Là, un miracle se produisit, la mer s’ouvre devant les hébreux leur permettant ainsi d’échapper a leur assaillants. Les égyptiens continuent malgré tout de les poursuivre et se précipitent au sein de la mer. Après que l’ensemble du peuple d’Israël est rejoint le rivage la mer se referme sur les égyptiens et les noie.

Lors du récit de cet épisode extraordinaire de la sortie d’Egypte la Torah parle des égyptiens au singulier en décrivant comment les hébreux virent l’Egypte les poursuivre. Les commentateurs, notamment Rachi, s’interrogent sur cet écart de langage. Ils expliquent que les hébreux virent non seulement les égyptiens, mais surtout l’ange de l’Egypte et c’est à cette vision prophétique que la Torah fait allusion.

Le Rav Wolbe explique que hachem a attribué un ange pour chacune des 70 nations qui peuplent la terre. L’ange est un être spirituel dont la mission est de donner à chaque nation les attributs nécessaires à son expansion. Ces attributs sont essentiellement spirituels et définissent l’identité globale de chaque peuple. Il y a donc un lien indéfectible entre l’ange et la nation qu’il inspire. Nos sages déclarent que l’ange d’Essav ou de la nation d’Edom est Same’h Mem ou le yetser hara. Ils définissent la nature de cet ange parce que l’on pourrait appeler aujourd’hui matérialisme. Same’h Mem est donc une force spirituelle qui pousse l’homme vers le matériel. La Torah met en relief cet aspect de la personnalité d’Essav, père de la nation Edomite. Essav y est décrit comme un chasseur habile, un homme des champs, un matérialiste. C’est de ce lien avec son ange qu’Essav puise cette identité spirituelle.

L’ange Same’h Mem est également l’être qui inspire et encourage l’homme à s’investir dans le matériel comme le raconte le talmud : les sages ont voulu annuler le yetser hara, ils prièrent pour cela et furent exhausser. Le lendemain, ils constatèrent que les êtres avaient cessé de se reproduire. Il n’y avait plus de lait, plus d’oeufs etc. Malheureusement, lorsque l’individu fait de la satisfaction des pulsions matérialistes un but en soi, il se détruit et détruit le monde avec lui comme l’explique le Rav Moshe Luzatto. Alors, le yetser hara, l’ange à l’origine de ces pulsions l’accuse d’avoir perverti ses voix et lorsqu’Hachem décide de punir le fauteur c’est le yetser hara qui fait office de bourreau comme le disent les sages du talmud le yetser hara, l’ange accusateur et l’ange de la mort sont une seule et même entité.

C’est donc à cette entité que la Torah nous demande de corrompre par l’envoi d’un bouc.

Qu’est-ce que ça veut dire ?

Le rav Eliahou E. Dessler explique que le pot-de-vin dont parle Rabbi Moshe Ben Nahman représente un service lo lichma, c’est-a-dire un service qui serait emprunt d’intérêts personnels comme étudier pour l’argent, faire la charité pour être honoré etc.

Il explique que toute la signification du Bouc à Azazel est de déjouer les attaques du yetsar hara et d’annuler ses accusations en ajoutant à notre service divin des motifs personnels. Il ne s’agit évidemment pas de se contenter de service Hachem pour des motifs personnels, à D.ieu ne plaise, mais d’utiliser nos motivations personnelles pour berner notre mauvais penchant. Comme nous l’avons expliqué plus haut, le yetser hara séduit l’homme et l’encourage à s’investir dans le matériel. Lorsque cet investissement devient un but en soi, l’homme est alors en danger. L’une des principales épreuves de l’homme est de savoir gérer ses pulsions et mettre le matériel au servir du spirituel. C’est un challenge difficile car il faut établir une harmonie entre deux contraires : le spirituel et le matériel.

Le rav E.E Dessler nous explique que l’unique moyen d’y parvenir est de donner l’impression que notre démarche spirituelle sert des intérêts matériels et par conséquent les intérêts du yetser hara comme l’enseigne la célèbre sentence talmudique : L’homme doit constamment servir Hachem même si sa démarche n’est pas complètement dédiée à Hachem, car elle finira par le devenir.

Bien-entendu, on ne peut prétendre accéder à un service intègre et totalement dédié à Hachem sans que notre objectif initial soit justement d’accéder à ce type de service. Concrètement lorsqu’on « offre » sa part a notre penchant matérialiste il devient beaucoup plus facile de réaliser la volonté de Hachem. Par exemple pour celui qui a l’ambition de devenir un sage en Torah le fait que sa démarche soit superficiellement motivée par le désir d’être honoré diminue les pulsions rebelles qui lui enjoignent d’abandonner l’étude pour s’investir dans les plaisirs de ce monde, car l’intérêt personnel qu’il semble vouloir satisfaire les rassérène. C’est à cet apaisement des pulsions que fait référence le midrash lorsqu’il parle de renoncement du yetser hara voire d’encouragement ce qui signifie qu’elle devient un moteur comme le déclarent nos sages : « la jalousie des érudits multiplie la sagesse. Bien que la jalousie soit un très de caractère négative, elle peut devenir un moteur lorsqu’elle est bien orientée. Par exemple lorsqu’un érudit réalise que l’étendue de ses connaissances ou que sa piété est inférieure à celle de son ami cela l’encourage à multiplier les efforts pour combler son « retard ».

La jalousie devient ainsi un moteur positif dans le service divin. Toutefois, il faut de nouveau préciser que l’objectif ultime de notre démarche et de nos intentions doit être de service Hachem de façon totalement désintéressée. C’est une condition indispensable à l’agrément de notre service.

Darkey Avraham. Article original

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YSJOLIO

Les hôtels ne sont pas les autels….
Merci pour cet éclairage sur le bouc émissaire.
Sinon, l’humanité n’a guère fait de progrès puisque l’homme est toujours le bouc émissaire préféré de l’homme

Laure

Mon souhait le plus vif est qu’ Israel soit délivré de l’enfer qui l’environne,et que son existence reconnue dans le monde entier permette la reconstruction du Temple, qui sera voué à la dévotion de notre Dieu unique, et dans une spiritualité entière totalement dépourvue du moindre sacrifice. Le sacrifice de Jésus créé par le christianisme est une hérésie du monde païen .Le Dieu unique créateur de l’univers n’avait pas besoin de se substituer à un être humain pour racheter ses fautes. par conséquent chacun de ces choix est discutable.Je suis juive et nous souhaite à tous un bon jeûne de Kippour.

Fafouinm2009

De mémoire, cette coutume du « Bouc Émissaire » visait non pas à confirmer quelque chose qui proviendrait du « paganisme » mais à lui faire la lutte étant donné qu’il sacrifiait des enfants ou adultes à ses « divinités », et ce, pour des motifs de repentence de peuple.

Du reste, et du christianisme, on a cette indécence de saluer le sacrifice de « Jésus » d’agréable ODEUR en déclarant son « sang » laveur-purificateur de péché ; ce Jésus « d’ieu-homme », libérateur d’humanité, dit-on !

Sacrifier des enfants-adultes, voire ce « Jésus-en-Croix », ou le Bouc Émissaire ?

Notre choix est … fait ! – 13 sept 2013 / 9 tichri 5774 –

Laure

autant la solennité de kippour est impressionante, autant cette coutume du bouc émissaire me révulse et me paraît barbare. tout être humain s’il a une conscience de ses actes doit les assumer et se racheter par une bonne action. sacrifier deux pauvres bêtes innocentes pour racheter les péchés commis par les hommes est à mon humble avis un outrage lancé à la face de Dieu. Je suppose que cette coutume cruelle est un vestige de paganisme.