Les autorités américaines estiment qu’une banque libanaise est au centre d’un circuit complexe de blanchiment d’argent et de trafics de drogue qui profiteraient au Hezbollah et aux cartelsLa drogue n’a pas de religion et encore moins de frontière, d’où l’alliance, a priori improbable, entre des cartels de la drogue, notamment les Zetas au Mexique, et le Hezbollah.

Selon le site d’enquête américain Pro-Publica, les autorités américaines sont actuellement en train de monter un «dossier explosif» qui lie «le parti chiite libanais, une banque de Beyrouth, les cartels colombiens, les Zetas et les consommateurs américains».

Un homme, Ayman Joumaa, 47 ans, actuellement en fuite, est soupçonné d’avoir mis en place ces liens, et la cour fédérale d’Alexandria aux Etats-Unis a rendu public mardi un acte d’accusation contre lui. Ce réseau aurait été construit à travers la Lebanese Canadian Bank, accusée publiquement depuis février dernier par la Drug Enforcement Administration (DEA) d’être un hub du blanchiment international.

Le New York Times, qui traite également cette affaire dans un longue enquête, estime, lui, que le Hezbollah travaille avec les cartels de drogue car il est poussé par des besoins de nouveaux financements. Pour le quotidien américain, ces «révélations montrent les changements en cours politiques et militaires au Liban et dans le Moyen-Orient». Pendant des années, le Hezbollah aurait reçu 200 millions de dollars annuels de la part de l’Iran et un complément venant de Damas. Mais les sanctions internationales contre Téhéran et la crise intérieure en Syrie ne permettrait plus à ces deux pays de donner autant. Dominique Avon, professeur à l’Université du Maine et auteur du livre Le Hezbollah, est sceptique sur cette analyse: «dans le contexte actuel, ses alliés ont plutôt intérêt à se serrer les coudes et à continuer de le financer. Ils ont toujours de l’argent, et s’ils en ont besoin, ils pressuriseront leur population».

Pour Jean-Luc Marret, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, «l’utilisation de la drogue est une vieille accusation a l’encontre du Hezbollah. Celui-ci niait traditionnellement ou pouvait considérer que tel ou tel lieu de production dans la Bekaa (dans l’est du Liban, ndlr) par exemple ne lui appartenait pas en propre, mais qu’au pire, il bénéficiait de la manne de sympathisants peu regardants».

L’analyste Samir Fangié, l’un des cerveaux de l’opposition dite du 14 mars, estimait également dans Libération le mois dernier que le parti, très divisé, avait perdu sa réputation d’intégrité car il «s’est laissé gagner par la corruption. Il est passé de l’état de mouvement de résistance à celui de mafia. Et cela lui pose des problèmes de plus en plus aigus».

Le quotidien américain propose une infographie pour expliquer la manière complexe dont se sont mis en place ces réseaux financiers. La drogue produite en Colombie est envoyée en Afrique pour sa destination finale, l’Europe. L’argent récoltée est envoyé via des agents de change à la LCB. La banque libanaise réinvestit l’argent de deux manières: elle achète des biens manufacturés en Asie qui sont envoyés en Amérique du Sud pour être vendus et rétribuer ainsi les cartels. Sinon, elle achète des voitures d’occasion aux Etats-Unis qui sont ensuite revendues en Afrique, le bénéfice étant remis dans le circuit financier. Le reste de l’argent sert à financer le Hezbollah.

«Propagande américaine»

Selon les autorités américaines, 200 comptes de la Lebanese Canadian Bank auraient ainsi appartenu directement à des membres ou des proches de l’organisation chiite. L’organisme a été racheté récemment par la Société générale de banque au Liban, une filiale du groupe français mais l’audit mis en place au moment de la vente par le cabinet Deloitte n’aurait pourtant rien révélé d’anormal. Pour Jean-Luc Marret, «l’utilisation de circuits diasporiques, de structures commerciales ou bancaires internationales, en particulier avec une succursale au Liban, tout cela est assez classique, bien documenté, et a dire vrai pas spécifique au Hezbollah».

Le New York Times cite des agents qui racontent une histoire digne d’un film d’espionnage: un agent de la DEA sous couverture est entré en contact en 2007 à Bogota avec un Libanais proche de l’organisation chiite pour transporter de la drogue. 950 kilos ont ainsi été emmenés jusqu’en Syrie, via la Jordanie et le Liban et avec la bénédiction du Hezbollah, qui aurait touché une commission pour garantir la sécurité du transport. Mais avant que toutes les connections aient pu être établies, la suite de l’affaire aurait capoté en raison de la volonté de la CIA d’entrer dans la danse.

Ali Fayyad, membre du parlement et l’un des stratèges politiques du Hezbollah, estime que les allégations des autorités américaines sont de la «propagande» et que les Etats-Unis persécutent des «innocents hommes d’affaire chiites» pour «nous punir d’avoir gagné la guerre contre Israël».

Par QUENTIN GIRARD – Libération Article original

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Denis

Il est temps de dénoncer le rôle que jouent les commerçants de biens d’équipement (marchands de voiture, de machines à laver, textiles…) libanais (presque tous chi’ites) en Afrique, mais aussi dans les Antilles. Ils contrôlent le commerce du cacao en Côte d’Ivoire. Mais ils ne font pas que cela. Ils sont les courroies de transmission des partis chi’ites amal et hezbollah. Qu’attend la presse pour dénoncer ces faits bien connus mais gardés sous silence?